Les footballeurs, ces gladiateurs modernes, sont des vedettes locales ou mondiales. Les noms de certains sont connus même par des bébés qui ne savent pas encore balbutier celui de leur propre papa. Chez nous l'engouement pour ce sport est très marqué. Les pouvoirs publics le craignent comme la peste. Au début des années 70, lors d'un match télévisé, des supporters de la JSK ont hué le chef de l'Etat et les responsables de la régie n'ont pas eu le temps de baisser le son. Cela a eu l'effet d'un coup de tonnerre. C'était la première fois que ce monsieur était insulté par le peuple en direct à la télévision. La réaction n'allait pas se faire attendre. Pour mieux cerner ce danger potentiel, le régime a décidé de réorganiser le monde du football et de le surveiller de très près. Sous prétexte de leur assurer un meilleur financement, les clubs furent placés sous la houlette de sociétés nationales. La Jeunesse sportive de Kabylie, la principale visée, devint la Jeunesse... électronique de Tizi Ouzou, le Chabab riadhi de Belcourt devint le Chabab... mécanique de Belouizdad et autres incongruités du même cru. Malgré quelques flamboiements footballistiques, ce fut là, comme tout le reste d'ailleurs, le chant du cygne de ce sport qui avait pourtant été porteur d'espoir, depuis l'épopée héroïque de l'équipe du FLN dans les années 50. Aujourd'hui, malgré un engouement populaire qui ne s'est jamais démenti, le football algérien reste très en deçà de ses capacités. Il y a quelques années, un jeune émigré qui s'appelle Zinedine Zidane a demandé à faire partie de la sélection nationale. Après l'avoir observé à l'entraînement le coach lui demandera d'aller se rhabiller. Il n'avait rien vu en lui qui soit exceptionnel dira-t-il à ceux qui insistaient pour le sélectionner. Le monde du football en Algérie, malgré ses performances très décevantes, est devenu l'antre de trafics proprement incroyables. Des luttes sourdes, parfois renversantes, s'y déroulent pour les leaderships des clubs. Des dirigeants négocient avec le régime, et au nom de leurs supporters, les consignes de vote pour des élections. Des comités de supporters reçoivent des instructions pour huer tel wali qui s'est montré récalcitrant à accorder des privilèges. Des sommes faramineuses sont détournées en toute impunité, des matches sont négociés en argent, des joueurs adverses et des arbitres sont soudoyés. Beaucoup de ceux qui président aujourd'hui aux destinées de ce sport sont désignés sous le vocable très évocateur de «maquignons du football».