«Mon père habitait dans un appartement qui ressemble à ceux des alentours du stade du 20-Août» «J'ai déjà eu l'occasion de rencontrer Maradona» Au bout de quelques matchs de championnat, Miguel Angel Gamondi a conquis le cœur de Belouizdadis. Le technicien argentin, qui n'a pas donné suite aux offres alléchantes qui lui sont parvenues d'ailleurs, a préféré tenter une nouvelle expérience dans un pays qui lui est pourtant inconnu. Un défi qu'il a relevé jusqu'à présent en réussissant à donner une assise à cette équipe du CRB. Gamondi a répondu favorablement à notre invitation au siège de la rédaction, en nous parlant de sa carrière d'entraîneur, son aventure avec le CRB et bien entendu du football algérien. Vous êtes le deuxième entraîneur argentin à avoir exercé en Algérie, qu'est-ce qui a motivé votre décision d'accepter ce challenge, puisque vous étiez convoité par plusieurs formations ? Après avoir entraîné la formation Sundowns en Afrique du Sud, j'avais pris un peu de recul, mais je ne pouvais rester aussi longtemps sans prendre un club en main, car même cette situation a inquiété un petit peu ma femme (rires…). Mon manager a pris attache avec moi et m'a fait savoir que certaines formations s'intéressaient à moi, dont le CRB. Il y avait Al Ismaïlia d'Egypte, un club du Soudan et bien sûr le CRB que j'ai choisi. Même si l'offre du club soudanais était supérieure à celle du CRB au même titre que celle d'Al Ismaïly, j'ai préféré tenter une nouvelle expérience professionnelle en Algérie, un pays de football. C'est beaucoup plus le challenge qui a pesé dans ma décision, car si j'avais privilégié l'aspect financier, j'aurais opté pour le Soudan. Avez-vous demandé conseil à Oscar Fullone qui connaît le football algérien, lui qui a coaché l'USMA ? C'est Oscar Fullone qui m'a encouragé à travailler en Afrique. Toutefois, la décision de venir au CRB, c'est moi seul qui l'ai prise. J'ai eu une discussion avec le président par téléphone. Une fois en Algérie et même si je ne connaissais rien du CRB, Kerbadj m'a tenu un langage rassurant qui inspire confiance. Outre le fait que vous ayez déjà pris en main des équipes maghrébines, qu'est-ce qui a aussi pesé dans votre décision ? Tout à fait, j'ai déjà exercé en Tunisie, au Maroc et en Libye. Vous savez, l'ambiance des stades d'Algérie ressemble beaucoup à celle que l'on retrouve en Argentine. J'avais déjà visité l'Algérie avec Ocsar Fullone et l'ambiance des supporters m'a vraiment plu. Donc l'été dernier, j'étais en Afrique du Sud, alors que l'Argentine a été éliminée par l'Allemagne. C'est au cours de cette période que j'avais reçu l'offre du CRB. Et après avoir bien réfléchi, j'ai pris la décision d'accepter cette nouvelle mission. N'aviez-vous pas des appréhensions, avant de venir en Algérie ? Pas du tout. D'ailleurs, même ma femme ne s'est pas opposée à l'idée de tenter une nouvelle expérience. Au début, je ne quittais pas l'hôtel, mais par la suite, je me suis habitué à ma nouvelle vie. Je sortais dans la rue sans aucun problème. A votre arrivée en Algérie, vous avez hérité d'une situation difficile, celle de diriger le match aller de la Coupe de la CAF face au Djoliba de Bamako, alors que l'équipe était amoindrie par plusieurs absences, sans n'avoir effectué de préparation. Je suis arrivé quatre jours seulement avant le départ de l'équipe pour Bamako. On m'avait présenté les joueurs au stade du 20-Août et je me souviens que c'était un dimanche. Le lendemain, j'avais donc dirigé ma première séance d'entraînement, avant de signer mon contrat et partir avec l'équipe au Mali. Je savais donc que ma mission allait être difficile, car on m'a informé que les joueurs n'étaient pas payés et certains d'entre eux boudaient même l'équipe. Toutefois, nous n'étions pas mauvais sur l'ensemble des deux rencontres face au Djoliba de Bamako face auquel nous avons manqué de chance. Ne pensez-vous pas que l'élimination en Coupe de la CAF vous a plutôt été bénéfique quelque part ? Oui et non. Il est vrai que cette élimination nous a permis de bien préparer le championnat. Maintenant si on avait réussi à atteindre la phase des poules et avec l'effectif que nous avons, je pense qu'on aurait figuré au moins dans le dernier carré. Vous n'avez qu'à voir le FUS qui a réussi à décrocher le trophée, même si ce n'est pas un foudre de guerre. Une compétition internationale reste toujours une motivation pour les joueurs. Comment avez-vous géré la période qui a suivi l'élimination de l'équipe ? Une élimination reste toujours difficile à digérer. Je me rappelle que les supporters étaient en colère et ils sont arrivés jusqu'à insulter les joueurs. J'ai pu apprendre par la suite qu'ils n'étaient pas payés et les choses ont fini par rentrer dans l'ordre. J'avais essayé de les motiver et les inciter à travailler. J'ai même essayé d'instaurer une ligne de conduite et maintenant, je ne peux qu'être satisfait de mon équipe qui a réussi de bons résultats. Comment sont vos relations avec les joueurs ? J'entretiens de bonnes relations avec les joueurs. Il règne une bonne ambiance dans le groupe et c'est une bonne chose pour l'équipe. Quant à ma relation avec le président, je pense que Kerbadj est un homme respectable qui ne s'immisce pas dans le volet technique. C'est dire que vous sentez bien à l'aise au CRB… Ce que je vis actuellement au CRB, je ne l'ai jamais vécu auparavant. Il y a de bons joueurs et les supporters créent une bonne ambiance, chose que je n'ai jamais vécue auparavant. D'ailleurs, les joueurs ont même fêté mon anniversaire, c'est donc cette chaleur humaine qui est extraordinaire. En Afrique du Sud, je ne manquais de rien et les gens me respectaient, mais je voulais changer d'air, même si je gagnais plus d'argent. En début de saison, les joueurs se sont plaints de la charge de travail à laquelle ils étaient soumis. Peut-être au début, mais il faut reconnaître que le travail que nous avons réalisé jusqu'à présent est en train de porter ses fruits. Si par exemple j'avais constaté que les joueurs n'appliquaient pas mes consignes ou que les dirigeants et le président n'étaient pas convaincus de mon travail, j'aurais fait mes valises. A une semaine de la date limite des signatures, vous avez été contraint de libérer trois joueurs, une situation qui vous a mis sans aucun doute dans la gêne et qui a soulevé la colère de ces éléments puisqu'il leur est difficile de trouver un club preneur… A mon arrivée, j'ai trouvé trois joueurs qui évoluent au même poste, à savoir Gherbi, Boussehaba et Bey. En tenant compte des rencontres qu'ils ont jouées lors du précédent exercice et en concertation avec les dirigeants et mon staff technique, nous avons décidé de libérer Gherbi et Akniouène. A vrai dire, on ne les a pas libérés, ces deux joueurs étaient en fin de contrat, donc on a décidé de ne pas leur renouveler leur contrat, sans plus. Pourtant, le président avait promis que tous les joueurs qui avaient pris part au match face au Djoliba allaient être gardés. Ces deux joueurs étaient sous contrat avec leur équipe, il était donc de leur devoir de jouer ce match. Le problème ne s'est même pas posé. Et puis, Akniouène a fini par comprendre que nous étions dans l'obligation de prendre des décisions. La preuve, à Bordj Bou-Arréridj, il m'a salué. Si l'on parlait de vos objectifs, vous qui avez déclaré que vous alliez les fixer après la dixième journée du championnat. Lorsque j'ai pris l'équipe en main, je me suis fixé comme objectif d'avoir une équipe compétitive. Et comme il y a 30 matchs de championnat, j'ai divisé ce nombre de rencontre par cinq pour avoir six micro- cycles et je voulais décrocher un nombre de points précis pour chaque cycle. Je pense que nous sommes dans les normes. Je regrette toutefois d'avoir manqué au moins un point à Bordj Bou-Arréridj. A Annaba, on aurait pu arracher le point du nul. Je souhaite réaliser une bonne saison et décrocher un accessit pour prendre part à une compétition internationale. Les supporters réclament le titre. Ne pensez-vous pas que le CRB n'a pas les moyens de le jouer ? Dire jouer le titre est un manque de respect pour les autres formations qui peuvent prétendre au sacre, à l'image de la JSK, de l'ESS, de la JSMB et l'ASO. Il ne faut pas oublier que les joueurs ne sont pas payés. Toutefois, le président a promis de régler ce problème. Mais jusqu'à présent, rien n'a encore été fait. Il y a aussi l'épineux problème que rencontre l'équipe, à savoir les difficultés à trouver un terrain d'entraînement. Vous avez fait l'objet de critiques au sujet de l'opération du recrutement… Certains disaient qu'il était inconcevable que je procède par exemple au recrutement de Bourekba qui n'avait pas joué avec son équipe, mais vous voyez bien qu'il est le buteur du championnat. Lorsque je suis arrivé au CRB, le président n'avait recruté que trois joueurs : Rebih, Herrouche et Benaldjia. J'ai demandé à superviser tous les joueurs que le club a convoités afin de faire le bon choix. J'aimerais bien vous dire que le manager de Bourekba et le mien aussi. J'ai exigé à ce qu'il soit supervisé à l'entraînement pour éviter toute polémique, même après avoir eu l'occasion de voir certaines de ses prestations où j'étais convaincu de ses capacités, j'ai tenu à le voir à l'œuvre. Bourekba avait peut être un problème d'ordre psychologique et je pense l'avoir aidé à se libérer. Je suis très content pour lui mais aussi pour tous les joueurs qui ont réussi jusqu'à présent. A titre d'exemple, tous les buts du CRB ont été inscrits par des attaquants, ce qui est une satisfaction, cela prouve que les attaquants font bien leur boulot. Avant le début de la saison, certains ont même douté de vos capacités en rapportant que vous n'étiez qu'un simple préparateur physique… J'ai débuté ma carrière en tant que préparateur physique et j'en suis fier, car cela ne me pose aucun problème, mon père habitait dans un appartement qui ressemble aux maisons qui sont au stade du 20-Août, mais je ne trouve pas où est le problème. J'ai fait mes études et j'ai eu mes diplômes d'entraîneur. Oui, j'ai entamé mon parcours avec Oscar Fullone à l'Espérance de Tunis en tant que préparateur physique et j'étais aussi son adjoint. Il faut aussi savoir que j'étais footballeur et cela est important dans la carrière de n'importe quel entraîneur. Pour quel club vous avez joué ? J'ai évolué au Racing club en Argentine, et j'occupais le poste de défenseur central, mais je me trouvais parfois en attaque ( rire…). J'étais un joueur moyen, et à l'âge de vingt -trois ans, j'ai décidé d'arrêter ma carrière de footballeur et me consacrer aux études pour décrocher le diplôme d'entraîneur. J'ai entamé ma carrière professionnelle dans des formations de palier inférieur, avant de rejoindre mon ancien club le Racing. Par la suite, j'ai travaillé avec Fullone en Libye, et là j'ai vécu une anecdote lorsque le fils du président Kadhafi a décidé d'arrêter le championnat, mais je ne vais pas m'étaler sur le sujet. Et par la suite, vous avez travaillé à l'Espérance de Tunis ? Nous avons décroché le titre du championnat et c'était des moments inoubliables pour moi, malgré le fait que nous ayons échoué à gagner la Coupe d'Afrique. Dire qu'on avait des joueurs pétris de qualités. Et lorsque vous parlez de l'Espérance de Tunis, vous ne pouvez pas ne pas citer le président Slim Chiboub qui est un grand monsieur. S'est-il immiscé dans votre travail ? Je dirai qu'il avait le droit de regard sur l'équipe et il essayait de donner sa vision des choses d'une manière souple, il avait une personnalité très forte. Chiboub a réussi à conduire le club vers plusieurs titres. Après que Fullone eut décidé de partir, je m'apprêtais aussi à quitter le club, Slim Chiboub m'a dit : «Je suis le président de la République et c'est moi qui décide, vous allez rester avec nous.» Mais je ne pouvais pas rester et trahir la confiance de Fullone qui m'a ramené en Tunisie, et j'ai donc fini par quitter l'Espérence de Tunis. Vous avez eu à l'Espérance deux joueurs algériens, Karim Ghazi et Daoud Bouabdellah, est-il vrai qu'ils ont quitté le club du fait qu'on voulait les obliger à ne pas faire carême ? Ghazi était un joueur qui avait le sens de l'humour et je me souviens que Daoud a réussi à inscrire un but juste après avoir fait son entrée sur le terrain. Mais ces deux joueurs n'ont pas pu s'imposer dans l'équipe, car ils étaient soumis à une forte concurrence. Et à l'Espérance de Tunis, on n'obligeait personne à ne pas faire carême. Ils avaient donc peu de chance de jouer en présence de bons joueurs comme Zitouni et Souayah. Ghazi n'a dit que du bien de vous et on vous annonce même à l'USMA… Ghazi est un gentil garçon qui le sens de l'humour et sa propre façon d'agir et c'est gentil de sa part de dire du bien de moi. Quant à l'USMA, je dois dite que je me plais au CRB. Vous avez gagné des titres avec les équipes que vous avez prises en main, est-il possible que vous réussissiez à le faire avec le CRB, car d'aucuns estiment que pour jouer le titre, il faut que l'équipe se renforce ? Oui, j'ai gagné des titres là où j'ai travaillé, et le dernier était avec Sundowns en Afrique du Sud. J'évite de parler du titre, car l'équipe a besoin des moyens. Pour ce qui est du renforcement, il faut dire qu'il n'y a aucun entraîneur qui ne souhaite pas recruter. Seulement il faut que le club paye les joueurs qui sont actuellement au CRB. Et puis, je ne vous cache pas que j'ai un contrat moral avec mes joueurs et je veux les garder dans l'équipe. En parlant de Rebih, ne pensez-vous pas qu'il mérite d'être convoqué en sélection national A' ? Le fait que Rebih ne figure même pas dans la liste des joueurs présélectionnés m'étonne vraiment. Montrez-moi un joueur en championnat meilleur que lui à son poste et qui sait jouer avec son pied gauche comme le fait Rebih ? Beaucoup de choses ont été dites au sujet de vos relations avec votre staff technique au point où vous avez souhaité avoir un adjoint marocain en début de saison… J'ai de bonnes relations avec mon staff technique. Il est vrai qu'à mon arrivée au CRB, j'avais demandé de ramener un adjoint pour m'aider dans ma tâche et j'avais évoqué ce sujet avec mon manager et le président m'a dit qu'il allait le prendre en considération, mais par la suite, il n'y a rien eu. D'ailleurs, Bouhila est venu me voir pour me demander si j'avais réellement demandé à ramener un adjoint. Je lui ai confirmé l'information en lui expliquant que cela s'est produit au début. Et au fil du temps, je n'ai eu aucune réponse et j'avais compris que le CRB ne pouvait pas recruter un autre adjoint. Vous connaissez bien le football marocain, que pensez-vous de la rencontre qui opposera l'Algérie au Maroc ? C'est un derby et je ne vous cache pas que la pression sera sur la sélection algérienne qui est tenue par l'obligation de résultat afin de préserver ses chances pour se qualifier à la CAN. Votre mission sera difficile face au Maroc qui s'est offert les services de Gerets qui a apporté un plus au Maroc. Je ne suis pas en train de critiquer Benchikha, mais Gerets n'est plus à présenter et il a une forte personnalité, ce qui lui a permis de convaincre de nouveaux joueurs à rejoindre la sélection, ce qui pourra faire la différence. Mais si on parle des joueurs locaux, je dirai que le joueur algérien est plus technique et qu'il pourra réussir si on lui donne la chance Avez-vous suivi la rencontre qui a opposé l'Algérie à la sélection de votre pays ? Oui, j'ai suivi le match entre l'Algérie et l'Argentine, et je ne vous cache pas qu'avant, j'ignorais tout de l'Algérie au même titre que tous les Argentins qui ne savent rien de l'Afrique. Je ne savais même pas pour quelle raison en espagnol, on appelle votre pays Argelia et en Français Algérie. Justement, où avez-vous appris à parler le français ? Au Maroc, lorsque j'étais avec Oscar Fullone, il était dans l'obligation de partir en France, pour rester au chevet de son père qui était malade. Son absence a duré et c'est pour cette raison que j'ai été contraint d'apprendre le français, et je me demande si je le parle bien. J'ai aussi essayé d'apprendre l'arabe en prenant des cours, mais j'ai échoué, mais je connais quelques expressions Par exemple ? Choukran ( merci), mâa essalama (au revoir), makanch f'lous (il n'y a pas d'argent). J'ai appris aussi chez les Algériens min al mafroudh (en principe), et je sais que si on te dit ça, sois sûr que cette promesse ou le rendez-vous tombe à l'eau (rires) Connaissez vous Maradona ? Je l'ai déjà rencontré, et j'ai suivi son parcours avec la sélection en Afrique du Sud et il a sa propre manière de voir les choses, même si certains étaient contre les noms qu'il a ramenés. Vous êtes supporter du Boca Junior ou River plate ? Très jeune, j'étais supporter du Boca Junior, mais par la suite, j'ai eu un penchant pour le River plate, car je suis un admirateur du beau football. Barca ou Real Madrid ? Sans hésitation aucune, le Barca, par la qualité de son jeu. Je me suis régalé de la correction que le Barca a infligée au Real Votre musique préférée ? La musique douce et la musique argentine, et je n'écoute jamais le hard rock ou le rap. Que pensez-vous de la cuisine algérienne ? Je n'ai pas remarqué qu'il existe un plat propre à l'Algérie, peut-être le couscous que je connaissais déjà au Maroc, je l'ai consommé et j'ai eu des problèmes de digestion. Mais mes enfants aiment bien le manger, mais j'apprécie le tadjine Comment passez-vous votre temps à Alger ? Je ne sors pas beaucoup, car je crains que la presse chez vous passe à côté dans ses écrits, mais parfois je me rends avec ma famille à des restaurant au niveau de Sidi Yahia, et les choses se passent bien pour moi en Algérie.