Quand on parle d'amateurisme, on sous-entend souvent un travail bâclé et de mauvaise facture. Un préjugé qui n'est pas toujours vrai. L'amateur, selon le dictionnaire, c'est quelqu'un qui aime et qui a du goût pour quelque chose. Dans le domaine culturel, il s'agit d'un fin connaisseur ou d'un passionné qui pratique une discipline quelconque sans en faire une profession. Sous d'autres cieux, on parle d'intermittents, motivés uniquement par leur ferveur et leur amour pour la création. Les amateurs dans ce domaine précis de l'art sont forts nombreux. Leur contribution dans l'animation culturelle pourrait être très bénéfique pourvu qu'on leur offre des scènes pour s'exprimer. Il fut un temps, on leur accordait l'honneur d'ouvrir les grands concerts et les grandes manifestations pour se faire découvrir. Ce n'est malheureusement plus le cas aujourd'hui. Un chanteur débutant avait ainsi la chance de montrer ce dont il est capable face à une assistance des grands jours. Une troupe d'amateurs de théâtre pouvait aussi s'illustrer et se faire connaître lors d'un grand festival. Un amateur de sculpture, de peinture ou de design avait l'opportunité d'exposer ses œuvres aux côtés de grands artistes et se frotter à un niveau supérieur. Il serait très intéressant de ressusciter cette saine tradition qui contribue à l'émergence de nouvelles figures et de nouveaux styles d'expression. De nos jours, faute d'espaces, les amateurs se produisent épisodiquement lors des fêtes privées (mariages, circoncisions, fin d'année scolaire) ou se rencontrent entre amis à la plage ou lors d'une excursion. Dans les villages et les petites localités, on fait aussi, de temps en temps, appel à leurs services pour égayer une touiza (travaux de volontariat), une réjouissance champêtre ou une petite cérémonie donnée en l'honneur des élèves qui ont réussi à l'école. Autant dire que les artistes amateurs évoluent sur une marge très étroite. Leurs rapports à leurs collègues «professionnels» est quasiment nul. Les autorités de tutelle et les responsables des institutions culturelles les ignorent, pour le dire très franchement. Dans chaque ville, ils sont des dizaines à se passionner pour la musique, le chant, le théâtre, le cinéma ou les arts plastiques, au moment où les établissements culturels demeurent curieusement fermés. Il y a un grand potentiel à exploiter dans ce registre. Dans une petite ville comme Béjaïa, ces «intermittents» plaident pour la création de petites scènes au niveau des cités et des quartiers populaires. Dans un communiqué, rendu public en début de semaine, le Café littéraire de la ville regrette justement cette situation. «Les espaces et lieux de culture dans la ville de Béjaïa se rétrécissent ou disparaissent sans que l'on daignât tirer la sonnette d'alarme. Le musée et la Casbah sont toujours en état de chantier tandis que l'école des beaux-arts (ex-tribunal) reste sans espoir de reconstruction après son effondrement partiel, il y a déjà des années de cela. La bibliothèque municipale est quasi-inexistante et pas le moindre projet de création d'écoles artistiques aptes à dispenser un enseignement académique ne semble encore poindre à l'horizon», notent les rédacteurs du document. Les membres du Café littéraire sollicitent à l'occasion la récupération du bâtiment des ex-Galeries algériennes pour servir de lieu de culture et de rencontres artistiques. «Alors que tout le monde espérait voir les ex-Galeries (derrière le bâtiment du Théâtre régional de Béjaïa), après le récent transfert des commerces qu'elles avaient momentanément hébergés vers le nouveau marché Philippe, soient affectées au secteur de la culture (bibliothèque, école de théâtre, galerie de peinture, hall d'exposition...), voilà qu'on nous surprend désagréablement en constatant que des travaux d'aménagement sont discrètement engagés... pour construire de nouveaux box destinés au commerce», lit-on dans le même communiqué qui s'étale aussi sur la préservation du patrimoine immobilier de la vieille ville. Dans toutes les autres villes du pays, on éprouve le même besoin pour la reconversion de vieux bâtis en espaces de création et d'animation. Partout, les artistes et les intellectuels, professionnels et amateurs, se sentent à l'étroit et se plaignent constamment du manque d'espaces de rencontres et d'échange où ils se sentiraient comme chez-eux. Avis aux responsables. K. A.