Il y a des discours qui ne passent plus quels que soient les efforts déployés pour y parvenir. Les déceptions marquent pour longtemps, car les populations ne comprennent pas comment et surtout pourquoi la Constitution qui interdisait l'abandon du socialisme (et donc la justice sociale) glorifie maintenant le libéralisme qui est générateur d'inégalités sociales. On a quitté une époque où posséder des entreprises publiques signifiait le renforcement de la souveraineté du pays par rapport à l'"infitah" qui signifiait la volonté de vendre "le bled". Lorsqu'on tente de convaincre les populations qu'il est grand temps qu'elles renoncent à l'exigence d'un Etat providence qui leur procurait le sentiment de confort et de sécurité, qu'elles doivent accepter que soit abaissé le niveau des barrières de protection sociale, alors que les conditions ne sont pas encore prêtes pour que les entreprises deviennent performantes et fournissent aux travailleurs un coussin amortisseur pour les frustrations socio-économiques, il est évident qu'un tel discours ne passe pas encore et ne soit pas reçu sous l'angle de sa validation. Il faudrait beaucoup de patience pour que les populations puissent accepter d'attendre que s'installe une véritable économie de marché, celle qui serait en mesure de financer le développement. Peut-être même que nous n'y parviendrons pas de si tôt, quand on observe les légitimes revendications formulées par le secteur privé national pour ce qui concerne sa protection contre une concurrence du privé étranger. Il n'est pas facile de passer d'une époque où le travail était un droit à une époque où il est une chance assez rare, d'une époque où c'était à l'Etat que revenait l'obligation de fournir un emploi à une époque où c'est à l'entrepreneur public ou privé de recruter sans que l'obligation ne lui soit signifiée, d'une époque où le recrutement était suivi d'un plan de carrière à une époque de précarité... Il est normal alors que soit attendu que les populations recherchent encore la sécurité en demandant plus d'Etat, ou plus particulièrement, tout Etat, pourvu que le minimum soit garanti et l'impression est encore grande qu'il n'y a que l'Etat pour le garantir en continuant, comme par le passé, à être un pourvoyeur d'emplois, quitte à retourner aux formules d'usines clé en mains ou produit en mains, des concepts qui avaient fait fureur à l'époque. Serait-il venu pour l'Etat le moment de se désengager de tout pour devenir un Etat garant, ce qui n'est pas bien perçu dans la situation actuelle où les entreprises privées n'ont pas pris la place de l'Etat dans les investissements lourds ? La demande d'Etat est toujours forte, preuve en est que les populations en réclament sur tous les plans, l'économie, l'emploi, le social, la sécurité , ce qui traduit, bien sûr, pour l'opinion publique, la conviction qu'il n'est pas encore le moment pour que l'Etat abandonne son pouvoir aux forces du marché. Il ne serait donc pas encore le moment qu'il abandonne ce qui parait-il peut être pris en charge par le secteur privé, à savoir par exemple les services publics, les prestations sociales, l'enseignement de qualité, la gestion tout court. Garant, gérant, deux conceptions de la nature du fonctionnement de l'Etat qui ne trouvent pas toujours grâce dans les visions de nos économistes, qui s'alignent sur l'une ou sur l'autre, alors qu'il est connu que la sagesse de nos populations dit qu'il faut " tenir la canne par le milieu. On a vu qu'avec la perception qui a cours au niveau des opérateurs sur le rôle de l'Etat, il s'en est suivi une dérive des prix dans les produits alimentaires.