Synthèse de Rabah Iguer Les nouvelles autorités libyennes se sont prononcées pour une nouvelle Libye modérée et respectueuse des droits de l'Homme, gravement violés sous le régime déchu de Mouammar Kadhafi, mais aussi par des partisans du Conseil national de transition, selon Amnesty. Sur le terrain, aucune offensive d'envergure n'a eu lieu sur les villes de Bani Walid (170 km au sud-est de Tripoli), Syrte (360 km à l'est de Tripoli) et Sebha (centre), aux mains des pro-Kadhafi et qui ont montré leur capacité à résister et même à contre-attaquer. Dans son premier discours public à Tripoli, Moustapha Abdeljalil, le chef du Conseil national de transition (CNT), a affirmé lundi soir que l'islam serait «la principale source de la législation» de la nouvelle Libye. «Nous n'accepterons aucune idéologie extrémiste de droite ou de gauche. Nous sommes un peuple musulman, à l'islam modéré et nous allons rester sur cette voie», a précisé le chef des nouvelles autorités, arrivé samedi pour sa première visite à Tripoli depuis le début de la révolte, partie en février de Benghazi (est), où siège le CNT. La société libyenne est conservatrice et religieuse, et les islamistes, en particulier les Frères musulmans, qui ont, selon les analystes, une véritable assise populaire, ont joué un rôle de premier plan dans la révolte contre Mouammar Kadhafi. Alors que le conflit n'est pas complètement fini avec Mouammar Kadhafi, toujours en fuite, et que ses hommes tentent de défendre ses derniers bastions, Amnesty International a dénoncé la tendance du CNT à minimiser les crimes de certains de ses partisans. Des combattants du CNT «ont enlevé, détenu arbitrairement, torturé et tué d'anciens membres des forces de sécurité soupçonnés de loyauté envers Kadhafi, et capturé des soldats et des étrangers soupçonnés à tort d'être des mercenaires», affirme l'organisation. Les violations des droits n'ont «plus leur place en Libye», a répondu le nouveau régime dans un communiqué, assurant qu'il s'efforçait de «faire entrer les groupes armés sous les autorités officielles» et qu'il enquêterait «de manière exhaustive sur tout incident signalé». Washington s'est émue du sort des migrants et réfugiés d'Afrique noire en Libye, comme plusieurs pays et organisations, depuis quelques mois, évoquant des faits de racisme et de violences et appelant à protéger ces populations. L'Organisation internationale pour les migrations (OIM) a indiqué que près de 3 000 migrants, en majorité des Tchadiens, mais aussi des personnes originaires de pays arabes et du Pakistan, étaient bloqués depuis juin dans un centre de transit à Sebha qui est «presque à cours de vivres, il n'y a ni eau, ni électricité». Un fonctionnaire du consulat tchadien à Sebha a fait état de combats violents entre pro-Kadhafi et pro-CNT et d'une détérioration de la sécurité. L'OIM avait appelé, la semaine dernière, les belligérants à protéger ces migrants et lancé un «appel urgent» pour que soient respectées les lois humanitaires internationales. Sebha, un bastion du clan Kadhafi, dispose d'un aéroport, utilisé par l'OIM en juillet dernier pour évacuer 1 400 migrants tchadiens, dont beaucoup de femmes et d'enfants ayant fui notamment les régions de Tripoli, Misrata et Benghazi. Entretemps, Mouammar Kadhafi, toujours introuvable, a affirmé n'avoir d'autre choix que de lutter «jusqu'à la victoire», dans un message lu lundi sur Arraï. Selon le directeur de cette chaîne basée à Damas, Kadhafi n'a pas quitté la Libye. Plus de trois jours après l'expiration de l'ultimatum fixé par le CNT aux pro-Kadhafi pour déposer les armes, les commandants hésitent à lancer l'offensive annoncée sur Bani Walid, vaste oasis qui compte 52 villages et 100 000 habitants, la plupart armés. Les combattants du nouveau régime s'exerçaient mardi à manier de nouvelles armes alors que des habitants fuyaient la ville malgré des discussions encore en cours pour que les pro-Kadhafi déposent les armes, «mais sans résultat juqu'à présent», explique Abdallah Kenchil, un responsable local du CNT. La bataille pour Syrte semblait encore moins bien engagée. Les pro-CNT massés sur la route côtière à l'est ou à l'ouest étaient encore à des dizaines de km de leur cible. Ceux de l'Est ont de plus subi la veille, sur leurs arrières, une contre-offensive des pro-Kadhafi qui a fait 17 morts à la raffinerie de Ras Lanouf, conquise fin août. Le site pétrolier est cependant intact, a assuré le CNT, tandis que l'Agence internationale de l'énergie (AIE) a estimé qu'une timide reprise de la production de pétrole se profilait avant la fin de l'année en Libye. Les avions de l'Otan, quant à eux, ont poursuivi leurs frappes lundi dernier, essentiellement autour de Sebha et surtout de Syrte, où plus d'une quinzaine de cibles militaires ont été touchées, selon l'Alliance. La Banque mondiale a, pour sa part, annoncé mardi qu'elle reconnaissait le CNT comme gouvernement de la Libye, et qu'elle était prête à aider le pays à se relever du conflit qu'il a connu. Les Etats-Unis ont aussi annoncé que la N°2 de leur ambassade en Libye, Joan Polaschik, était à Tripoli pour examiner les conditions d'une réouverture complète de la chancellerie, probablement dans quelques semaines.