Quand on voit quelqu'un avec un gros ventre, on se dit souvent qu'il doit trop manger. Ce n'est pas toujours vrai, certains utilisant leur ventre comme double fond pour cacher une sale histoire. Malgré un calendrier très chargé en ces périodes de commémoration, j'ai quand même réussi à me faire inviter au f'tour par Mohamed Chérif Abbas, ministre des Moudjahidine, grâce à un ami mort au combat dans la Wilaya 4. Arrivé avec mes qelbelouz défraîchis, un jeune moudjahid d'une vingtaine d'années m'ouvre la porte avec un sourire et m'invite à entrer. A ma grande surprise, les gens étaient déjà installés autour de l'immense table, mais étaient tellement nombreux que je n'ai pas réussi à voir Chérif Abbas. D'après un voisin de table auprès duquel je me suis assis, il y avait là quelque 6 millions de personnes, tous d'authentiques moudjahidine. Quand l'heure fut donnée d'attaquer les assiettes, les 6 millions de révolutionnaires entamèrent un bref chant patriotique et se ruèrent comme une armée de campagne sur la chorba fric. L'assaut fut rapide et l'on passa rapidement au djouaz. Au bout d'un moment, comme le silence devenait pesant, un vieil homme en bout de table, véritable maquisard d'après ses nombreuses blessures, demanda s'il n'était pas utile de parler des faux moudjahidine à l'occasion du 50e anniversaire de la Révolution. Personne ne répondit et, à la place, on apporta de l'agneau méchoui aux pommes à l'intervenant. Ce fut tout, et le reste du f'tour se passa sans incident notable. A la fin, j'ai pu apercevoir Chérif Abbas distribuant quelques médailles aux retardataires. J'ai récupéré ma boîte de qelbelouz aux vestiaires et je suis parti sans rien demander. Une fois dehors, j'avais encore faim. Je suis donc allé manger un faux filet chez un chouay perdu dans le calendrier en pensant à hier et ses batailles, mais surtout à demain et son combat. Le f'tour chez qui ?