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Investir à la Bourse des actions d'Alger ? (2e partie et fin)
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Publié dans El Watan le 16 - 08 - 2017


Par Nour Meddahi
Professeur d'économie ;
université de Toulouse
Cette distribution de dividende affecte donc négativement les variations sur l'année des entreprises qui ont en distribué (en particulier Alliance Assurances), et positivement celles qui ne l'ont pas fait (en particulier Saidal). Pour mieux intégrer ces dividendes distribués, il est plus utile de considérer le rendement des actions qui inclut donc le dividende.
Les deux entreprises Saidal et El Aurassi ont un rendement supérieur à 10%, ce qui est très bon, alors que ceux des trois autres entreprises sont négatifs (entre -1,14% et -3,23%). Notons que l'entreprise qui a distribué le dividende le plus élevé relativement à son cours (Alliance Assurances) a le plus mauvais rendement. Un rendement positif/négatif veut dire qu'une personne qui a acheté une action fin décembre 2016 et l'a revendue début août 2017 a gagné/perdu de l'argent.
Ratio «dividend-yield». Passons maintenant au «dividend-yield» (DPR). C'est Alliance Assurances qui a distribué relativement le plus gros dividende et qui a un DPR de plus de 11%. Notons qu'il était de 10,1% au moment de l'annonce du dividende (25 mai 2017) et avant la décote institutionnelle.
Le «dividend-yield» d'Alliance Assurance est vraiment élevé, à comparer avec ceux de Biopharm et El Aurassi (5,75%), qui sont à de bons niveaux historiques. Pour bien mesurer l'amplitude du dividende distribué, il est commode de calculer la part de revenus distribués en dividende (pay-out) que l'on peut déterminer en calculant le produit «dividend-yield» par le PER. Pour Alliance Assurances, ce ratio est de 61,9% contre 30,3% pour Biopharm et 54,3% pour El Aurassi. Alliance Assurances a une politique de distribution de dividende très agressive puisque ses «pay-out» ont été de 47,4% en 2013 ; 57,2% en 2014 et 56% en 2015. Rappelons qu'un dividende trop élevé se fait au détriment de la croissance de l'entreprise qui se retrouve avec moins d'argent pour investir.
Par contre, NCA Rouiba a décidé de ne pas distribué de dividende, sa situation économique étant difficile. En 2015, qui était déjà une année difficile, son «pay-out» était de 67,4% contre 32,8% pour 2014 et 37,1% pour 2013.
Comme indiqué ci-dessus, Saidal n'a pas encore fait d'assemblée générale des actionnaires et n'a pas communiqué ses résultats financiers pour toute l'année 2016. Au cours des quatre dernières années, Saidal a distribué un dividende de 40 DA par action. Un tel dividende pour 2017 donnerait un «dividend-yied» de 6%. Son «pay-out» de l'année 2015 était de 35%.
Ratio «price-earning». Les meilleurs résultats sont ceux de Biopharm et Alliances Assurances qui sont autour de 5,5. Cet indicateur est plus élevé pour El Aurassi (9,4). Notons que l'entreprise El Aurassi a connu en 2016 une baisse de 44% de ses revenus nets par rapport à l'année 2015 (son PER était de 4,9), après une autre baisse de 17,8% constatée en 2015.
D'ailleurs, ses revenus nets de 2016 sont du même niveau que ceux de 2004 alors que l'inflation entre 2004 et 2016 a été de 72%. Le PER est beaucoup plus élevé pour NCA Rouiba (21,1%). Cet indicateur est relativement élevé depuis l'introduction en Bourse de NCA Rouiba. Comme El Aurassi, NCA Rouiba a connu de très fortes baisses de son résultat net au cours des deux dernières années, soit -30,8% en 2016 (par rapport à 2015) et -39,3% en 2015 (par rapport à 2014). La crise économique a clairement durement affecté ces deux entreprises. Pour Saidal, le même résultat net en 2016 qu'en 2015 donnerait un P/E de 5,81, soit un ratio proche de ceux de Biopharm et El Aurassi.
Ratio «price to book». Les plus bas ratios sont ceux d'El Aurassi (0,68) et Alliances Assurances (0,76), et ils sont nettement plus petits que 1. Les plus élevés sont ceux de Biopharm (1,25) et NCA Rouiba (1,33), mais ils ne sont pas très élevés. Pour Saidal, utiliser le même montant de capitaux propres que 2015 donnerait un PBR de 0,32, ce qui est très bas (il était de 0,29 à fin 2016).
Conclusions à partir des indicateurs financiers. Comme indiqué ci-dessus, les indicateurs financiers considérés ne peuvent tout expliquer. Il faudrait regarder d'autres indicateurs des entreprises, les données économiques de chacun de secteurs, etc. En plus, il faudrait intégrer les anticipations du marché pour lesquelles nous n'avons aucune information. Néanmoins, on peut tirer des conclusions que suggèrent les indicateurs analysés, qui sont encore une fois les plus utilisés dans les analyses financières de base.
Commençons par Biopharm et Saidal qui en plus d'être les plus grandes capitalisations boursières se trouvent dans le même secteur, ce qui permet une comparaison directe.
Le «dividend-yield» de Biopharm est à 5,76%, pas loin des 6% qu'aurait celui de Saidal si cette entreprise distribue le même dividende qu'au cours des quatre dernières années (40 dinars). Ceux sont de bons indicateurs. Le PER de Biopharm est de 5,26, ce qui n'est pas loin de celui de Saidal (en prenant le résultat de 2015 pour cette dernière). Ce sont aussi de bons indicateurs du point de vue de l'investisseur, et qui sont relativement bas. Par contre, le PBR de Biopharm est de 1,25 contre 0,26 pour Saidal. Comme indiqué ci-dessus, la capitalisation boursière de Biopharm est de 29,3 milliards DA contre 6,7 milliards DA pour Saidal. En termes de capitaux propres, la différence est beaucoup plus faible. En effet, ces capitaux étaient de 23,3 milliards DA en 2016 et 19,3 milliards DA en 2015 pour Biopharm contre 20,5 milliards DA pour Saidal en 2015.
La différence de capitalisation boursière est due à une possible sous-évaluation de Saidal, comme le suggère son PBR qui est nettement inférieur à 1. D'un autre côté, les PER des deux entreprises sont proches, ce qui indique que Biopharm génère des revenus nets beaucoup plus élevés que Saidal alors que leurs capitaux propres sont proches. Plus précisément, si on considère l'année 2015 pour laquelle nous disposons des résultats des deux entreprises, le ratio des capitaux propres de Biopharm sur celui de Saidal est de 0,95, alors que le ratio de revenus nets est de 3,6. Autrement dit, à même capital, Biopharm génère presque quatre fois plus de revenus que Saidal.
Ces chiffres suggèrent qu'en 2015 Biopharm était mieux géré que Saidal et qu'elle était peut-être sur de meilleurs créneaux, mais cela est à vérifier en regardant de près les investissements de Saidal et ses produits. Notons aussi une valse de PDG pour Saidal avec des changements en novembre 2015 et juin 2016, avec, comme rapporté par la presse en 2015, une possible ingérence de la tutelle politique dans les choix stratégiques de Saidal. Rappelons aussi que le résultat net du premier semestre 2016 de Saidal est en net progrès par rapport à celui de 2015. Pour terminer avec Biopharm, les trois indicateurs financiers n'indiquent pas une mauvaise évaluation du cours de son action. Ceci dit, une augmentation de 25% de son cours maintiendrait ses indicateurs financiers PER et PBR à des niveaux raisonnables.
La société El Aurassi a un «dividend-yield» de 5,77%, ce qui est plutôt bon. Son PER qui est de 9,40 a connu une forte hausse en 2016 suite à la baisse de ses revenus nets (-44%), probablement à cause de la crise économique, mais il reste dans une zone encore raisonnable. Néanmoins, son PBR est vraiment bas, ce qui suggère une vraie sous-évaluation. Mais la conjoncture est mauvaise pour El Aurassi. Il faut aussi dire que les prix pratiqués par l'hôtel El Aurassi sont effrayants et largement au-dessus de la concurrence. Il n'est pas certain que cette politique tarifaire soit la bonne politique pour augmenter ses revenus. Enfin, on ne peut ignorer qu'à l'instar de Saidal, l'Etat est actionnaire majoritaire et on ne peut exclure des interférences politiques dans sa gestion, ce qui peut décourager les investisseurs.
Une autre entreprise qui a un PBR nettement plus faible que 1 est Alliance Assurances, ce qui suggère une sous-évaluation, d'autant que les entreprises des services sont connues pour ne pas avoir beaucoup de capitaux propres et avoir un certain capital non tangible. Son «dividend-yield» est très élevé. Son ratio PER est aussi bas, au même niveau que celui de Biopharm. Les trois indicateurs suggèrent une sous-évaluation du cours d'Alliance Assurances. Une augmentation de 50% de son cours maintiendrait ses indicateurs financiers PER et PBR à des niveaux raisonnables.
Le PDG d'Alliance Assurance a affirmé à plusieurs reprises qu'estimant que l'action de son entreprise était sous-évaluée, il achetait des actions de son entreprises, ce qui est une des approches recommandées par la littérature financière. Par ailleurs, et comme indiqué ci-dessus, le dividende élevé distribué cette année par cette entreprise peut être vu comme un appel à investisseurs, possiblement au détriment d'une croissance de l'entreprise. En cas d'échec, cette politique permettra à l'actionnaire majoritaire de disposer de plus de cash pour racheter toutes les actions, rachat obligatoire en cas de baisse sous la barre des 20% de la part des petits actionnaires. Notons enfin que le secteur des assurances a de gros problèmes, ce que n'arrête pas de dire le PDG d'Alliance Assurances. Une guerre des prix semble exister. En soi, ce n'est pas un problème et c'est même bon pour les clients, à condition que les ratios prudentiels soient respectés. L'auteur de cette note n'en n'a aucune idée et ne trouve pas d'information publique sur ces ratios prudentiels. Il paraît très urgent que les autorités politiques créent une autorité de régulation qui soit assez indépendante pour mettre de l'ordre dans le secteur.
Pour ce qui est de NCA Rouiba, elle n'a pas distribué de dividende en 2017 pour l'année 2016. Son PER est de loin le plus élevé de la Bourse. Enfin, le ratio PBR est au-dessus de un et il est le plus élevé de la Bourse, sans être trop élevé. Cette entreprise semble être en difficulté comme l'indiquent les baisses successives de ses revenus nets au cours des deux dernières années (-30,8% en 2016 et -39,3% en 2015). Il est très difficile de conclure que cette entreprise est sous-évaluée. Par ailleurs, le PDG de cette entreprise a récemment affirmé que le secteur des boissons non alcoolisées est en très forte surcapacité de production, soit un rapport de 12, ce qui est du délire et informe bien sur les conséquences des aides industrielles non ciblées. Les perspectives de ce secteur ne semblent pas très bonnes.
4. Un mauvais fonctionnement de la Bourse ?
Comme indiqué ci-dessus, certains actionnaires historiques (et majoritaires) des trois entreprises totalement privées qui sont cotées prétendent que leurs entreprises sont sous-évaluées par la Bourse. Ils se plaignent souvent du mauvais fonctionnement de la Bourse d'Alger pour expliquer la baisse des cours de leur entreprise constatée sur plusieurs années. En particulier, ils critiquent la limitation institutionnelle des variations journalières des prix des actions, actuellement de 5%.
Un autre reproche est la faible liquidité de Bourse d'Alger, ce qui est un fait. Certains de ces propriétaires et des financiers de la place d'Alger reprochent aux institutions publiques de ne pas intervenir sur la Bourse pour créer de la liquidité.
Il est évident que la liquidité est faible. Mais les deux reproches faits par certains actionnaires historiques des trois entreprises totalement privées ne tiennent pas la route. Toutes les Bourses dans le monde ont des fourchettes. L'écart de 5% est raisonnable, surtout qu'il peut augmenter de 5% après quatre séances sans transactions. Par ailleurs, les deux sociétés partiellement publiques ont les mêmes contraintes mais ont connu des hausses de leur cours sur les années récentes, ce qui est le contraire des trois sociétés complètement privées. Enfin, ce système est symétrique (hausse et baisse) et il n'y a aucune raison qu'il «pousse» plus le marché à la baisse qu'à la hausse.
De la même manière, reprocher aux institutionnels publics de ne pas intervenir sur la Bourse est très bizarre. Sur la forme d'abord : on reproche souvent à l'Etat d'intervenir partout et trop dans l'économie ; pourquoi l'inviter à venir participer à l'augmentation des cours des sociétés cotées, en plus aux frais du contribuable ? Sur le fond : pourquoi ne pas inviter les institutionnels privés, en particulier les banques privées, à intervenir ? D'ailleurs, il serait très intéressant de connaître les recommandations d'investissements des actions cotées faites par les intermédiaires privés.
Le problème de liquidité doit se régler autrement. Nous pensons qu'il faut instaurer plusieurs séances de transactions par jour. Il faut aussi instaurer des procédures pour permettre des écarts plus élevés au cours de la journée, même en cas de transactions. Par exemple, en Tunisie, il est permis de dépasser le maximum d'écart de la journée fixé à 3%, ce qui nécessite un gel des ventes pendant quinze minutes. Par ailleurs, réduire le montant du pas de cotation, c'est-à-dire le montant minimal entre deux niveaux de cours, est une méthode classique pour augmenter la liquidité. Ce pas de cotation est actuellement de 5 DA et pourrait être ramené à 1 DA. Une telle baisse ne règlera pas le problème de faible demande des actions, mais pourrait attirer les spéculateurs (investisseurs de court terme) pour animer le marché, ce qui serait utile pour la liquidité du marché.
Pour augmenter la liquidité, il faudrait aussi attirer plus d'entreprises pour introduction en Bourse avec des incitatifs fiscaux forts. Par exemple, la législation actuelle permet une exemption de l'impôt sur la plus-value à l'introduction en Bourse au même niveau que la proportion cotée. Ainsi, si une entreprise introduit 20% de ses actions, elle obtient un rabais de 20% sur l'impôt de la plus-value. Nous pensons qu'il faudrait enlever cette contrainte et mettre une exemption totale (100%) pour tout niveau d'introduction, comme c'est le cas par exemple en Tunisie.
Les pouvoirs publics devraient stimuler la demande des actifs financiers comme les actions et les obligations. Augmenter la taille du système financier algérien (Bourse des actions et marché des capitaux) est un enjeu majeur pour le développement de l'économie du pays et sa diversification. Une bonne façon de stimuler cette demande est de créer des programmes de Plan d'épargne-actions (PEA) et aussi des plans de retraites complémentaires (PRC) pour les personnes physiques, en proposant des avantages fiscaux tout en mettant des maximums à ces avantages fiscaux. Beaucoup de pays le font. Par exemple, la Tunisie a le PEA suivant : toute personne physique peut déduire de sa base imposable un montant annuel maximal de 50 000 Dinars tunisiens (DT) (un peu plus de 14 fois le salaire minimum annuel) qu'il mettrait dans son PEA ; un minimum de 80% doit être placé en actions, le reste en obligations (ce ratio de 80% peut être non satisfait pendant une période qui ne dépasse pas 90 jours) ; pendant six ans, les plus-values et les dividendes peuvent être sortis du PEA sans imposition ; le PEA peut être fermé au-delà des six années sans impôt sur la mise initiale.
Si un tel programme est lancé en Algérie, on pourrait imaginer 50 000 personnes investissant 200 000 DA chacune, soit un total de 10 milliards DA, à comparer avec la capitalisation boursière actuelle de 44 milliards DA. Un tel montant, au taux d'impôt maximal de 35%, coûterait 3,5 milliards DA. De fait, un tel programme attirerait beaucoup plus d'argent car les personnes à revenus moyens seront aussi intéressées et il coûterait relativement moins cher à l'Etat car ces personnes ont des taux d'imposition maximaux plus faibles que 35%. Etant donné la faible taille du marché boursier, il faudrait imposer au début un taux minimal d'actions relativement faible et le relever progressivement au fur et à mesure du développement du marché boursier. Notons qu'à la différence d'un PEA, un plan de complément de retraite n'a pas l'avantage fiscal qui consiste à ne pas taxer les plus-values et les dividendes et aussi à pouvoir sortir l'argent au bout de six ans sans impôt. Au contraire, un plan retraite est un investissement de long terme, les avantages fiscaux ne s'appliquant qu'une fois le détenteur du plan à la retraite. En cas de sortie prématurée de l'argent de ce plan, l'impôt est appliqué.
Un reproche évident à un plan type PEA serait de dire que c'est le contribuable qui va partiellement financer le placement boursier des plus aisés, ce qui est vrai. L'auteur de cette note a à plusieurs reprises défendu l'idée d'augmenter les prix des produits énergétiques qui profitent le plus au plus aisés. Nous parlons de plusieurs milliards de dollars par an, soit nettement plus que les sommes mentionnées ci-dessus. Une réforme des subventions est très souhaitable avec un ciblage direct. Un tel ciblage ne sera pas suffisant ; il faudra aussi réduire les impôts. Un plan type PEA est une manière de le faire de manière bénéfique pour l'économie du pays et aussi pour l'Etat qui aura à sa disposition un marché financier plus développé. Enfin, un marché financier moderne fonctionne en bonne partie par internet. Ce n'est pas en coupant internet pendant le bac que les affaires de la Bourse vont s'améliorer.
5. Problème de surévaluation à l'introduction en Bourse ?
Les cotations des entreprises privées ont effectivement baissé depuis l'introduction en Bourse de ces sociétés, comme ce fut le cas pour les deux sociétés à majorité publique. Ce qui nous amène à nous demander si ce processus d'introduction en Bourse a été fait convenablement. Pour cela, nous allons regarder les indicateurs PER et PBR au moment des introductions en Bourse des cinq sociétés. C'est un exercice difficile et délicat car il faudra peu ou prou décider quel est le niveau raisonnable de PER et PBR. C'est d'autant plus difficile que ces niveaux raisonnables pourraient différer selon les secteurs, en particulier pour le PBR comme expliqué ci-dessus.
Pour chacune des entreprises, le tableau 2 donne l'année d'introduction en Bourse, le prix d'introduction, le cours du 1er août 2017, les ratios PER et PBR lors de l'introduction de Saidal et El Aurassi et pour toutes les entreprises depuis 2011, année de l'introduction de la première société complètement privée (Alliance Assurances).
Commençons par les deux sociétés à majorité publique. Saidal a été introduite en Bourse en 1999, alors que ce fut en 2000 pour El Aurassi. Le cours d'introduction de 800 DA de Saidal est franchement suspect, surtout par rapport à son cours actuel. Notons que l'inflation sur la période 1999-2017 a été proche 110%. Son PER était de 20,13, ce qui est très élevé ; c'est le niveau des PER dans les économies développées. Son PBR était de 1,23. C'est probablement ce ratio qui explique le prix d'introduction, c'est-à-dire un PBR au-dessus de 1 a déterminé le prix d'introduction, ignorant un PER très élevé. Le cours d'introduction d'El Aurassi est aussi suspect, soit 400 DA. Son PER était de 11,06, ce qui est assez élevé, alors que son PBR était de 1,30. On retrouve un PBR du même niveau que celui de Saidal à son introduction. Comme déjà mentionné ci-dessus, le problème de ces deux entreprises est qu'étant donné leurs capitaux, elles ne génèrent pas assez de revenus pour justifier un PBR supérieur à 1. Néanmoins, fin 2003, les cours de Saidal et El Aurassi étaient de 380 DA et 260 DA, ce qui est beaucoup plus raisonnable par rapport aux prix actuels. De la même manière, les PER des deux entreprises étaient de 7,8 et 5,2, alors que les PBR étaient de 0,7 et 0,8.
C'est raisonnable comme indicateurs financiers. Les données historiques suggèrent qu'une correction boursière semble avoir eu lieu entre l'introduction en Bourse de ces deux sociétés et 2003. C'est particulièrement vrai pour Saidal. Signalons enfin que le PER d'El Aurassi était négatif en 2011 pour cause de fermeture de l'hôtel pour rénovation.
Passons maintenant à Alliance Assurances. Son cours d'introduction est clairement très élevé par rapport à son cours actuel. Son PER était élevé en 2011 et 2012, soit 13,2 et 20,5. Le PER de 2012 est vraiment élevé alors que le cours de l'action était de 825 DA, pas loin du cours d'introduction (830 DA). Les PBR étaient aussi élevés, soit 2,45 en 2011 et 2,18 en 2012. Alliances Assurance est une société de service et donc avec un possible capital non tangible qui peut expliquer un PBR élevé, mais 2,45 semble élevé, surtout combiné avec un PER de 13,2 alors que Saidal avait un PER de 3,5.
Fin 2013, le cours d'Alliance Assurances était de 610, avec un PER de 9,64 et un PBR de 1,38 soit des valeurs plus raisonnables, en particulier par rapport aux autres sociétés cotées au moment de son introduction. Les données historiques, en particulier du PER, suggèrent qu'une correction boursière semble avoir eu lieu depuis l'introduction en Bourse de cette société. Rappelons que l'analyse des indicateurs actuels suggère une sous-évaluation de cette entreprise.
NCA Rouiba a été introduite en Bourse en 2013 au cours de 400 DA. Fin 2013, son cours était de 405 DA, avec un PER de 15,03, alors que le PER le plus élevé du marché était plus petit que 10. De la même manière, le PBR était de 1,96 alors que le PBR le plus élevé du marché était à 1,38. Les deux indicateurs étaient donc élevés en 2013, en particulier le PER. Depuis cette date, le cours de cette entreprise a baissé régulièrement, et ses PER et PBR sont les plus élevés du marché, en particulier pour le PER. Les données historiques, en particulier le PER, suggèrent qu'une légère correction boursière semble avoir eu lieu depuis l'introduction en Bourse de cette société. De la même manière, le PER est actuellement très élevé à cause des baisses des revenus à partir de 2014, probablement à cause de la crise économique que vit le pays, crise que personne ne pouvait prédire au moment de l'introduction en Bourse de cette société. Rappelons que l'analyse des indicateurs actuels ne suggère pas une sous-évaluation de cette entreprise.
Enfin, Biopharm a été introduite en Bourse en avril 2016, soit il y a un peu plus d'un an. Les indicateurs financiers PER et PBR semblent raisonnables, en particulier par rapport aux indicateurs des sociétés cotées. Notons que la brochure d'introduction de cette entreprise a explicitement fait la comparaison de ces performances avec Saidal, ce qui a évidemment aidé à fixer un prix conforme au marché. Combinés avec son «dividende-yield», ces indicateurs n'indiquent pas une mauvaise évaluation du cours de son action.
Une troisième société publique, Eriad Sétif, a été introduite en Bourse en 1999 à hauteur de 20% et s'en est retirée en 2006 après de très grandes difficultés financières.
La seule information disponible sur le site de la COSOB concerne la documentation de l'introduction en Bourse, ce qui est très surprenant. Cette documentation nous informe que le cours d'introduction était de 2300 DA, que le PER était de 11,08 alors que le PBR était à 1,37. Des paramètres très proches de ceux de l'introduction d'El Aurassi. Le rachat des actions s'est fait à 1500 DA l'action. Les investisseurs ont beaucoup perdu dans cette affaire, ce qui n'a pas dû rendre attractives les actions à majorité étatique.
La faiblesse de la demande plombe les cours. Une comparaison rapide avec les Bourses des voisins montre que les PER et le PBR sont plus faibles chez nous. Une interprétation possible est que les cours sont sous-évalués.
C'est l'interprétation de certains propriétaires historiques et majoritaire de certaines entreprises totalement privées. Mais une autre lecture est que la demande en actions étant faible chez nous, il n'est pas pertinent de comparer les indicateurs financiers des entreprises cotées à Alger avec celles cotées chez les pays voisins, pays qui ont des Bourses plus développées et plus liquides que nous. Une demande des actions faible implique des cours faibles, et ce n'est pas de la sous-évaluation mais la réalité du marché. C'est la lecture préférée de l'auteur de cette note. Autrement dit, introduire les entreprises sur la Bourse d'Alger en utilisant des indicateurs financiers comparables à ceux des voisins a mené à des surévaluations plus ou moins élevées. Il faut absolument tenir compte de cette faible demande dans la fixation du cours d'introduction des futures opérations d'introduction en Bourse. Par contre, augmenter la demande en actions, par exemple en lançant un programme PEA, devrait augmenter naturellement les cours des sociétés cotées.
Introduction ratée de la cimenterie de Aïn El Kebira de Sétif. La brochure grand public de l'introduction en Bourse en 2016 de cette cimenterie a donné le résultat net et les capitaux propres de cette société pour les années 2011 à 2014, avec un cours d'introduction proposé de 1600 DA par action. Il n'est pas fait mention de dividendes versés sur cette période. En prenant les chiffres de 2014, on obtient un PER de 5,75 et un PBR de 1, ce qui parait raisonnable. L'échec de l'introduction en Bourse de cette entreprise est peut-être à chercher ailleurs que dans ses résultats financiers passés. Une explication avancée est que le lancement de cette introduction s'est fait à un moment proche du lancement de l'emprunt national.
C'est possible, mais cet argument est fragile car le montant de cette introduction avortée était proche de 19 milliards DA, soit 3,3% du montant récolté par l'emprunt national, à savoir 568 millions DA. Une possible explication est la peur d'une gestion pas très efficace de l'entreprise, à l'instar de ce qui s'est passé pour Saidal et El Aurassi au moment de leur introduction. Une autre possible explication est l'état de surproduction que va connaître le secteur sous peu, ce qui nous ramène à l'importance des anticipations des revenus futurs mentionnées ci-dessus.
6. La Crise, une opportunité pour investir ?
Les cours boursiers de certaines entreprises sont clairement impactés par la crise économique. Cette crise va probablement continuer et peut-être devenir plus sévère au cours des années prochaines, ce qui pose la question de l'opportunité d'acheter des actions en Bourse ou plus généralement d'autres actifs comme l'immobilier.
Il y a deux expressions que les investisseurs anglo-saxons aiment bien rappeler. La première expression est «La période pour acheter est quand il y a du sang dans la rue», c'est-à-dire en temps de crise. Elle est attribuée au Baron Rotschild qui aurait en fait dit : «La période pour acheter est quand il y a du sang dans la rue, même si c'est votre sang». La seconde expression est «N'essayez pas d'attraper un couteau qui tombe». Clairement, la première expression suggère que c'est en temps de crise qu'il y a des opportunités d'investissements. Au contraire, la seconde expression recommande la prudence et d'attendre que le couteau touche le sol, c'est-à-dire que la crise soit sur sa fin. Autrement dit, quel est le meilleur moment pour acheter ? C'est quand les prix sont bas ! Comment savoir s'ils ne vont pas continuer de baisser ? Il faut étudier de près les détails techniques et financiers de l'entreprise, son secteur, avoir de la perspective sur l'économie du pays. Il faut aussi se poser la question des investissements alternatifs et se rappeler que l'argent qui dort est grignoté par l'inflation, inflation qui va continuer d'être élevée au cours des années qui viennent. Et surtout prendre des risques, dans l'investissement financier, et de manière plus générale dans la vie. Le rendement est une rémunération du risque pris, à condition d'éviter de perdre sa chemise.
Deux autres règles d'investissement sont bonnes à rappeler. Il faut diversifier son portefeuille entre actions et obligations, comme il faut diversifier les actions et les secteurs. Enfin, la prise de risque doit diminuer avec l'âge ; autrement dit, la part des obligations dans le portefeuille doit augmenter avec l'âge. Certains suggèrent la règle suivante pour les Etats-Unis : soustraire de 100 l'âge de l'investisseur pour déterminer la proportion des actions dans le portefeuille.
7. Recommandations
- Les privatisations doivent se faire par la Bourse pour augmenter sa taille et pour plus de transparence.
- Exonération totale de l'impôt sur la plus-value pour toute proportion de l'entreprise introduite en Bourse pour attirer plus d'entreprises.
- Lancement de plans épargne-actions et retraites complémentaires pour stimuler la demande en actifs financiers.
- Donner une plus grande importance au ratio «prix-earning» (PER) au moment de l'introduction en Bourse pour éviter toute surévaluation du cours.
- Changer le type de management des sociétés à majorité étatique et enlever toutes les interférences politiques pour les rendre plus efficaces et plus attractives à la Bourse.
- Augmenter le nombre de séances de transactions par jour.
- Permettre de rajouter des écarts maximaux au cours d'une même journée, même en cas de transactions.
- Réduire le pas de cotation de 5 DA à 1 DA.
- Donner des aides financières et des incitatifs fiscaux aux médias spécialisés en information financière pour informer et éduquer le public.


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