Les personnalités, qui ont refusé de plancher devant l'Instance de concertation sur les réformes politiques, ont fait de justes constats. Ils ont également exprimé des critiques pertinentes et posé de bonnes questions. Ils ont notamment pointé l'absence d'un débat qu'il aurait été souhaitable de confier à un cénacle de sages au dessus de tout soupçon. Ils ont émis d'autres griefs au sujet de la forme de la «concertation» confiée à une commission présidentielle aux allures de boite à e-mails. Ils redoutent enfin d'être caution politique ou morale en se présentant devant ladite «Instance de concertation». Comme si, sur la forme, il y avait tromperie sur la marchandise et que, sur le fond, le produit était frelaté. Comme aurait dit un linguiste, il y aurait un problème de locuteur, d'interlocuteur et de situation. Mais, force est de constater qu'il n'y avait pas, au moins du point de vue formel, une volonté manifeste de tromper. Même si le régime est censé ruser et jouer la montre. L'intitulé même de l'instance de M. Bensalah est pourtant clair : elle n'est pas une autorité ou un corps constitué qui détient un pouvoir de décision. Sur le fond, la concertation, sauf à lui inventer un autre sens politique, c'est, selon le dictionnaire, la consultation des intéressés avant toute décision. Qui reviendrait au chef de l'Etat qui pourrait la faire valider, en dernière instance, par référendum. Après, on pourrait estimer qu'elles seraient insuffisantes, bancales ou cosmétiques, mais on n'en est pas encore là. Certes, s'il est déjà sujet à caution, ce procédé a des vices apparents mais peut-être aussi un mérite caché. Celui de demander à un maximum de personnes, plus ou moins qualifiées, de donner un certain contenu à un cadre fixé d'avance. Les pourfendeurs de cette démarche, inscrite dans l'ADN d'un régime ne voulant concéder que le changement qu'il peut contrôler, ont certainement raison d'être sceptiques mais sans doute tort de ne rien dire et de laisser faire. Craignant d'être les dindons d'une éventuelle farce constitutionnelle, ils auront cependant choisi la voie la plus facile. Celle de la chaise vide. Echec répété depuis la mise en échec du processus démocratique de 1989, et qui ne dissone pas, paradoxalement, avec les propres échecs du régime. On est, dans les deux cas, dans la politique. Celle-ci, pléonasme éternel, a horreur du vide. Et comme le néant est par définition stérile, on ne peut construire qu'à partir du réel et sur la base du possible. Et le possible d'aujourd'hui, c'est un changement consenti par un régime d'abord sous pression d'une opinion nationale émeutière et plus revendicative que jamais. Sous pression, ensuite, d'un contexte arabe impérieux. Et, enfin, sous pression des Etats Unis dont le régime, quoi qu'il en dise, guette et médiatise le moindre satisfecit. Un changement même minimal serait donc bon à prendre. Pour faire mieux demain. Ceci dit, à chaque jour politique suffit sa peine démocratique. La politique, c'est l'art du possible qui peut favoriser l'impossible. Antienne vieille comme le monde même si les pessimistes d'aujourd'hui diront que ce n'est pas demain la veille. N. K.