Photo : Sahel Par Mohamed Rahmani A voir les programmes «d'action» présentés par les associations dites culturelles et les plannings des structures dépendant aussi bien de la jeunesse et des sports que de celles de proximité, on serait amené à croire que la culture se porte bien et qu'elle connaît un épanouissement tel qu'elle touche toutes les franges de la société. Dans la réalité, c'est tout autre chose, et l'on constate tous les jours cette indigence et ce désert culturel dans lequel évolue la société locale qui a recours à la débrouillardise pour avoir sa «dose» de culture. Les quelques espaces de culture sont désespérément fermés et ne s'animent qu'à l'occasion de séminaires, de visites ministérielles ou d'expositions-ventes qui, la plupart du temps, n'ont qu'un rapport lointain avec la culture. Les rares manifestations organisées en quelque occasion, commémoration d'un événement national ou fête religieuse, se comptent sur les doigts et se limitent à une certaine classe qui n'est pas tout à fait intéressée et qui assimile ces activités à une sorte de corvée nécessaire dont il faut se débarrasser au plus vite. Car, dès que le premier responsable de la wilaya tourne les talons, on plie très vite bagage et on jette tout à la remise pour faire autre chose jugée plus utile. Parler de socialisation de la culture dans ces conditions relève de l'utopie quand on voit que ceux-là mêmes qui se targuent d'en être les gardiens, les défenseurs et les promoteurs n'y croient plus parce que, d'une part, ils sont dépourvus de moyens, de liberté d'action et d'initiative et que, d'autre part, ils sont démotivés par le fait qu'il n'y ait pas d'engouement particulier pour ce qu'ils essayent de réaliser. D'un autre côté, il faut dire que le ministère de la Culture dans notre pays est le parent pauvre du gouvernement qui concède au compte–gouttes des montants jugés dérisoires pour couvrir des besoins vitaux mais jugés accessoires et sans réel impact. Car la culture est essentielle, elle est l'expression d'un passé, d'un patrimoine se réalisant dans un présent qui s'en trouve affecté et d'un devenir qui prend pour tremplin ce même présent enrichi par les supposés apports qui y auront été ajoutés pour se former et créer à nouveau. Or, dans l'état actuel des choses, notre passé, nos repères, nos traditions, notre patrimoine matériel et immatériel tendent à disparaître et à s'effacer de la mémoire collective parce que tout simplement on ne s'y intéresse pas assez et certains vont même jusqu'à les qualifier de rétrogrades et anachroniques dans cette contemporanéité où tout se mesure à l'aune de la raison pratique de l'efficacité et du rendement immédiat. On n'a pas vu d'associations organiser des visites dans des musées ou sur des ruines avec des guides qui expliquent et informent le jeune public sur tel ou tel site ou sur telle pièce archéologique. Il n'y a pas de rencontres culturelles pour débattre d'une œuvre de quelque écrivain, pas de récital poétique ou soirée littéraire, pas de galerie d'art à visiter, rien de tout cela. Si le contraire s'était produit, cela aurait pu susciter des curiosités provoquer des penchants, semer cette graine de l'amour de la découverte, cela aurait pu être le creuset duquel émergeraient plus tard les hommes de culture qu'ils soient artistes peintres, sculpteurs, musiciens ou hommes de lettres. Hélas, faute de tout cela et faute de cette culture de proximité censée apporter ce savoir-vivre tout voué à la création et à la délectation face à une œuvre, on en est réduit à chercher désespérément cette culture dans les chaînes satellitaires ou sur Internet et il faut l'avouer, une culture qui n'est pas toujours bonne à consommer et qui pourrait faire plus de mal que de bien. La bonne vieille culture est une espèce en voie d'extinction et ses inconditionnels essayent tant bien que mal de la maintenir en vie, elle est pour ainsi dire sous perfusion. Mais comme chacun le sait, la culture est immortelle et intemporelle. Son impact, son influence et ses effets s'étendent dans le temps et traversent les siècles ; elle est la gardienne vigilante du patrimoine de l'humanité entière dans toutes ses expressions.