Le président gambien Yahya Jammeh, qui conteste sa défaite au scrutin présidentiel face à Adama Barrow, a ordonné la réouverture de la commission électorale fermée par les forces de sécurité depuis le 13 décembre, selon un décret rendu public jeudi à Banjul. Le 13 décembre, les forces de sécurité avaient pris possession des locaux de la Commission électorale indépendante (IEC) à Banjul, et son personnel s'en était vu interdire l'accès, sans explications jusqu'alors. Le même jour, le parti de Yahya Jammeh, l'Alliance patriotique pour la réorientation et la construction (APRC), avait déposé un recours devant la Cour suprême pour réclamer l'annulation du scrutin, en dénonçant notamment des irrégularités dans la comptabilisation des résultats par l'IEC. L'organe électoral avait proclamé le 2 décembre les résultats de la présidentielle donnant vainqueur M. Barrow, puis avait communiqué quelques jours plus tard des chiffres corrigés réduisant l'écart entre MM. Barrow et Jammeh - de plus de 50.000 à quelque 19.000 voix - mais ne modifiant pas le classement. Selon ces résultats révisés, Adama Barrow est élu avec 43,2% des voix (contre 45,5% initialement), Yahya Jammeh se classe deuxième avec 39,6% des voix (initialement 36,6%), le troisième et dernier candidat, Mama Kandeh, étant crédité de 17% (initialement 17,8%). Yahya Jammeh, qui avait dans un premier temps reconnu sa défaite et félicité Adama Barrow, a ensuite fait volte-face le 9 décembre, rejetant les résultats et réclamant un nouveau scrutin. Depuis, il a assuré qu'il demeurerait à la tête du pays tant que la Cour suprême ne se serait pas prononcée sur son recours. D'après la Constitution, son mandat expire le 19 janvier. Depuis son revirement, M. Jammeh est sous pression de plusieurs pays et institutions qui lui demandent de céder le fauteuil le 19 janvier et de permettre une transition apaisée. Selon le décret présidentiel diffusé jeudi, et daté de mercredi, la décision de fermer la commission électorale avait été prise par les autorités en raison d'informations selon lesquelles ses locaux seraient incendiés. Maintenant que cette menace s'est dissipée, le siège de l'IEC va rouvrir, son personnel peut reprendre le travail avec effet immédiat mais la présence de forces de sécurité sera maintenue autour de son siège. Le président de la commission électorale, Alieu Momar Njie, a affirmé avoir reçu notification mercredi soir de ce décret officiel et assuré que les bâtiments étaient de nouveau accessibles jeudi. Cependant, l'annonce tardive n'a pas permis au personnel de prendre les dispositions nécessaires pour s'y rendre, nous ne sommes pas partis travailler aujourd'hui, mais nous irons mardi matin, le 3 janvier, a affirmé M. Njie. Selon lui, la commission électorale ne travaille généralement pas le vendredi, et le lundi 2 janvier a été décrété jour férié en Gambie. La Cour suprême doit examiner le recours de M. Jammeh le 10 janvier, selon son président, le juge nigérian Emmanuel Fagbenle. Le 21 décembre, cette institution avait convoqué les différentes parties concernées par la requête puis a renvoyé la réunion, à la demande des avocats de Yahya Jammeh, en raison de l'absence de représentants de l'IEC. Un des avocats de M. Jammeh avait expliqué que l'IEC n'avait pas reçu la convocation de son client. Avec sa réouverture effective, la commission électorale pourrait donc recevoir sa convocation et, ainsi, permettre la poursuite du processus. Par ailleurs, la diffusion de ce décret présidentiel constitue un démenti indirect des rumeurs ayant circulé ces derniers jours sur une disparition supposée de Yahya Jammeh et son prétendu renversement par le chef de l'armée, le général Ousman Badjie. La Gambie, sous la direction de Yahya Jammeh, continuera à protéger jalousement la stabilité de la région et assurer le maintien de la paix et de la sécurité, indique le décret.