C'est tout un peuple qui célèbre la fin du régime libyen et non le CNT seul. L'Algérie aurait pu jouer un rôle plus dynamique en faveur du vent de changement qui a soufflé sur la Libye, d'autant plus que l'Algérie est le pays qui a le plus souffert du régime de Kadhafi par rapport à la question sécuritaire, notamment par sa manipulation des touaregs du Mali et du Niger et ses appels à l'avènement d'un Etat des Touaregs dans la région sahélo-saharienne. Mais Kadhafi n'a pas fait que cela. Son régime a même armé des terroristes et les a envoyé en Algérie à plusieurs reprises durant les années quatre-vingt-dix. Ces faits ont été rapportés par la presse algérienne, à leur époque, qui a dénoncé, en temps voulu, Kadhafi et sa folie des grandeurs. L'Algérie aurait pu s'épargner cette situation de gêne et de malaise diplomatique, si elle avait, dès le 17 février dernier, déclaré clairement son soutien, pourtant traditionnel, au droit du peuple libyen de décider de son avenir, même si son refus de l'ingérence étrangère dans la crise libyenne était juste. Au lieu d'avoir une diplomatie offensive qui lui permettrait de jouer son rôle naturel dans son espace naturel qu'est le Maghreb, l'Algérie s'est terrée dans un attentisme incompréhensible pour se retrouver contrainte de réagir à des accusations colportées par des médias puissants face à des moyens nationaux de communication sinon indigents du moins limités dans leur portée et dans leur influence. Aujourd'hui encore, l'Algérie est attentiste au moment où la reconnaissance du CNT s'impose comme inévitable dans la mesure où il n'y a pas d'autres forces politiques sur la scène libyenne qui justifierait les tergiversations de l'Algérie. Si l'Algérie avait ouvert assez tôt des canaux avec le CNT, elle aurait eu des réponses à ses questionnements de sources plus fiables qui auraient pu être des sources algériennes. Quelle que soit l'évolution sécuritaire de la Libye, le CNT s'est imposé, de facto, comme l'organe dirigeant de la Libye, autant que les directions politiques actuelles de l'Irak et de l'Afghanistan, imposées par les Etats-Unis. Pourtant, la diplomatie algérienne était plus clairvoyante et plus perspicace que cela dans la gestion de dossiers internationaux. L'erreur tactique de la diplomatie algérienne a également été constatée lors des révoltes populaires en Tunisie et en Egypte. Pourtant, dans ces deux pays, les menaces terroristes et les leaders de ces soulèvements n'avaient aucun rapport avec l'AQMI. C'est à ce titre que l'attitude de l'Algérie suscite des interrogations sur les lenteurs de sa diplomatie et sur la manière dont elle suit et lie les événements qui bouleversent des pays à ses frontières. Le souci sécuritaire, qui semble avoir formaté les réflexes des responsables algériens conséquemment à plus de dix ans de tragédie nationale, ne doit pas être un facteur de blocage à une diplomatie qui a toujours été active et offensive. Des réformes s'imposent donc à la diplomatie algérienne d'autant plus que son environnement immédiat change à une vitesse telle que l'Algérie risque, en raison de ses lenteurs, de se retrouver à la traîne. A. G.