Pour la première fois de son histoire, le Brésil offre sa présidence à une femme. Une femme qui dirigera, désormais, la huitième économie du monde. Elue présidente de la République au second tour, avec 56% des voix contre 44% à son rival social-démocrate José Serra, 68 ans, Dilma Roussef s'est engagée à poursuivre l'œuvre de son prédécesseur Luiz Inacio Lula da Silva, alias Lula. Candidate du Parti des travailleurs et dénuée de tout charisme et surtout jamais présentée à une quelconque élection auparavant, cette économiste de 62 ans a combattu la dictature militaire dans les années 70 et a été emprisonnée pendant trois ans. Au gouvernement, dont elle était une pièce maîtresse, elle a gagné une réputation de «dame de fer». Elle doit avant tout son élection au très populaire président sortant, qui l'a soutenue pendant toute la campagne. Huit ans après sa propre élection, Lula a réussi le pari de faire élire la femme qu'il avait choisie pour lui succéder le 1er janvier prochain. En dépit d'une popularité sans égal, la Constitution lui interdisait de briguer un troisième mandat consécutif. Mais si Lula quitte le palais présidentiel du Planalto, il devrait, sans nul doute, garder une grande influence sur le gouvernement. «La tâche de lui succéder est difficile et représente un défi mais je saurai honorer cet héritage et amplifier son travail», a lancé Mme Roussef aux milliers de partisans qui fêtaient sa victoire dans un grand hôtel de Brasilia. Elle a ainsi réitéré son «engagement fondamental : l'éradication de la misère pour tous les Brésiliens et les Brésiliennes». «Nous ne pourrons avoir de repos tant que des Brésiliens souffriront de la faim», a-t-elle affirmé. Le président sortant avait réussi à sortir de la misère près de 29 millions de pauvres, réduit le chômage et assuré la bonne santé de l'économie, apportant la prospérité à ce pays de 193 millions d'habitants, grand comme deux fois l'Union européenne. Le ministre des Finances Guido Mantega, en poste depuis 2002, a affirmé que «la population avait voté pour la continuité de ce gouvernement, et nous allons poursuivre le développement, en créant des emplois et en renforçant la consommation interne». Au soir de sa victoire et à l'issue d'une campagne électorale riche en attaques personnelles, Dilma Rousseff s'est voulue conciliante avec l'opposition et a déclaré lui «tendre la main» en appelant à «l'union». Dans un discours aux allures de programme loin des improvisations de Lula, Dilma Rousseff a aussi critiqué le protectionnisme des pays riches et a demandé des «règles beaucoup plus claires» contre la spéculation qui augmente la volatilité des monnaies. Plus tard dans la soirée, son adversaire José Serra l'a félicitée mais s'est abstenu de saisir la main tendue. «Pour ceux qui nous imaginaient vaincus, nous ne faisons que commencer la lutte véritable», a déclaré l'ancien gouverneur de Sao Paulo. Elue pour quatre ans, Rousseff ne devrait pas rompre avec la politique menée sous Lula, entre ouverture au libéralisme et aides sociales massives. Elle a déjà annoncé qu'elle n'imposerait aucun plan de rigueur, et ne limiterait pas les dépenses publiques, qui ont, sous l'actuel gouvernement, dépassé les recettes fiscales. G. H.