Le dépeceur de Mons a-t-il traversé la frontière ? Le tueur en série, qui a tué, découpé et éparpillé les restes de cinq femmes dans la région de Mons, en Belgique, en 1996 et en 1997, a-t-il agi, il y a quelques semaines, dans le nord de la France ? Le 19 février, une femme disparaît à Saint-Hilaire-sur-Helpe (Nord). Jeannine S., 59 ans, est veuve. «Une femme jolie, très coquette, et qui aimait la vie», dit une de ses voisines du village. Ce soir-là, elle dîne à Avesnes-sur-Helpe avec un ami, qui la dépose ensuite sur le bord d'une route, peut-être après une dispute. Depuis, elle n'est plus réapparue dans sa petite maison blanche, sur laquelle la gendarmerie a mis les scellés. Le 25 février, à quelques kilomètres de là, un sac poubelle, contenant un bras et une jambe de femme, est trouvé dans la Sambre, sur une base nautique au lieu dit La Hachette, à Locquignol, un village situé au milieu de la forêt de Mormal. Hier, à La Hachette, le Café des pêcheurs était fermé. Sous les saules, juste deux pêcheurs, immobiles sous une pluie fine, quelques élagueurs maniant la tronçonneuse. Et une trace de peinture orange dans l'herbe, à l'endroit où les débris humains ont été repêchés. Le 4 mars, nouvelle découverte, à Vieux-Condé cette fois. Dans un autre sac poubelle, un tronc de femme flotte sur l'Escaut. Le dépeceur de Mons avait l'habitude, lui aussi, de déposer les restes de ses victimes dans des sacs plastique. En Belgique, à la fin des années 90, on a retrouvé une quarantaine de sacs, mais tous les corps n'ont pas été reconstitués : il manque toujours des têtes. Le tueur avait l'habitude de narguer les enquêteurs en déposant ses sacs dans des lieux aux noms évocateurs : le chemin de l'Inquiétude ; le confluent de deux rivières : la Haine et la Trouille ; les rues du Dépôt, de la Solitude... Depuis 1997, le tueur n'a plus donné signe. On l'a même cru mort. Jusqu'aux découvertes de Vieux-Condé et de La Hachette. A La Hachette, les restes trouvés dans les deux sacs sont compatibles, selon le résultat de l'autopsie. Techniquement, le bras et la jambe correspondent au tronc d'une même femme. Reste à en établir la certitude, avec les résultats des tests ADN. Puis à comparer avec l'ADN de Jeannine S., qui en a laissé des traces, chez elle, sur ses habits, dans sa brosse à cheveux. Le découpage des corps, lui aussi, est compatible avec celui des restes découverts côté français : un découpage précis, mécanique, probablement à la scie à métaux. Les enquêteurs n'écartent aucune hypothèse, mais «ce serait débile de ne pas penser à la piste du dépeceur de Mons», reconnaît un policier. «Où peut-on trouver en France une rivière dans laquelle on a trouvé par deux fois des restes humains dans des sacs poubelle ?» Un des sacs du dépeceur a été trouvé à Château-l'Abbaye, à la frontière, côté français, après avoir dérivé sur l'Escaut, à deux kilomètres seulement de Vieux-Condé. Récemment, des enquêteurs belges de la cellule Corpus, dédiée au dépeceur de Mons, étaient à Lille et à Locquignol pour aider leurs confrères français. A Saint-Hilaire, la voisine de Jeannine espère encore la voir reparaître. «Si elle a été découpée, c'est terrible».