De notre correspondant à Constantine Nasser Hannachi
L'action du mouvement associatif dans le domaine culturel reste mitigée sur le terrain Constantinois. La wilaya, qui compte plusieurs associations, ne parvient toujours pas en tirer grand profit ni à établir des priorités dans la concrétisation d'actions nécessaires. L'absence de variétés dans les plannings proposés par les diverses institutions locales en charge de la culture (office communal, direction de wilaya de la Culture,…) pénalise le panorama d'une cité appelée à redorer son blason artistico-culturel altéré par une passivité généralisée qui n'a que trop duré. De plus, les initiatives sont souvent des copier-coller, et cette ressemblance réduit, pour ne pas dire annule, leur impact, ce qui amène le public à les bouder ou, du moins, à ne s'intéresser qu'au programme qui apparaît un tantinet plus prometteur. Quand toutes les grilles se valent, on a, au final, une platitude qui ne peut accrocher personne. Il faut donc travailler à mettre du relief dans cette uniformité en proposant de l'inédit, du nouveau, un autre visage de la beauté, de la culture et des arts. Mais ce ne sont pas tous les acteurs et animateurs d'associations qui ont ce trait de génie et cette imagination qui leurs permettraient d'élaborer un programme ou de concevoir une action qui s'imposerait sur les devants de la scène. Certaines initiatives restent lettres mortes faute d'avoir un trait en commun avec les priorités consignées dans le canevas des autorités locales. Toutefois, il reste difficile d'étaler une liste d'éventuelles actions ou interventions «indépendantes» sur le terrain. Certains évoquent le verrouillage de la scène qui est résolument tournée vers la tradition bien ancrée dans la société constantinoise et qui confère au style musical local, c'est-à-dire le malouf, la place centrale. Il tient le haut du pavé et éclipse toutes les autres expressions artistiques. «On compte des centaines de ligues. Mais la plupart d'entre-elles ont été radiées faute d'avoir renouvelé leur composante administrative. Et celles qui restent, versent dans des initiatives classiques : chant et musique malouf d'abord, habit et artisanat, ensuite», souligne un ancien membre actif d'une association culturelle. Quant aux subventions de l'Etat, la direction de wilaya de la culture justifie : «Généralement, ce sont des fonds octroyés pour accompagner les diverses initiatives jugées en adéquation avec la demande de l'heure.» Quelle est cette demande ? Qui l'établit ? Embrasse-t-elle toutes les expressions culturelles ? A voir le désintérêt pour les vestiges et sites archéologiques, on est en droit de se poser des questions sur les critères de choix des associations bénéficiant des subventions. A voir ces pages Facebook sur lesquelles se succèdent les appels pour la prise en charge, la protection, et/ou la revalorisation d'un site, on visualise le vide laissé par les autorités et les associations qui, de guerre lasse, ont fini par se rabattre sur les réseaux sociaux pour essayer de faire bouger les choses. Mais un appel sur le «mur» d'un compte Facebook n'est pas garanti d'atteindre ses objectifs et toutes les motions de soutiens ne pourront malheureusement pas actionner les mécanismes d'où pourrait sortir la solution, surtout si ces mécanismes n'existent pas. Les municipalités demeurent déconnectées des «SOS» culturels lancés, arguant à chaque fois du manque de financements. Ainsi, la manifestation ou l'action qui s'affiche d'intérêt général, est souvent prise en charge ou initiée par la tutelle centrale. La cité millénaire renferme autant de monuments et de sites appelant des opérations urgentes de réhabilitation ou, pour le moins, quelques travaux sommaires pour stopper la dégradation. Certes, ce n'est pas du ressort des associations d'engager des chantiers pour lesquels ils n'ont ni argent ni main-d'œuvre qualifiée, mais «un engagement» de sensibilisation prémunit les vétustes chefs-d'œuvre architecturaux du massacre. La vieille ville, Tiddis, Imedghassen… Pas si facile, nous dira un fervent «passionné» de Cirta : «Les pouvoirs publics, avec tous leurs moyens financiers énormes, ne sont toujours pas parvenus à réaménager les espaces centenaires classés patrimoine national. Que dire de simples associations aux moyens dérisoires et qui, pourtant, veillent au grain aussi bien sur le musée que sur le palais d'Ahmed bey ou le site archéologique Tiddis ?» Malgré la promulgation de la nouvelle loi sur les associations, qui a allégé les procédures pour la création des associations locales et comités de quartier, l'engouement pour la création demeure statique, si bien qu'aucune nouvelle demande d'agrément n'a été transmise aux services compétents, du moins en ce qui concerne le secteur culturel. «Les appréhensions sont liées aux critères de financements», avoue un responsable. En fait, de tout temps, c'est l'aspect majeur qui décourage toute «volonté» d'action et d'innovation à l'échelle régionale, d'autant que les mannes sont distribuées aux compte-gouttes. De surcroit, certaines institutions n'ont pas encore saisi le rôle leur incombant et au lieu d'accompagner, soutenir et travailler en collaboration avec cet acteur social qu'est le mouvement associatif, elles préfèrent garder par devers elles les budgets alloués par l'Etat et faire cavalier seul, quitte à rater tous les objectifs. De toute façon, il n'y a pas d'obligation de résultats mais seulement des bilans qui énuméreront les actions menées, sans devoir préciser leur impact et les résultats obtenus. Quant au sponsoring et au mécénat culturel, via la contribution des entreprises, comme approuvé et encouragé dernièrement par l'Etat, il affiche grise mine malgré les garanties et les avantages accordés par les pouvoirs publics en matière de défiscalisation. Si sous d'autres cieux la crise financière mondiale a affaibli ce genre de contribution, en Algérie, l'option est quasi inexistante. Ce désengagement de l'acteur économique fragilise le bénévolat et l'action du mouvement associatif. Jusqu'à preuve du contraire, les mannes distribuées au profit des associations n'ont jamais fait l'objet d'étude préalable pour mesurer les besoins réels exprimés. Mais le volet financier n'est pas le seul en cause. «Chaque fois que le programme présenté apporte une innovation particulière les aides seront revues à la hausse», affirme-t-on à la direction de la culture. Il faut donc que les responsables et animateurs d'associations fassent preuve de créativité, imagination et originalité pour élaborer un programme innovant. Et ça, ni les subventions ni les sponsors ou les mécènes ne peuvent l'apporter…