Questionnement - Le coup d'envoi de la 2e édition du Festival international du cinéma d'Alger a été donné, jeudi, à la salle Ibn Zeydoun (Riad El-Feth). Zindeeq (hérétique), un film palestinien du réalisateur Michel Khleïfi, a été présenté en ouverture de ce rendez-vous cinématographique dédié aux films engagés. Ce long-métrage entrant dans la section compétition, se veut un questionnement sur le conflit israélo-palestinien et sur la société palestinienne à travers une histoire personnelle vécue par le réalisateur. Le film raconte l'histoire d'un homme, un cinéaste, qui, après avoir passé sa vie en exil, revient dans sa Palestine natale (l'intrigue se passe à Al Nassira) pour des funérailles mais aussi pour y tourner un film sur la naissance de l'Etat d'Israël. Il va filmer les témoins de l'exode de 1948. Le film est proche d'un road-movie : la situation décrite est fantomatique, effrayante, l'environnement dans lequel évolue le protagoniste – il évolue dans une solitude extrême et pesante, et cette solitude condense en ce dernier toute la souffrance et les problématiques de son peuple – est désert. La trame est des plus sobres et minces. Cela transparaît dans la composition des dialogues qui, d'ailleurs, sont rares, à tout cela s'ajoute la distribution des personnages : ils sont peu nombreux. Cela nous plonge aussitôt dans un désarroi complètement déroutant. Ce désarroi est accentué par l'errance du protagoniste dans une ville «sourde et muette». Une errance qui va l'épuiser. Parce qu'il se sent étranger, voire déraciné dans une ville qu'il ne reconnaît plus. Et à travers cette errance, c'est toute l'errance du peuple palestinien qui est illustrée. Il y aussi le problème de la mémoire. Même si les souvenirs – les siens et de son peuple – se bousculent dans la tête du protagoniste, il se trouve cependant qu'ils sont tantôt clairs tantôt fumeux. Le personnage est marqué par cette absence de mémoire, cette mémoire qu'il n'arrive pas à cristalliser. Cela reste abstrait, car «il nous manque cette communication avec nos parents pour nous dire ce qui s'est passé exactement», indique le réalisateur, et d'ajouter : «J'essaie de poser des questions qui font avancer notre rapport à l'histoire, à la mémoire, à comprendre.» Michel Khleifi et ce, à travers son protagoniste, questionne le passé, et, en l'interrogeant, c'est la situation actuelle qu'il décrit. Toutefois, Michel Khleïfi se contente seulement de suggérer des bribes de réponses, tout en axant son film sur le poids du questionnement. - Zindeeq est une fiction où se croisent les itinéraires du réalisateur avec le protagoniste du film, des itinéraires qui, à maintes reprises, se rencontrent, convergent pour se décroiser. D'où la question : s'agit-il d'une autobiographie ? «Non, pas nécessairement. Ce sont des morceaux ou bribes de mon vécu», dira le réalisateur, et d'ajouter : «J'ai créé un personnage, un double, mais qui n'est que partiellement moi. Comme lui, je suis réalisateur. Comme lui, je me pose la question fondamentale du traumatisme de 1948 dans tous mes films, en essayant d'en comprendre le comment et le pourquoi.» Ainsi, l'originalité du personnage tient en fait dans sa composition et sa mise en situation. «La création c'est quand vous mettez en scène un personnage comme ça, qui est une sorte de jumeau qui vous ressemble mais qui n'est pas vous», explique-t-il. Zindeeq est un film qui tient le public en haleine, mais en même temps le laisse perplexe, puisque chacun est amené à proposer sa propre lecture. Quelle que soit la métaphore ou quelle que soit la symbolique qui compose et structure le film, Michel Khleïfi s'emploie, et on le ressent bien, à dépeindre avec lyrisme poétique et engagement politique un peuple épuisé, apeuré et désespéré.