La stratégie est simple pour le diffuseur historique : racheter Bein Sport et ainsi récupérer une majorité des droits perdus au cours de ces dernières années. Etat des lieux de la situation. Comme expliqué en introduction, Canal+ se retrouve quasiment dénué de droits en ce qui concerne le football. La Premier League, le plus beaux championnat du monde pour certains, a été dérobée par Ma Chaîne Sport cette année. Le groupe de Bolloré possède donc, à l'heure actuelle, uniquement une partie des droits de la Ligue 1. Quelle est la situation des deux chaînes ? La conséquence visible est une fuite des abonnés qui s'élève à 88 000 sur l'année dernière, et le grand patron de Canal s'inquiète de ne plus pouvoir dégager de bénéfices. Notez bien ici qu'il ne s'agit pas de pertes, le groupe dégageant près de 600 millions d'euros par an et 16% de marge au premier semestre 2015 ! Aucun problème a racheter un concurrent. D'autant que ce concurrent principal qu'est Bein Sport est largement déficitaire. La chaîne qatarie perd environ 250 millions par an selon Natixis, la faute à une stratégie d'acquisition agressive. Quand on sait que la partie française de la chaîne est évaluée à 500 millions d'euros, cela permet de se rendre compte de l'ampleur de la fuite. Alors vous me direz « mais ils sont riches les qataris non ?« . Oui, mais c'est la crise pour tout le monde ! La chute vertigineuse du baril de pétrole oblige l'émirat à se serrer la ceinture et donc à envisager une cession. C'est le point qui concerne le plus les abonnés des deux chaînes ... et malheureusement celui où le moins d'informations est disponible. Deux solutions sont privilégiées : un accès exclusif à Bein par une offre Canal ou un rachat total. La première solution obligerait le téléspectateur à s'abonner à Canal+ ou Canalsat pour recevoir Bein Sport. Une option déjà en test puisque 3 mois d'abonnement à Bein sont offerts pour tout abonnement à Canalsat. Quelle forme d'entente ? Une alternative qui coûterait cher à C+ mais qui aurait pour but de ramener des abonnés. La deuxième solution serait donc le rachat pur et simple de Bein par Canal. Bolloré devrait donc dépenser environ 500M€ pour prendre possession de la chaîne, et autoriserait les qataris à prendre 8% de Canal. Une lourde acquisition ? Pas si sûr quand on sait que le groupe possède 8 milliards d'euros de trésorerie et prévoit d'en investir 2 dans le développement. Avec 2,5 millions d'abonnés revendiqués, l'éventuelle disparition de Bein Sport les obligerait à se tourner vers le groupe Canal afin de pouvoir continuer à profiter du ballon rond. En effet, dans le cas où Bein serait diffusé uniquement sur Canalsat, les abonnés Numéricable ou encore SFR ne pourraient plus recevoir la chaîne via leur box internet. C'est pour cela que le prochain obstacle à cet accord vient de l'Autorité de la concurrence, puisque les autres bouquets n'auraient plus la possibilité de proposer la chaîne à ses abonnés. Or, depuis 2012, Canalsat est obligé de diffuser toutes les chaînes premium de manière non-exclusive jusqu'à 2017 voir 2022 si la décision est prolongée. Bref, tout cela signifierait surtout une augmentation du prix de l'abonnement. Le prix actuel de 13€/mois ne permet pas de rentabiliser les investissements faits par la chaîne qatarie, et quand on connait la politique de prix de Canal, on peut s'attendre à une hausse visant au moins les 15-20€/mois, ce qui équivaudrait à une offre low-cost, comme cela a déjà pu être le cas par le passé. Dans le pire des cas, le prix ne rebutant en général pas les abonnés, ce montant pourrait augmenter significativement. Quelles conséquences pour le football ? Elles ne seraient pas dommageables à court terme puisque la LFP a déjà renégocié en avance les droits du championnat de France jusqu'en 2020. Thiriez a donc eu le nez creux pour une fois. Par la suite cependant, on peut s'attendre à une baisse des droits TV suite à la disparition d'un concurrent. Mais – car il y a un mais – l'arrivée sur le marché de MCS (propriété du groupe Altice) et Eurosport (groupe Discovery) pourrait relancer cette concurrence. C'est d'ailleurs l'argument avancé par Bolloré pour rassurer les présidents de L1 sur cette possible acquisition de Bein. Cela dit, il y a peu de chances que ces promesses tiennent... Les dernières nouvelles annoncent que les discussions avancent rapidement sur ce dossier et nous en auront l'épilogue vraisemblablement d'ici peu de temps. Mais il aurait été bon de se demander d'abord si le prix des abonnements n'était pas un peu faible compte tenu de l'offre de Bein, et si les récentes polémiques (les Guignols notamment) ne donnent pas une mauvaise image du groupe Canal qui ne maximise donc pas ses abonnements (1/3 des recrutements étant motivés par ce critère) ? On peut également se demander si l'Autorité de la concurrence acceptera ce deal. En tout cas, on attend avec impatience le prochain appel d'offre.