Le Conseil de sécurité de l'ONU a tenu vendredi une réunion consacrée au Yémen après la mort d'au moins 29 enfants en excursion à Dahyan, tués dans un bus par des frappes aériennes attribuées à la coalition militaire sous commandement saoudien. Au moins 29 enfants âgés de moins de 15 ans ont péri jeudi dans des frappes contre leur bus sur un marché très fréquenté de Dahyan, zone contrôlée par les éléments du mouvement Ansarallah (Houthis), selon le Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Quarante-huit blessés, dont 30 enfants, ont été admis dans un hôpital géré par l'organisation. La coalition avait annoncé "l'ouverture immédiate d'une enquête" à la suite d'informations concernant "une opération des forces de la coalition dans la province de Saada jeudi et d'un bus de passagers ayant subi des attaques". L'alliance avait annoncé l'ouverture de cette enquête après des appels pressants de l'ONU et Washington. Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres avait appelé à une "enquête rapide et indépendante", tandis qu'un porte-parole du département d'Etat américain avait demandé une "enquête approfondie et transparente". Le Conseil de sécurité de l'ONU devra se réunir vendredi pour évoquer ce drame, ont annoncé des diplomates. "Nous avons vu les images des enfants qui sont morts", a déclaré à la presse l'ambassadrice adjointe des Pays-Bas à l'ONU, Lise Gregoire-van Haaren. La coordinatrice humanitaire de l'ONU pour le Yémen, Lise Grande, a dénoncé un acte "horrible et totalement inacceptable". "Nous devons ouvrir les yeux sur ce qui se passe au Yémen", a-t-elle ajouté. "Les chiffres sont sidérants (...), il faut faire tout ce qui est possible pour mettre fin à la crise humanitaire". A Dahyan, un responsable du mouvement Houthi, Taha el-Moutawakel, a indiqué à la presse que "51 personnes avaient été tuées, dont 40 enfants" et 79 blessés dont 56 enfants, dénonçant "un crime horrible" qu'il a attribué à la coalition. Selon lui, "ce bilan n'est pas définitif, de nombreuses personnes étant encore portées disparues". "Nous manquons de sang" a déploré de son côté Jamil Al-Fareh, un médecin urgentiste à l'hôpital de la ville de Saada. Le jour des frappes à Dayhan, la coalition avait affirmé avoir mené une opération militaire "légitime" contre un bus transportant des "combattants Houthis". Elle visait, selon elle, "des éléments qui ont (...) tiré un missile contre la ville (saoudienne) de Jizane, faisant un mort et des blessés parmi les civils". Vendredi, Ryadh a indiqué avoir intercepté deux missiles balistiques tirés depuis Saada en direction de Jizane, selon l'agence saoudienne SPA qui ne fait pas état de blessés.
Environ 10 000 morts Le conflit au Yémen a fait depuis mars 2015 quelque 10.000 morts, dont 9.500 civils, et plus de 55.000 blessés, provoquant "la pire crise humanitaire" au monde, ont déploré l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et l'Unicef. En juillet, le Fonds des Nations unies pour l'enfance (Unicef) a dénoncé l'impact dévastateur du conflit sur les enfants (la moitié des quelque 22 millions d'habitants), dont 2.200 ont été tués et 3.400 blessés dans les combats. "Il ne s'agit là que des chiffres que nous avons pu vérifier. Le nombre réel pourrait être bien plus élevé", a souligné la directrice exécutive de l'Unicef. Le conflit oppose les forces gouvernementales au mouvement armé des Houthis, issus de la minorité zaïdite (et qui se sont emparés de la capitale Sanaa en 2014). La crise a connu une escalade en 2015 quand l'Arabie saoudite a pris la tête d'une coalition militaire pour appuyer les forces loyales au président Abd Rabbo Mansour Hadi. Les civils, en particulier les enfants, paient un lourd tribut dans la guerre. Jeudi, 29 enfants ont été tués dans des frappes aériennes contre un bus attribuées à la coalition. Plusieurs raids imputés à la coalition sous commandement saoudien ont fait de nombreuses victimes civiles, notamment contre une salle de mariage à Mokha en septembre 2015 (131 morts, la coalition a démenti être impliquée) et lors d'une cérémonie funéraire à Sanaa en octobre 2016 (140 morts). La coalition, accusée de multiples bavures, a admis sa responsabilité dans certains raids, mais accuse les Houthis d'utiliser les civils comme boucliers humains. Le Yémen a en outre enregistré plus d'un million de cas suspects de choléra, dont 2.200 décès, depuis l'éclatement du conflit. Début août, l'OMS a annoncé que le Yémen risquait d'être touché par une nouvelle "vague majeure" de cas de choléra. Cet avertissement survenait au lendemain d'un raid aérien meurtrier visant le plus grand hôpital du Yémen dans la ville portuaire de Hodeida contrôlée par les Houthis, alors que le personnel de l'OMS préparait une campagne de vaccination. Selon une étude de l'Unicef de mars 2018, près d'un demi-million d'enfants ont abandonné l'école depuis l'escalade du conflit, ce qui porte à deux millions le nombre total d'enfants non scolarisés. "Une génération entière d'enfants au Yémen est confrontée à un avenir sombre en raison de l'accès limité ou inexistant à l'éducation", déclarait la représentante de l'Unicef au Yémen. Plus de 2.500 écoles sont hors d'usage, dont les deux tiers ont été endommagées par des attaques, 27% sont fermées et 7% sont utilisées à des fins militaires ou comme abris pour des personnes déplacées. Selon l'Unicef, au moins 2.419 enfants ont été recrutés dans les combats depuis 2015. Dès mars 2017, le coordonnateur des secours d'urgence de l'ONU, Stephen O'Brien, affirmait que le Yémen était le théâtre de la "pire crise humanitaire au monde". Deux tiers de sa population ont besoin d'assistance, et plus de sept millions "ignorent d'où proviendra leur prochain repas", avait-il indiqué, faisant état de déplacements massifs de populations, déracinées par les combats. Toujours selon l'Unicef, 78% des Yéménites vivent dans la pauvreté. 1,8 million d'enfants de moins de cinq ans et 1,1 million de femmes enceintes ou qui allaitent souffrent de malnutrition aiguë, soit une augmentation de 128% depuis la fin 2014. Plus de la moitié des jeunes n'ont pas accès à l'eau potable ou à un système d'assainissement adéquat. En mars 2018, Amnesty International a accusé des pays occidentaux de fournir des armes à l'Arabie saoudite et ses alliés accusés de "crimes de guerre potentiels". "Toutes les parties au conflit ont violé de manière répétée la loi internationale", notait Amnesty. En juillet, l'ONG a fait état de "violations des droits de l'Homme dans des prisons secrètes gérées par les Emirats arabes unis, un pilier de la coalition, qui peuvent être assimilées à des crimes de guerre". Abou Dhabi a démenti diriger ou encadrer de telles prisons.