Il serait incongru de donner ici la liste des injures en cours en Algérie, mais on peut, en quelques mots, donner une idée au lecteur de cette littérature un peu particulière, néanmoins très vivante ! Signalons d'abord que la plupart des insultes sont impudiques et réfèrent en premier lieu à la copulation ; elles s'adressent ensuite aux organes génitaux de la femme, notamment de la mère, plus rarement de la s?ur. Mais, fait curieux, quand on insulte un homme, on n'évoque jamais son épouse : sans doute accorde-t-on plus de valeur symbolique à la mère, c'est-à-dire la génitrice, que l'on cherche ainsi à flétrir. Des injures moins grossières, mais tout aussi graves s'en prennent à la religion, ddîn, que l'on insulte ou que l'on brûle, ihraqq... On brûle ainsi la religion du père, de la mère, de la mère de la mère ou de la mère du père, du père de la mère, du père et de tous les aïeux, bisaïeuls, trisaïeuls et... de Dieu ! Mais il n'y a pas que les êtres humains et Dieu à avoir une religion : le sexe de la mère ou de la s?ur en ont une et on l'insulte copieusement ; la clémence ?errah'ma ? en a une et on l'injurie... Et tout ce que l'on veut flétrir prend une religion. Ainsi, pour un travail mal fait, wach ddînn khedma hadi ? (littéralement, qu'est-ce que c'est que la religion de ce travail ?), wach ddîn ddrahem hedu ? (qu'est-ce que la religion de cet argent ?), mchi, wach ddîn had erredjlin ? (avance qu'est-ce que la religion de ces jambes ?), etc. Mais l?injure n'est pas toujours violente. Il y a, en effet, des insultes... affectueuses, ou pour employer un mot de linguiste, hypocoristiques : ahbes ya djeddek ! (arrête, par ton grand-père !), barka, ya yemmak ! (arrête, par ta mère !), sans oublier l'injure que l?on s'adresse à soi-même : ya ddîni ! (par ma religion !). La langue évolue mais les insultes, qui appartiennent à un registre vulgaire, restent les mêmes.