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Napoléon Kopa a conquis l'Europe
Publié dans Le Buteur le 14 - 10 - 2015

Dans l'histoire du football français, avant les exploits de Michel Platini et autres Zinedine Zidane, il y a eu Raymond Kopa. Petit par la taille (1m68) mais immense par le talent, cet incorrigible dribleur a joué un rôle décisif dans trois des cinq premières campagnes européennes victorieuses du Real Madrid. Surtout, Kopa restera dans les annales comme le meilleur joueur de la Coupe du Monde de la FIFA, Suède 1958, en compagnie de son compatriote Just Fontaine, dans un tournoi qui marquait pourtant l'émergence d'un certain Pelé.
Toutefois, à l'origine, rien ne prédestinait ce fils d'immigrants polonais à devenir une star du football mondial. Le jeune Kopaszewski, de son vrai nom, s'est forgé un caractère de gagneur et une détermination à toute épreuve en poussant de 14 à 18 ans de lourds chariots dans les mines de charbon. Paradoxalement, c'est un accident qui lui a coûté un doigt qui l'incite finalement à tenter sa chance dans le football. Dans le club de sa ville du Nord, Nœux-les-Mines, il affiche en effet depuis ses dix ans de belles qualités balle au pied, malgré la fatigue de son travail.
De la mine à la lumière
Après son accident dans la mine, il dispute en mai 1949 le Concours du Jeune Footballeur, une épreuve pour les jeunes joueurs envisageant une carrière professionnelle, notés par des entraîneurs confirmés. Il termine à la deuxième place nationale et décroche dans la foulée un contrat avec Angers. Deux ans plus tard, à l'occasion d'un match amical, sa rencontre avec Albert Batteux, l'entraîneur mythique du Stade de Reims, va lancer sa carrière. "Il avait un don pour utiliser les hommes en fonction de leurs possibilités. Sans lui, les qualités des uns et des autres n'auraient jamais trouvé à s'exprimer. A commencer par les miennes", estime Raymond Kopa.
Pour exploiter au mieux le drible court de son protégé, que lui permettait un sens de gravité assez bas, Batteux l'installe en retrait des attaquants dans un rôle de numéro 10 inédit à cette époque. "J'aimais énormément dribler. On me l'a parfois reproché en disant que je gardais trop le ballon et que je ralentissais le jeu. Mais, mes entraîneurs m'ont toujours demandé de ne rien changer à mon style de jeu", précise Kopa. Car derrière ces dribles envoûtants, il y a très souvent une passe décisive, un caviar pour un partenaire ayant su profiter du ralentissement du jeu pour se démarquer ou faire un bon appel.
Rapidement, Kopa devient le patron d'une équipe rayonnante qui truste les titres en France et échoue d'un rien face au Real Madrid à l'occasion de la première finale de la Coupe d'Europe des Clubs Champions en 1956 (3:4). Quelques semaines plus tard, il cause une énorme sensation en acceptant les propositions du Real Madrid qui lui offre un pont d'or. "J'ai été le premier joueur français à quitter le pays. A l'époque beaucoup de gens m'ont pris pour un traître. J'avais juste le tort d'être un précurseur", se souvient-il.
A Madrid où il acquiert le surnom de Napoléon et retrouve deux monstres sacrés que sont Alfredo Di Stefano et Ferenc Puskás, il va tutoyer les sommets. "Ces trois années ont été fantastiques. Pendant trois saisons nous avons tout gagné. Nous avons même été élus équipe du siècle par les supporters en 2000 pour le centenaire du club. L'ambiance pendant les matches était incroyable, avec 125 000 spectateurs agitant des mouchoirs blancs. Nous n'avions pas de sponsor, pas de diffusion à la télévision et nous devions jouer des matches amicaux dans le monde entier pour faire vivre le club. C'était vraiment une autre époque. Au Real, j'ai gagné trois Coupes des Clubs Champions consécutives. En trois ans, nous n'avons perdu qu'un seul match à domicile toutes compétitions confondues."
Roi de Suède
Avec l'équipe de France, il fait ses débuts internationaux le 5 octobre 1952 contre l'Allemagne (3:1) en même temps que cinq autres débutants qui allaient faire les beaux jours des Bleus : César Ruminski, Lazare Gianessi, Armand Penverne, Thadée Cisowki et Joseph Ujlaki. Pendant dix ans, il sera un titulaire incontournable d'une France qui va progressivement monter en puissance avec l'éclosion de cette nouvelle génération.
La Coupe du Monde de la FIFA 1954 arrive cependant trop tôt et la France quitte la Suisse à la fin du premier tour. "Ce tournoi a en fait préparé la Coupe du Monde de 1958. Lors de cette édition en Suède, personne ne nous attendait à ce niveau. Nous avons commencé par battre le Paraguay (7:3), considéré comme un des trois favoris de la compétition. Après un beau parcours face à la Yougoslavie (2:3), l'Ecosse (2:1) et l'Irlande du Nord (4:0), nous nous sommes retrouvés en demi-finale contre le Brésil et un certain débutant nommé Pelé qui a réussi un triplé (2:5)."
"A cette époque, nos deux nations étaient les plus fortes et l'écart s'explique par le fait que nous avons du jouer à dix après la blessure de notre capitaine Robert Jonquet", se rappelle-t-il, précisant que les remplacements n'étaient pas autorisés à l'époque. Avec un Kopa étincelant à la baguette, les Bleus prennent finalement la troisième place en infligeant un cinglant 6:3 à l'Allemagne.
Mais Kopa ne cache pas que son meilleur souvenir reste le match extraordinaire qu'il a livré le 17 mars 1955 à Madrid face à l'Espagne (2:1) devant 125 000 spectateurs stupéfaits. Il dispute son dernier match sous le maillot bleu le 11 novembre 1962 à Colombes, où la France est débordée par la Hongrie (2:3). Aligné à un inhabituel poste d'allier droit, Kopa ne peut s'exprimer sur le terrain et ce match marque le début de ses rapports conflictuels avec le duo de sélectionneurs Henri Guérin et George Verriest, puis la fin de sa carrière internationale.
Une retraite au soleil
Revenu en France après trois saisons à Madrid, il remporte en 1962 avec Reims son quatrième et dernier titre de champion de France. Les années suivantes, il ne pourra empêcher la relégation de son club de cœur et fait ses adieux à la Première Division le 11 juin 1967.
Il va cependant continuer à jouer en amateur jusqu'à l'âge de 70 ans. Resté très proche du monde du ballon rond, il a lancé une marque de vêtements de sport et joué le rôle de consultant pour la radio ou la télé. Installé en Corse depuis 2000, il revoit régulièrement ses anciens partenaires et notamment Just Fontaine. A 80 ans il affirme n'avoir "aucun regret" : "Le football a changé ma vie. Passer du travail à la mine à courir sur les stades, cela vous transforme un homme..."
IN FIFA.com


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