A défaut d'apporter les preuves promises sur une éventuelle implication du Hezbollah dans l'armement du Front Polisario, le ministre des Affaires étrangères marocain a dévoilé, sans s'en douter, les raisons du déchaînement du royaume envers l'Algérie. Abla Chérif - Alger (Le Soir) - Dans un entretien accordé à Jeune Afrique, Nacer Bourita tient, en effet, les propos suivants : «Certaines réunions entre le Polisario et le Hezbollah se sont tenues dans une planque algéroise bien connue des services algériens, concédée en location à une certaine D. B., Algérienne mariée à un cadre (du Hezbollah) et convertie en agent de liaison (notamment avec le mouvement sahraoui).» Selon lui, l'Algérie a donc apporté «davantage que sa bénédiction et apporté couverture, soutien et appui opérationnel» dans cette nouvelle affaire qui mobilise les responsables marocains. Celle consistant à faire croire en un transfert d'armes aux combattants sahraouis via l'ambassade d'Iran à Alger. De cette manière, le MAE, sur lequel repose toute la stratégie du roi Mohammed VI, estime avoir fourni au monde les fameux éléments promis à l'opinion internationale à l'annonce de la rupture des relations entre son pays et l'Iran. Les preuves se résument ainsi à des initiales et l'existence d'une «planque», vague indication désignant un lieu de rencontre comme il en existe des milliers à travers le monde. Ils sont destinés à faire accréditer des accusations graves pouvant entraîner de lourdes conséquences au niveau régional. Pour paraître un peu plus sérieux, Nacer Bourita ajoute qu'un dossier complet comportant toutes ces «preuves» a été transmis aux autorités iraniennes. Une raison pour laquelle les dirigeants de ce pays, rompus à l'art de la politique et de la diplomatie, se sont gaussés en disant que le Maroc aurait «pu trouver meilleur prétexte pour proclamer la rupture des relations». Sans doute. De ce point de vue, le MAE marocain semble avoir complètement échoué. Bien au contraire, et malgré lui, il est parvenu à éclairer grandement sur les objectifs de l'acharnement dont fait preuve son pays envers l'Algérie. Là les preuves existent, palpables, clairement annoncées : pousser Alger à s'asseoir à la table des négociations pour régler définitivement le dossier du Sahara Occidental. Il le dit clairement : «Aujourd'hui, le discours de l'Algérie sur la question du Sahara a un côté autiste et obtus : reniement de la réalité extérieure et compulsion obsessionnelle à dire que le conflit ne concerne que le Maroc et le Polisario.» De façon plus franche, il avoue «rêver de voir l'Algérie et le Maroc se retrouver autour d'une table pour discuter du dossier du Front Polisario». Pour parvenir à ses fins, le Maroc a d'abord tenté un coup de force auprès des Nations-Unies en adressant une lettre officielle (au secrétaire général de l'ONU) pour réclamer l'implication de l'Algérie dans le processus de négociations auxquelles il est invité. Or, cette perspective est complètement rejetée, perçue comme inacceptable par le roi qui n'entrevoit d'autre solution qu'un plan d'autonomie (des Sahraouis) dans un territoire qui resterait sous contrôle marocain. Le refus des autorités algériennes de s'engager dans une telle option et la fin de non-recevoir apportée par les Nations-Unies à la proposition émise ont radicalisé les positions marocaines. Il en a résulté l'affaire des «armes transmises par le Hezbollah». Le soutien affiché par l'Arabie Saoudite et les royaumes qui lui sont dévoués, la position peu honorable de la Ligue arabe et de l'Organisation islamique (OCI) (hostiles à toute indépendance du peuple sahraoui) ont contribué à renforcer la démarche bien dangereuse. La finalité du projet dans lequel Rabat semble bel et bien engagé transparaît parfaitement dans les propos de Nacer Bourita. Expert en l'art de retourner les situations, le MAE marocain est allé jusqu'à annoncer que «l'Algérie va créer d'autres problèmes dans la région (...) et pousser le Front Polisario hors des camps de Tindouf (...) au risque de déstabiliser gravement la région, de compromettre définitivement le cessez-le-feu et d'anéantir toute chance de relance du processus politique». Le message est clair : le Maroc est embarqué dans une «stratégie» qui ne s'arrêtera pas là. Objectif : occasionner des évènements qui l'extirperont du plan de paix onusien, ce cadre légal qui le ligote et l'empêche de manœuvrer à sa guise pour s'emparer des terres du Sahara Occidental. Un rêve, une utopie grâce auxquels se maintient encore en place la monarchie. Abla Chérif Déclaration du porte-parole du ministère algérien des Affaires étrangères L'Algérie tient à exprimer sa ferme condamnation et son rejet total des propos irresponsables tenus à son encontre par le ministre marocain des Affaires étrangères et de la Coopération dans une interview accordée hier à un hebdomadaire parisien. Au lieu de produire les preuves «irréfutables» qu'il prétend détenir et dont, en fait, il ne dispose pas ou, face à l'incrédulité avec laquelle la communauté internationale a accueilli les allégations qu'il a lancées le 1er mai dernier, de faire résipiscence, le ministre marocain a choisi de poursuivre sur la voie de la mystification et de l'affabulation. De fait, ses accusations infondées et injustifiées sont révélatrices de la politique de fuite en avant qu'il a choisi d'emprunter à la suite des revers majeurs qu'il a subis en Afrique, en Europe et, tout dernièrement encore, à New York. Elles trahissent également son incapacité à impliquer directement l'Algérie dans un conflit dont le Conseil de sécurité, a, de nouveau, déterminé qu'il était une question d'autodétermination devant faire l'objet de négociations directes, de bonne foi et sans conditions préalables, sous les auspices des Nations-Unies, entre le royaume du Maroc et le Front Polisario, en vue de parvenir à une solution politique juste et mutuellement acceptable assurant l'autodétermination du peuple du Sahara Occidental. De la même manière, l'Algérie ne peut que réprouver avec fermeté les propos du ministre marocain concernant le rôle qu'elle joue dans le Sahel alors même que la communauté internationale, dans son ensemble, s'accorde à louer la contribution majeure qu'elle apporte à la stabilisation de la région. Face à cette virulente campagne dont elle fait l'objet, l'Algérie reste sereine, forte de l'unité de son peuple, de la solidité de ses institutions, de sa stabilité et de la rectitude et la constance des principes et des valeurs qui gouvernent sa politique étrangère. Elle continuera, en tant qu'Etat voisin, à apporter son plein soutien aux efforts du Secrétaire général des Nations-Unies et de son Envoyé personnel en vue de parvenir à un règlement définitif de la question du Sahara Occidental conformément à la légalité internationale et à la doctrine et la pratique des Nations-Unies en matière de décolonisation.