Il est l'incontournable personnage autour de qui gravitent tous les évènements. Sa profession n'est pas une charade, puisqu'il puise ses connaissances dans les tréfonds de la culture. La société ne se rythme que par son génial coup de ciseaux. Par toutes les fêtes et cérémonies religieuses, le barbier de son état s'en remet à la demande expresse du devoir pour apposer son sceau sur le rite halal de nos us et coutumes. El Hajam nous revient d'un passé récent pour perpétuer sa noble mission à travers l'arrière pays devenu son dernier refuge. Avec l'approche des grandes chaleurs, et l'opportunité de célébrer des mariages, circoncisions et « Mawsem », cet habile « limier » fait le tour des villages pour consacrer les baptêmes et accorder aux enfants leur droit princier dans notre société. Personne ne parle de cet égaré de l'histoire, pourtant plus de deux générations d'après-guerre sont passées par le scalpel du cheikh âmi Badaoui, avec plus de cinquante ans de service auprès de toutes les familles algériennes, puisque appelé à se déplacer même à l'intérieur du pays, conserve le titre du dernier des « hadjam », emportant avec lui tout un pan de notre culture. Sa modeste prestation se lit encore sur les visages songeurs des anciens, rappelant que sans lui, la vie serait triste à en mourir. Il se déplaçait avec son humble trousseau de travail sur les lieux de cérémonie. Sa présence était tout un programme, on préparait même un rythmique vocal pour la circonstance : l'incantateur se présente avec un texte à la hauteur du mérite pour louer la noble profession du Hajam. La fête se situe au moment où ce fin chirurgien entame son travail avec un enchaînement lyrique accompagné de « you you ». L'heureux élu est sacré par la bénédiction du Hajam pour devenir maître des lieux, le temps de faire connaître à tout le voisinage que le vieux Badaoui a encore baptisé le énième Algérien. Il y aura de tout temps un écrin d'histoire enfoui dans la mémoire. Au fil des années, l'individu apprend, dans un instinct freudien, à se redécouvrir dans sa position fœtale, avec un truc œdipien pour retrouver ses marques et rendre à cet important personnage le mérite dû aux hommes de culture ; car lui aussi est artiste pour faire briller les fêtes et cérémonies à travers ses magnifiques tatouages.