Sortie au milieu des années 1980, la première version du film d'Oliver Stone Wall Street " aura marqué les esprits avec son personnage Gordon Gekko, qui a porté la cupidité au rang de vertu, mais qui finit néanmoins ses jours en prison pour délit d'initié. Pour 2010, la seconde mouture du chef, d'œuvre aura sonné comme une prémonition. Vingt année auront passé mais Wall Street, ses traders, et ses combines sont toujours là. En effet, les autorités américaines se préparent à engager des poursuites pour délit d'initié contre un groupe important de banquiers d'affaires, analystes financiers et traders, après une vaste enquête. Dans ce qui pourrait être la plus importante enquête sur des délits d'initiés dans l'histoire des Etats-Unis, les enquêteurs cherchent à savoir si des réseaux ont pu engranger des profits illicites de dizaines de millions de dollars grâce à des délits d'initiés, selon le Wall Street journal , qui cite des sources proches du dossier. Les accusations pourraient concerner des consultants, des banquiers d'investissement, des opérateurs d'OPCVM (organismes de placement collectif en valeurs mobilières) et de "hedge funds" (fonds spéculatifs) et des analystes dans tout le pays, ajoute le WSJ. Les enquêteurs examinent notamment si des banquiers de Goldman Sachs, un des plus grands noms de Wall Street, auraient dévoilé des informations liées à des fusions dans le secteur de la santé à des investisseurs. Le bureau du ministre de la Justice de New York, le FBI, la SEC et Goldman Sachs n'ont pas commenté ces informations. L'enquête pourrait dévoiler "une culture du délit d'initié dans les marchés financiers américains, y compris de nouvelles manières de faire passer des informations confidentielles à des opérateurs boursiers à travers des experts liés à des secteurs ou des entreprises particulières", détaille le quotidien. Parmi les nombreuses entreprises visées, les enquêteurs examinent les pratiques de Primary Global Research, un cabinet californien qui met en relation des experts avec des investisseurs à la recherche d'informations sur les secteurs de la technologie et de la santé. Cette affaire survient un an après celle du fonds spéculatif Galleon dont le fondateur Raj Rajaratnam est accusé d'avoir profité d'informations confidentielles pour réaliser 20 millions de dollars de profits boursiers. Il doit être jugé plus tard cet automne ainsi qu'une ancienne employée, Danielle Chiesi, qui plaide non coupable. Le fondateur d'un fonds d'investissements à risque qui a appartenu par le passé aux banques Bear Stearns puis JPMorgan Chase, Mark Kurland, a déjà été condamné à 27 mois de prison dans le cadre de cette affaire, où sont également impliqués des cadres d'Intel, IBM et McKinsey. Un ancien administrateur de Goldman Sachs, Rajat Gupta, fait lui l'objet d'une enquête. Autre exemple de ce type d'affaires, un médecin français de 50 ans, Yves Benhamou, a été arrêté début novembre aux Etats-Unis. Il est accusé d'avoir été rémunéré comme consultant par un fonds spéculatif pour lui donner des informations confidentielles sur des essais cliniques qu'il supervisait pour le compte du laboratoire de biotechnologies Human Genome Science. Si des poursuites sont lancées, ce pourrait être un nouveau coup dur pour la finance américaine, à peine remise des turbulences financières de 2008 et 2009. Goldman Sachs pourrait, si elle est l'objet d'accusations, voir son image un peu plus écornée, alors qu'elle a déjà été poursuivie cette année par la SEC pour avoir trompé des investisseurs en leur vendant des produits dérivés adossés à des prêts hypothécaires risqués (subprime). L'affaire a été réglée à l'amiable mi-juillet pour 550 millions de dollars, un record.