Yamina Méchakra n'est plus. La maladie a eu raison de sa force de vivre. Comme elle le crie dans ses écrits : « La grotte éclatée » où son propre vécu déteint sur une écriture poétique à souhait, un long paradoxe fait de prose sur une guerre où le maître mot est violence, tuerie, spoliation, privation, humiliation ; et où la femme a eu également sa part de combat, d'idées et de corps. Et puis dans « Arris », cet autre roman né 20 ans après le premier son de poudre qui a fait résonner la grotte. Arris ou la révolte plaintive de la femme algérienne, resté sourd au milieu de cette ruralité qui cache bien des déboires et des vies, supportées par des âmes faites à pleurer et à subir en silence. Yamina Méchakra, en deux romans, a livré ce qu'un auteur des plus prolifiques n'aurait pu donner. Le mot se fait fluide, vigoureux et infini. Une écrivaine qui aurait pu gagner à être mieux connue, plus reconnue... les rares apparitions en public ont été au sein de l'université à l'invitation des départements de langue. Puis enfin cette unique vente-dédicace organisée en 2000 à l'occasion de la sortie de Arris, sous l'impulsion du gérant de la librairie Tiers Monde qui avait insisté alors pour la faire rencontrer à son public. Et il était nombreux à vouloir faire parler la romancière et l'écouter insatiable et attentif à la moindre ponctuation qu'elle émettait avec beaucoup d'humour et de philosophie. Yamina Méchakra n'aimait pas les ovations, les congratulations. Comme les héroïnes de ses livres, elle agissait en douceur, dans l'ombre mais n'en faisait pas moins de bruit. Un bruit agréable à entendre et à répercuter. Comme faire lire ses ouvrages à l'école, là où Marcel Bois, alors professeur de français et traducteur au lycée El Mokrani, avait donné le ton à ses élèves en les initiant à la lecture de « La grotte éclatée » paru en 1979 chez la défunte SNED. Une belle initiation qui a largement contribué à la découverte d'un auteur d'une autre trempe qui plonge dans une autre écriture, celle du nouveau roman. Yamina Méchakra a été oubliée dans l'hommage exceptionnel fait en ce 8 mars 2013 par l'opérateur de téléphonie mobile Nedjma qui célèbre la Journée international de la femme chaque année, consacré à l'écrivain femme. Oubli bien vite rattrapé par Leïla Hamoutène et Zhira Yahi qui lui ont dédié une pensée méritée d'autant qu'elle était alitée, car bien malade. Une femme qui écrit dans notre pays vaut son pesant de poudre, préfaçait Kateb Yacine. Que cette poudre résonne et se répande en une traînée d'hommages alors pour célébrer une écrivaine hors pair. Que ses écrits qui ne sont pas connus soient réédités ou édités à titre posthume. C'est la moindre des reconnaissances qu'on lui doive en cette année dédiée au cinquantenaire de l'Indépendance. Ça sera le baroud d'honneur à Yamina Méchakra. Pour mémoire !