Alors que la violence s'amplifie sur le terrain avec son lot quotidien de morts, l'opposition syrienne a finalement annoncé avoir formé un Conseil national réunissant tous les courants politiques antagoniques opposés au régime de Bachar al-Assad. Le Conseil national syrien (CNS) est désormais le cadre qui réunit les forces de l'opposition et de la révolution toujours en marche dans les villes syrienne. La nouvelle structure annoncée se veut la représentante de la révolution syrienne à l'intérieur et à l'extérieur. Burhan Ghalioune, universitaire exilé en France, est une figure marquante de l'opposition syrienne. En lisant le manifeste fondateur du Conseil devant des journalistes, l'intellectuel s'engage, à travers le CNS, dans un «dialogue» avec le pouvoir. L'offre pourrait constituer une véritable chance de sortie de crise. En qualifiant d'historique l'annonce de l'option de l'opposition, Ghalioune s'inscrit dans une posture d'acte fondateur. Dans une impasse à toute épreuves, les opposants syriens, toutes tendances confondues, ont finalement convenu que l'union fait la force et que sauver le pays passe par un front commun contre le pouvoir qui pratique une fuite en avant dangereuse. La crise syrienne se trouve en effet dans un statu quo tel que toute tentative de dépasser les divergences est la bienvenue. Pour Ghalioune, l'initiative œuvre à mobiliser toutes les catégories du peuple et «apporter le soutien nécessaire à la progression de la révolution et la réalisation des espoirs et attentes» des syriens. Les divergences, voire les antagonismes qui ont caractérisé l'opposition syrienne ont constitué du pain béni pour le régime Assad. Ce dernier a réussi à jouer sur les différences, dans un pays multiple sur le plan ethnique et confessionnel. Conscient de la réalité du pays, Ghalioune dira que «le Conseil national syrien est ouvert à la participation de tous les Syriens. C'est un Conseil indépendant qui incarne la souveraineté du peuple syrien dans sa lutte pour la liberté.» Pour discréditer l'opposition, notamment extérieure, le pouvoir n'a cessé de brandir la thèse du complot ourdit. Il est vrai que l'ancien Vice président syrien, Abdelhalim Kheddam, qui a fait défection en 2005, a souhaité depuis son exil parisien, une intervention étrangère, donnant du grain à moudre au tenant de l'ordre établi. Le nouveau Conseil, apparemment conscient du défi de la crédibilité, a réuni toutes les tendances politiques, notamment des blocs hétéroclites : les Comités locaux de coordination (LCC), qui chapeautent les manifestations sur le terrain, les libéraux, les frères musulmans, interdits de longue date en Syrie, ainsi que les Kurdes et les Assyriens. L'unification des différentes tendances de l'opposition pourrait mettre le pouvoir, qui a annoncé des réformes jugées insuffisantes, dans une situation embarrassante. Dans sa déclaration, Ghalioune a assuré qu'avec le lancement du CNS, l'opposition syrienne s'est dotée d'une direction unifiée «pour faire face aux massacres quotidiens des civils menés par le régime, notamment à Rastane», dans la région de Homs dans le centre du pays. Rastane est devenu depuis peu un des foyers de la contestation. La présidence du CNS a été, naturellement, confiée à Ghalioune et compte parmi sa direction, Bassma Kodmani, comme porte-parole, Mohammed Riyadh Al-Chaqfa, guide des Frères musulmans, et des représentants de la Déclaration de Damas. Les tractations qui n'ont pas cessé entre les différentes tendances à Istanbul, depuis le début de la crise, ont débouché sur une structure pouvant faire avancer la situation et faire bouger les lignes du périlleux statu quo. Cependant, pour certains cercles médiatiques, voulant probablement atomiser l'initiative de l'opposition, la montée en puissance du CNS, résulterait d'un accord secret entre Américains, Turcs et Frères musulmans. Accord sans lequel fédérer les trois principales tendances de l'opposition (nationalistes, libéraux et islamistes), aurait été impossible. Cette lecture très orientée donnerait des arguments supplémentaires au régime pour discréditer l'opposition. Depuis le déclenchement de la contestation un élément récurent rythme la crise syrienne : le risque de l'intervention extérieur. La Syrie étant un pays très particulier dans le contexte géopolitique de la région moyen orientale, l'éventualité d'une ingérence extérieure reste problématique à plus d'un titre. Le spectre de l'intervention extérieure, qui hante actuellement le pays, est d'autant plus réaliste que la Syrie a toujours été dans le collimateur des Occidentaux et d'Israël. Le risque est certes réel mais, en annonçant son opposition franche à l'ingérence étrangère, l'opposition se met en accord avec la position quasi unanime du peuple syrien. Bachar Al Assad détient là une chance unique, dans un contexte d'urgence, de sauver le pays d'un désastre. Avec les défections à l'intérieur même de l'armée la situation est intenable et l'intégrité même du pays est menacée. M. B.