Les exigences « politiques » d'Al Qaïda Maghreb pour libérer les otages autrichiens ne sont-elles pas qu'un vulgaire habillage pour envelopper une motivation première, à savoir le versement d'une rançon ? Sur le plan religieux, c'est conforme au principe d'Ennassera, qui signifie aider son frère d'armes à vaincre, qu'il soit en prison ou au maquis. Demander la libération de chefs du GSPC a pour objectif de susciter la sympathie des familles des détenus et des islamistes en général et de se conforter dans son projet d'Etat islamique, etc. Aussi de telles exigences politiques ne sont nullement un fait nouveau. Rappelons-nous du détournement par le GIA de l'Airbus d'Air France qui était accompagné de revendications du même type : remise en liberté des chouyoukh Abassi Madani, Ali Benhadj et d'autres islamistes de la Salafia Djihadia, Abdelhak Layada et 4 Saoudiens emprisonnés en Algérie. Cela vise à créditer auprès de l'opinion que l'action armée des islamistes n'est pas que du terrorisme mais fondée sur des revendications politiques. Contrairement aux attentats kamikazes, cette opération ne coûte rien au GSPC. On pense qu'au contraire on suscite la sympathie des Algériens en s'attaquant aux étrangers. L'impact est aussi grand. Quelle issue prédisez-vous pour le rapt des deux Autrichiens par le GSPC, dit Al Qaïda Maghreb ? Personnellement, je ne crois pas que ce qui motive les ravisseurs soit le versement d'une rançon. La rançon ne vient qu'après que les objectifs politiques et médiatiques ont été atteints. Je ne crois pas que le GSPC coure derrière l'argent. Cela ne l'intéresse pas. Vous pensez vraiment que les gouvernements algérien ou tunisien relâcheront les chefs terroristes tel que cela a été conditionné par Al Qaïda Maghreb ? Un tel scénario, il est vrai, paraît invraisemblable. Mais l'objectif premier d'une telle exigence, de telles pressions, est de savoir jusqu'à quelles concessions ces deux gouvernements peuvent se laisser aller. Peut-être qu'en place et lieu de la remise en liberté des chefs du GSPC, un autre marché, qui demeurera bien évidemment occulte, sera conclu entre les parties. Quel type de marché ? Il se peut que ce marché soit conclu autour de la remise en liberté de terroristes qui ne sont pas connus, mais sont néanmoins proches des ravisseurs. Et même s'ils n'atteignent pas cet objectif, ils auront quand même la possibilité, en relâchant leurs otages, d'humaniser, si je peux me permettre, Al Qaïda Maghreb. Les otages seront relâchés ? Vous y croyez ? Sans versement de rançon ? Je pense que oui. Même si cela doit prendre du temps. L'intérêt d'un tel épilogue pour le GSPC est de renvoyer une autre image que celle d'une organisation qui verse dans les attentats kamikazes, et autre que celle que renvoie quotidiennement Al Qaïda en Irak. En les relâchant, on gagne la compassion des officiels autrichiens, des Européens en général, et on se parera d'un visage nettement plus humain, plus compatissant avec la douleur des familles des otages, et on rompra avec l'idée des « bons » régimes maghrébins et de la « méchante » Al Qaïda Maghreb. Ce n'est pas négligeable comme dividende. Croyez-vous à une intervention militaire contre les ravisseurs dans une zone aussi instable que Kidal ? Cela très difficile. Y compris pour les Français qui ont fait une offre de service en proposant le concours de leurs services. Le gouvernement français aura sans doute peur des retombées d'un tel engagement sur ses ressortissants en Algérie. Militairement, ce n'est pas évident. Qu'est-ce qu'une telle opération peut impliquer à l'avenir pour l'ensemble de la région ? Il est clair que c'est au bénéficie de la politique américaine. Et aussi européenne. En ce sens qu'elle en appelle à l'interventionnisme et le justifie.