Distinction n Le Lion d'Or de la 68e Mostra de Venise a été attribué à Faust du Russe Alexandre Sokourov, fable sombre sur la corruption du pouvoir, encensée par la critique. «Il y a des films qui font pleurer, rire, penser, des films qui émeuvent, qui changent la vie pour toujours. Faust est de ceux-là», a déclaré le président du jury, le cinéaste et producteur américain Darren Aronofsky, réalisateur du Cygne noir, en décernant ce prix à «l'unanimité». Déjouant en partie les pronostics, le jury a laissé de côté Carnage de Roman Polanski, pourtant donné grand favori. Il avait le choix entre 23 films, une sélection haut de gamme réunissant des grosses pointures du cinéma (Polanski, Clooney, Cronenberg, To, Friedkin...) et de jeunes réalisateurs, témoins «d'un cinéma international vivant et en marche», a dit Darren Aronofsky lors de la cérémonie de clôture. Avec Faust, inspiré du classique de Goethe, Alexandre Sokourov, 60 ans, signe un film qualifié de «vertigineux» par plusieurs critiques. Il reprend l'histoire archétype du face-à-face avec le diable mais sous forme d'une méditation sur la corruption du pouvoir. Les personnages, en costumes XIXe siècle, y sont inquiétants et évoluent dans une atmosphère étouffante et nauséabonde de fin du monde, un thème cher à cette 68e Mostra. «Faire du cinéma d'auteur c'est très difficile de nos jours. Je vous remercie pour la compréhension et la fatigue que cela comporte» (de le regarder), a déclaré le réalisateur, «très heureux de vivre dans le cinéma» et dans une Europe où, a-t-il dit, nous pouvons nous comprendre». Faust est le dernier volet d'une tétralogie sur les dictateurs, le pouvoir et la folie humaine, entamée en 1999 avec un portrait fictionnel d'Adolf Hitler. Le film suit l'itinéraire du Dr Faust (Johannes Zeiler), gouverné par ses instincts primaires dans sa quête effrénée du pouvoir et de l'amour. Il se déroule dans une atmosphère suffocante, peuplée de cadavres, de viscères où le malin lui-même (Anton Adasinskiy), seul à croire en Dieu, souffre d'ulcères purulents. Lion d'argent de la meilleure mise en scène est allé au film chinois de Cai Shangjun Ren shan ren hai (People Mountain People Sea). Ce film, censuré cinq fois en Chine, et parvenu de justesse à Venise où il a été annoncé comme une «surprise» de dernière minute, évoque les conditions de travail dans les mines en Chine. La performance «courageuse» de l'acteur germanais-irlandais Michael Fassbender, qui incarne un jeune cadre new-yorkais en proie à ses obsessions sexuelles dans Shame du Britannique Steve McQueen, a été couronnée d'un prix d'interprétation. Le prix de la meilleure actrice revient à la Hongkongaise Deani Ip pour Tao jie, (A Simple Life) de Ann Hui (Chine/Hong kong), sur les relations entre un homme et une femme au service de sa famille depuis des années. C'est un film sur la vieillesse. - Le thème de l'immigration qui traversait plusieurs films italiens, se retrouve dans le palmarès avec le prix du jury à Terraferma d'Emanuele Crialese, qui a remercié les habitants des petites îles de Linosa et Lampedusa, terres d'accueil de milliers d'immigrés cette année, pour l'avoir «aidé à regarder au-delà d'un horizon un peu étroit». Sur le même thème, Là-bas de Guido Lombardi, qui concourait dans une section parallèle, a reçu le prix du meilleur premier film. Quant au Prix Marcello-Mastroianni du meilleur jeune interprète, il est revenu en ex æquo à Shôta Nikaidô et à Fumi Nikaidô pour Himizu de Sion Sono (Japon), tandis que le Prix Osella du meilleur scénario, est revenu à Efthimis Filipou pour le film Alpeis (Alpes) de Yorgos Lanthimos. Enfin, Robbie Ryan a remporté le Prix Osella de la meilleure direction artistique pour le film Wuthering Heights (Les hauts de Hurlevent) d'Andrea Arnold (Grande-Bretagne). La 68e Mostra de Venise – le plus vieux festival du monde – aura été globalement marquée par des thèmes sombres mettant en scène des protagonistes en proie à leurs obsessions, en quête d'eux-mêmes, avec beaucoup de violence.