L'affaire Khalifa, qui fait l'objet d'un rebondissement avec la prochaine extradition d'Abdelmoumène Khalifa, vient nous rappeler que ce cas n'est malheureusement pas isolé. La justice s'est saisie de nombre de grosses affaires de corruption, pots de vin et malversations où sont impliqués aussi bien des cadres de l'Etat que des opérateurs économiques privés. Elles ont pour nom Sonatrach 1 et 2, autoroute Est-Ouest, pour ne citer que les plus connues du grand public, et encore pendantes ou en cours d'instruction par la justice algérienne. Quand on sait qu'elles sont venues s'ajouter à d'autres affaires ayant pour titre générique BNA, BEA, Bcia, Union Bank, et Concessions agricoles, l'on ne peut s'empêcher de penser à ce mal endémique, le plus grand même, et aux conséquences autrement plus ravageuses que le terrorisme, dont n'a cessé de souffrir l'Algérie. Dans le procès de l'affaire Khalifa Bank, qui sera réexaminée en appel à Blida, avec la probable présence -mais pas nécessaire- du principal accusé Abdelmoumène Khalifa, condamné par contumace à perpétuité par le tribunal criminel près la cour de Blida, les soixante dix-huit accusés (des 104 personnes jugées en 2007) dont le pourvoi en cassation a été accepté , qui défileront à la barre, dont quelques anciens responsables et ministres entendus à titre de témoins, devront répondre aux questions des magistrats instructeurs, chargés de définir les responsabilités de chacun dans la plus grosse escroquerie de l'Algérie indépendante, et notamment de répondre aux charges de «constitution d'association de malfaiteurs», «vol qualifié», «escroquerie, abus de confiance» et «falsification de documents officiels». L'affaire Khalifa, jugée en 2007, par le tribunal criminel de Blida, a toutefois laissé tout le monde sur sa faim, en ce sens que le procès a laissé beaucoup de zones d'ombres au sujet des responsabilités avérées et assumées publiquement pas certains hauts responsables, dans ce scandale; preuve en est que cinquante-quatre pourvois en cassation introduits par le ministère public et vingt-quatre autres par la défense, soit un total de 78 pourvois en cassation, ont été acceptés par la Cour suprême. Dix-sept autres accusés se sont désistés de leurs pourvois en cassation. Les événements ont donné la preuve que ce procès est loin d'être un cas isolé. Il est loisible de rappeler que l'institution judicaire a encore entre les bras d'autres procès encore au stade de l'instruction. Le dernier scandale financier concerne la compagnie nationale pétrolière, Sonatrach, où de nombreux hauts responsables, dont l'ex-ministre en charge du secteur, sont poursuivis dans le cadre d'une affaire de corruption touchant des marchés accordés par Sonatrach à des firmes étrangères, notamment l'Italienne Saipem et la Canadienne SNC Lavalin. Selon la justice italienne, les commissions portent sur des dizaines de millions de dollars. Aussi, la justice algérienne a annoncé avoir émis des mandats d'arrêt internationaux contre neuf des 22 suspects impliqués dans le scandale de corruption Sonatrach 2, y compris Chakib Khelil, son épouse et ses deux fils, ainsi que Farid Bedjaoui. Mais, l'on sait d'ores et déjà que ce mandat n'aboutira jamais pour cause de vice de procédure, pour la raison qu'il a été émis par un tribunal alors que le ministre est concerné par la juridiction d'exception, donc comptable devant la Cour suprême. Cette affaire avait été précédée par le scandale désigné par Sonatrach 1, où l'ancien P-dg du Groupe, Mohamed Meziane, deux de ses fils et un certain nombre de dirigeants de la compagnie sont impliqués pour des faits similaires qui remontent à 2010. En 2011, le tribunal a condamné Mohamed Meziane à un an de prison ferme, un an avec sursis, de même qu'une amende de 500 000 dinars (6 400 dollars), pour dilapidation de biens publics et non respect du Code des marchés publics. Dans le gros scandale de l'autoroute Est-Ouest, qui éclata en 2010, et dont l'affaire est toujours pendante devant la justice, un nombre important de hauts fonctionnaires de ce ministère et de l'Agence nationale des autoroutes sont poursuivis par la justice pour des pratiques délictueuses, dont le détournement de fonds, fausses factures, commissions occultes etc. Des plaintes déposées par différents acteurs économiques qui mettent en cause les conditions d'attribution des marchés et un système élaboré de commissions occultes, ont été à l'origine de l'éclatement de l'affaire dite de l'autoroute Est-Ouest, dont l'enquête qui l'a concernée a permis de faire le constat de multiples infractions portant sur d'importants montants financiers. Mais, dans toutes ces affaires ayant été instruites, les observateurs notent surtout le fait que les procédures s'éternisent et s'étirent durant de longues années, sans résultats palpables. Difficile de convaincre alors le commun des citoyens, d'ôter de son esprit l'appréhension d'être en face des parodies de justice. Sceptiques, la majorité des citoyens relèvent que ces scandales, qui ne sacrifieraient que des lampistes, sont plutôt destinés à absorber la colère et à gagner du temps. Pour que ce procès ne soit pas l'arbre qui cache la forêt, la solution s'appellerait alors l'indépendance de la justice, celle-là même qui mettrait le magistrat hors de portée de toute pression des lobbys financiers ou politiques, et pour laquelle plaident aussi bien les magistrats que la chancellerie et les citoyens. A. R.