C'est finalement le Frère musulman Mohamed Morsi qui a été déclaré vainqueur de la présidentielle égyptienne obtenant plus de treize millions de voix contre plus de douze millions pour son rival le général Ahmad Chafik, ancien Premier ministre de Hosni Moubarak. La victoire de Morsi a été saluée par une explosion de joie place Tahrir au Caire, où plusieurs milliers de ses partisans campent depuis plusieurs jours attendant l'annonce des résultats. Mohamed Morsi, candidat de la confrérie islamiste des Frères musulmans, fondée en 1928, devient donc le premier président civil dans l'histoire du pays du Nil. La victoire du candidat des Frères musulmans est historique. L'Egypte, Etat le plus peuplé du monde arabe, a été, depuis la chute du roi Farouk en 1952, constamment présidé par un militaire. Mohamed Morsi succède ainsi à Hosni Moubarak, balayé par un mouvement populaire de grande ampleur dans le sillage du printemps arabe. Morsi âgé de soixante ans, diplômé d'une université américaine, devient président, mais de nombreuses interrogations restent en suspens dans une Egypte qui semble rentrée dans une transition sans fin. Cette victoire est d'autant plus cruciale que Morsi avait remplacé au pied levé le premier choix de la confrérie, Khaïrat al-Chater, dont la candidature a été invalidée en raison d'une condamnation dont il a été l'objet du temps de Moubarak. Quelles seront cependant les lignes rouges imposées par les tenants du véritable pouvoir en Egypte à ce nouveau président civil d'obédience islamiste? La question des relations avec Israël et celle du canal de Suez, par lequel transite l'essentiel du trafic de brut de la région, reviendront avec acuité avec cette nouvelle évolution. Mohamed Morsi sera donc le premier «raïs» issu d'un vote démocratique. Cependant sa marge de manœuvre risque d'être des plus limitées. À la suite de la dissolution sur décision de justice de la Chambre des députés dominée par les islamistes, l'armée s'est octroyée le pouvoir législatif et un droit de contrôle sur l'élaboration de la prochaine Constitution. Le maréchal Hussein Tantaoui, chef du fameux Conseil suprême des forces armées, a adressé ses félicitations au nouveau président. Selon la Commission électorale, le taux de participation au second tour de cette présidentielle s'est élevé à 51%. Alors qu'au premier tour il était de 46%. Les Frères musulmans, sortis de la semi-clandestinité politique depuis la chute de Moubarak, ont montré leur disponibilité à prendre la présidence même si le futur chef de l'Etat aura du mal à respirer face aux généraux. Les Frères musulmans, une force organisée et capable de mobiliser, sont adeptes du compromis. Toujours est-il que le Conseil supérieur des forces armées, véritable détenteur du pouvoir en Egypte, semble avoir choisi d'éviter de courir le risque d'une victoire du général Chafik. Un cas de figure qui aurait pu faire entrer l'Egypte dans une situation intenable. M. B.