"Débat" L?Algérie est indivisible, elle n?est ni arabe, ni musulmane, ni berbère, elle est le tout, l?ensemble de ses composantes sociales, de ses variantes linguistiques, de ses différents segments culturels. Un débat autour du thème « Algérianité, entre projet national et revendication identitaire » a eu lieu jeudi dernier, au forum d?El Moudjahid, à l?occasion du 41e anniversaire de l?Indépendance. La rencontre a été organisée par le Haut Commissariat à l?amazighité. Le thème est d?une brûlante actualité par ce qu?il implique de virulents débats. Encore aujourd?hui, l?Algérien s?interroge : Qui suis-je ? Yahia Henine, ancien militant du PPA-MTLD/FLN, dit que la notion de l?algérianité, donc les premières réflexions sur l?identité nationale, a pris forme et a eu un contenu dense et capital dans les années 1930, l?époque durant laquelle des étudiants membres du mouvement national commençaient à s?interroger sur leur «moi», à réfléchir à leur algérianité. Ces questionnements coïncidaient avec une époque où l?administration coloniale célébrait, en grande pompe, le centenaire de l?occupation française de l?Algérie. Ces jeunes étudiants, membres du peuple algérien, apportaient par leurs réflexions nouvelles, et ce, sur les plans culturel et idéologique, de nouveaux éléments au mouvement national, à savoir le fait de prendre en considération les différents moments de l?histoire de l?Algérie, donc reconnaître les différentes composantes de la nation ? ou de la société ? algérienne : arabité, islamité et berbérité, afin de donner à la lutte nationale plus de caractère, plus de concision, plus de dynamisme. Et pour cela, il fallait instaurer une démocratie intellectuelle et culturelle. Il fallait donc approfondir la réflexion, mener intellectuellement la recherche pour bâtir la lutte nationale. Il fallait édifier le mouvement national sur des bases scientifiques et non émotives, ou encore religieuses. Mabrouk Belhoucine, ancien militant du PPA-MTLD/FLN, dit qu?à l?époque les responsables politiques du mouvement national n?ont pas réfléchi, en termes scientifiques et historiques, à la nation. L?Algérie était à leurs yeux seulement arabe et musulmane, d?où la négation des autres éléments de la société, donc d?une Algérie plurielle. L?Algérie est indivisible, elle n?est ni arabe, ni musulmane, ni berbère, elle est le tout, l?ensemble de ses composantes sociales, de ses variantes linguistiques, de ses différents segments culturels. Selon Abderazak Dourari, professeur à l?université d?Alger, l?Algérien s?interroge encore aujourd?hui sur sa personne. Ce type d?interrogation constitue une marque évidente de non-assurance de soi, et si ce dernier manque de confiance et ne sait pas ce qu?il est, il ne pourra jamais aller vers l?autre, s?ouvrir sur les autres cultures. Et ne pas s?ouvrir sur l?extérieur, c?est s?enfermer dans sa tour d?ivoire. C?est devenir un non-être, donc un unilingue, niant systématiquement un chapitre de son histoire, rejetant l?autre partie qui constitue indéniablement son algérianité, donc son identité. L?Algérien doit se défaire de tout subjectivisme et orgueil, de jugements négatifs, dévalorisants ou péjoratifs, afin qu?il puisse reconnaître son patrimoine linguistique, culturel et historique dans sa richesse et sa grande diversité. Car l?Algérie est un carrefour géographique de plusieurs courants civilisationnels, elle présente donc toutes les caractéristiques et les avantages d?une société avec une plasticité linguistique remarquable. Il s?agit là d?une réalité manifeste que le pouvoir politique ne peut nier.