C'est un peu la tendance en ce moment chez le grand public algérien de dire : " Notre championnat est bidon, on devrait s'inspirer de nos voisins tunisiens ou marocains. "Et d'argumenter la prophétie de quelques maîtres-mots : tout le monde joue le titre et tout le monde joue la relégation, beaucoup de matchs se jouent à huis clos… Oui mais que vaut réellement notre championnat ? Nos footballeurs ? Tentons d'aller au-delà et de décrypter les limites et surtout les avantages du ballon rond au pays de la " Madjer ". Avant quatre journées de la clôture du championnat, nous vous proposons de lire notre analyse afin de découvrir les points forts et les points faibles de cette saison.
Top, beaucoup d'investissements dans le milieu footballistique A l'heure actuelle, en Algérie, les choses changent dans le bon sens côté infrastructures. De véritables enceintes de football seront livrées prochainement. Ces dernières donneront vraisemblablement une nouvelle dimension financière et sportive au championnat algérien. Même s'ils ne sont pas meilleurs à ceux alloués par le TP Mazembe ou le Ahly du Caire, les salaires proposés par les clubs algériens demeurent tout de même très attrayants. D'ailleurs, Belaili et Beldjilali auront beau justifier leur choix de regagner le championnat local sans mettre la question du salaire en avant. Oui mais dépenser beaucoup est une chose, dépenser à bon escient en est une autre. Et puis comment peut-on avancer et élever le niveau de notre championnat local si on continue à perdre nos meilleurs éléments tels que Djabou ou encore Bounedjah, au profit de nos concurrents ? La réponse est simple : on ne peut pas prétendre à hisser le niveau de notre championnat si on ne met pas les moyens nécessaires pour les garder.
Un championnat homogène avec de vraies rivalités… Contrairement à nos voisins égyptiens ou tunisiens où le championnat ressemble à un combat bipolaire (Ahly /Zamalek en Egypte et Espérance de Tunis/Club africain en Tunisie), en Algérie ça bastonne à plusieurs, avec un suspense des plus haletants, en atteste le fait qu'on ait vu cinq champions différents durant les dix dernières années (ESS, MCA, JSK, USMA et ASO). En Egypte, par exemple, toutes les éditions du championnat local organisées durant les dix dernières années ont été remportées par le Ahly du Caire. L'Algérie peut donc se targuer d'avoir un championnat très homogène où près de la moitié des participants peuvent légitimement prétendre à remporter le titre. Le MOB en est une preuve vivante. Par ailleurs, la Ligue 1 Mobilis renferme beaucoup de derbys et de match à grande rivalité, les USMA-MCA, CRB-NAHD, JSK-MOB, MCO-ASMO …etc. Avec, pour chacun, une origine historique qui constitue son charme particulier. Ces matchs donnent du piment et demeurent indéniablement une vitrine pour notre championnat.
…. Et garni de talents Le championnat algérien continue de fournir des joueurs pour les clubs étrangers, notamment pour les Européens. Des joueurs tels que Halliche, Belkalem, Bensebaini, Slimani ou encore Soudani en ne finissent pas de surprendre par le niveau qu'ils affichent dans leurs clubs respectifs. Avec un joueur qui termine sur la première place du podium des meilleurs joueurs du championnat croate (Soudani) et un autre qui se classe parmi les meilleurs buteurs du championnat portugais (Slimani), on ne peut que dire que notre championnat renferme beaucoup de talents et avec un meilleur suivi de nos jeunes, le résultat ne peut être que meilleur. La Ligue 1 Mobilis sert aussi de tremplin pour des joueurs venus des quatre coins de l'Afrique. Serey Die, le très athlétique milieu de terrain du VFB Stuttgart, demeure le dernier exemple. Comme lui, beaucoup de jeunes talents, algériens ou venus d'ailleurs, peuvent aspirer à faire carrière dans un des championnats les plus relevés dans le monde.
La Ligue 1 Mobilis n'a pas à rougir de ses représentants sur la scène continentale Les victoires de l'ESS en Ligue des champions et en Supercoupe d'Afrique viennent consolider un bilan déjà très respectable des clubs algériens en compétitions continentales. Avec ses cinq sacres, l'Algérie vient se placer deuxième derrière l'Egypte dans le classement des pays ayant le plus remporté le titre suprême des clubs champions. On le dénie souvent mais il faut dire qu'avec leurs carences et leurs moyens globalement plus limités que leurs principaux rivaux, les clubs algériens parviennent tout de même à se frayer un chemin parmi les géants du continent et ainsi décrocher des résultats plus qu'honorables. Reste désormais à franchir un cap qui est de régulièrement placer une à deux équipes dans la phase de poules et pourquoi pas dans le dernier carré de la plus prestigieuse des Coupes africaines. La présence de trois équipes au pied des poules de la Ligue des champions d'Afrique (l'USMA, l'ESS et le MCEE) ne peut qu'égayer le tableau des équipes algériennes sur la scène continentale. D'un autre côté, et contrairement aux autres championnats qui disposent de locomotives durables dans la Ligue des champions, telles que le Ahly pour l'Egypte, l'Espérance pour le Tunisie et à degré moindre le TP Mazembe pour le Congo, le championnat algérien dispose d'un large éventail d'équipes pouvant décrocher le titre suprême. Est-ce là sa force ou sa limite ? Quoi qu'il en soit, un peu plus de constance amènera certainement un des clubs algériens à se faufiler dans l'élite la plus fine du continent.
Flop, trop de violence dans nos stades La mort de l'attaquant camerounais de la JS Kabylie, Albert Ebossé, touché par un projectile lancé des tribunes, est le révélateur tragique d'une violence qui gangrène depuis des années le football algérien. Une tragédie qui a endeuillé toute le pays et qui a poussé les autorités à se pencher sérieusement sur ce phénomène. La tricherie, la corruption et le mauvais arbitrage sont cités, par les supporters, comme étant les principales causes du déclenchement de la violence dans nos stades, auxquelles on ajouterait la passivité, voire la complicité des autorités et des clubs. Ce phénomène touche aussi les autres nations africaines. La tragédie de Port-Said reste une tache noire dans les mémoires du football égyptien. Ce fléau se répand aussi en Tunisie, ce qui a poussé les autorités locales à faire jouer tous les matches de fin de saison à huis clos. Envisager le même scénario (huis clos) pour notre championnat serait très dommageable pour le spectacle. Renforcer la présence policière et procéder à des interdictions de stade, comme cela se fait en Europe serait plus profitable.
Un attrait médiatique quasi nul Un championnat peut se vendre à des coûts faramineux et ainsi contribuer à la bonification des revenus de nos clubs. Oui mais la décision de la Ligue de football algérienne de faire jouer le grand derby algérois entre l'USMA et son voisin le MCA à huis clos ne va pas dans ce sens. Cette dernière n'arrange nullement l'image du championnat, ce match étant la vitrine de notre football, comme le Clasico l'est pour les Espagnols. L'Algérie souffre d'une trop mauvaise image. La raison ? Des stades vétustes dotés de terrains en synthétique, peu de spectacle à qui on ajouterait le nombre important des matchs qui se jouent à huis clos. Tout cela fait que le championnat algérien fait moins rêver que d'autres. La venue " avortée " de la star mondiale, Nicolas Anelka, aurait pu donner plus de notoriété et de popularité à notre championnat si ce n'est la décision " surprenante " des dirigeants du football algérien. Le moins qu'on puisse dire est qu'il reste encore de gros progrès à faire si la Ligue de football algérienne souhaite un jour mieux vendre son championnat. Pour conclure, voilà ce qu'on pouvait dire sur le championnat d'Algérie Ligue 1 Mobilis, il y aurait manifestement d'autres choses à dire, notamment sur la formation et la stabilité au niveau de la barre technique et des joueurs composant les clubs, mais ce premier aperçu permet de bien situer les perspectives et les limites de ce championnat. C'est une compétition indéniablement en devenir, portée par une intéressante manne financière, un grand engouement populaire mais médiatiquement peu ou pas très connue. Ce qui peut tout changer (positivement), c'est la construction de nouvelles enceintes à Alger, Oran, Tizi Ouzou et Sétif. Un cercle vertueux pourrait alors s'installer : meilleures conditions de jeu, meilleures conditions d'accueil pour plus de public et plus de médias intéressés.