Citius, altius, fortius. Plus vite, plus haut, plus fort. Cette devise, inventée pour l'olympisme par le père dominicain, français, Pierre Didon, n'est assurément pas faite pour le sport et les athlètes algériens de 2012. Et pour cause ! En toute vraisemblance, et sauf miracles des dieux de l'Olympe et de tous les saints de l'islam coalisés, à Londres, ce serait pour les Algériens, plutôt moins vite, moins haut et moins fort. Et pis encore. Compagnon de fortune olympique du père Henri Louis Didon, le baron Pierre de Coubertin, qui était par ailleurs réactionnaire, raciste, misogyne, colonialiste fanatique, et glorificateur du nazisme s'est notamment distingué par sa formule olympique «l'important, c'est de participer». Il avait même précisé que «l'important dans la vie, ce n'est point le triomphe, mais le combat. L'essentiel n'est pas d'avoir vaincu, mais de s'être bien battu.» Sur les bords de la Tamise, les athlètes algériens, dont beaucoup sont en forme olympique ramadhanesque, sont bien partis pour habiller de vert, de rouge et de blanc la maxime coubertienne du défaitisme olympique. A Londres, Pierre de Fredy Henri de Coubertin est algérien et s'appelle même Alilou. Et, ne l'oublions pas, ça a commencé fort, vite et haut, avant même le début des jeux, dans la rubrique des faits divers, à la sous-rubrique des menus larcins. La délégation algérienne, «forte» de 39 athlètes, possédait aussi des chouraveurs aux mains agiles, chez les dames comme chez les messieurs, comme ça, pas de jaloux, kif-kif bourricot ! Les chances algériennes de décrocher le bronze — soyons raisonnables, ne rêvons pas de vermeil – relèvent des probabilités du loto. C'est de l'ordre de l'arithmétique, des conditions de préparation, du niveau de performance de nos athlètes et du degré d'investissement et d'implication des dirigeants du sport et du pays. A la dernière olympiade de Pékin, les performers algériens étaient 61. Aujourd'hui, moins de 40, engagés dans treize disciplines, dont le volley-ball, la boxe, l'athlétisme, les luttes associées, le judo, l'aviron, l'escrime, le cyclisme, le taekwondo, la natation, le tir sportif et l'haltérophilie. Les chances de décrocher une breloque sont théoriquement possibles dans le judo, la boxe et l'aviron. Or, dans le judo, d'entrée de jeu, le meilleur espoir de médaille, la reine du tatami algérien, Soraya Haddad, fut out, kaput, disqualifiée ! Quatrième au dernier classement mondial de sa catégorie (-52 kg), médaillée de bronze à Pékin, l'Algérienne a récolté un fatal hansoku-make, pour avoir répété une faute grave, comme l'uchi-mata et le harai-goshi, deux fauchages interdits par la hanche et l'intérieur des cuisses. Bref, c'est du chinois, mais notre belle féline s'est fait prendre comme une bleue. Il ne reste donc au judo algérien que les yeux pour pleurer et la frêle Sonia Asselah qui doit affronter une britannique devant son public. Reste le noble art où les meilleures chances de bonheur sont portées par les gants fermes du poids plume Ouaddahi Mohamed-Amine et du super-moyen Rahou Abdelmalek qui ont passé l'écueil des 1/16 de finale. Ouf ! Toutefois, vu la faiblesse du nombre d'athlètes engagés et de l'argent mis pour la préparation d'une élite de plus en plus recrutée au sein de la diaspora algérienne, on voit mal comment pourrait-on se donner le plus de chance possible pour décrocher des médailles. 50 milliards de centimes alloués par le Trésor public pour le séjour des compétiteurs à Londres, c'est peanuts et corn flakes ! Même pas de quoi se payer les feux d'artifices du 5 Juillet. On peut toujours dire qu'on a dépensé par ailleurs pour des stages de préparation de longue durée à l'étranger et qu'on a payé des techniciens étrangers. Certes. Mais, ces efforts ponctuels ne remplaceront jamais une politique sportive fondée sur l'élargissement de la base des pratiquants, la détection, la formation et l'écrémage des élites. Tout à fait ce que ne font pas ou ne peuvent pas faire des fédérations, il est vrai, dotées de budgets rachitiques et dépourvues de management compétent et efficace. Instances qui s'agitent et font du bruit à la veille des grands rendez-vous sportifs et du renouvellement des organisations régionales et internationales. La recherche des positions statutaires payables en devises et à l'étranger, consomme l'essentiel des énergies de certains dirigeants mercantiles et serviles, peu soucieux de l'indice de performance athlétique et de l'image de marque du pays. Faut-il alors s'étonner de voir que l'Algérie a présenté 14 coureurs à Pékin et seulement six à Londres ? Ce qui serait étonnant, ce n'est pas tant l'absence de médailles à l'issue des JO britanniques. La divine surprise serait de voir un de nos compétiteurs décrocher la lune avec quelque insigne et autre accessit olympique. Comment en être surpris dès lors qu'on constate que le misérabilisme financier a ses décrets ministériels. Trois millions de dinars pour une médaille d'or, deux pour l'argent et un million et demi pour le bronze. Générosité inouïe d'un Etat riche comme Crésus ! Qui serre bien fort les cordons de la bourse quand il s'agit de sport. Prétend même pouvoir organiser au pays «deux coupes du monde de football», mais demande à ses pauvres athlètes d'avoir du cœur, de chanter Qassaman et de prier Dieu à Londres pour que les médailles tombent du ciel. N.K.