L'armée persiste et signe : il n'y aura aucune autre sorte de « transition », en dehors de ce que prévoit la Constitution, pour gérer la période de l'après-Bouteflika avec, au bout, l'organisation d'élection présidentielle. Une position réitérée avec force, hier lundi, par la voix du premier responsable de l'institution militaire, le général de corps d'armée Ahmed Gaïd Salah, à travers une intervention très attendue, qu'il prononçait à partir de Djanet, en 4e Région militaire. Kamel Amarni - Alger (Le Soir) - Après les clarifications de cette même position de l'armée, faites à travers l'organe central de l'ANP, la revue El Djeïch, la semaine dernière, le chef de l'état-major reprend ses sorties sur le terrain et, donc, ses discours sur la situation politique générale prévalant dans le pays. Ferme et sans concessions, le discours de Gaïd Salah réaffirme cette position inflexible de l'institution quant à la tenue d'une élection présidentielle, en même temps qu'il contient de nombreuses autres réponses. De prime abord, le patron de l'armée tenait à s'en prendre à ce qu'il qualifie de « revendications irrationnelles », « non objectives et irraisonnables » exprimées lors des marches populaires. Il dira, à ce propos : « les résultats réalisés jusque-là dans le domaine de la lutte contre la corruption constituent une des exigences fondamentales des Algériens fidèles, loyaux et jaloux de leur patrie, des résultats qui vont dans la bonne direction, en harmonie avec la fédération des efforts et la convergence des visions entre l'armée et le peuple ». Cela étant, il ajoutera : « Dans le cadre de cette harmonie , il est préférable que les marches se caractérisent par un niveau raisonnable et suffisant d'organisation et d'encadrement efficace pour faire émerger de vrais représentants légitimes de ces marches, en leur évitant toute forme d'anarchie et de tomber dans le piège de l'infiltration par des individus ayant des plans suspects qui utilisent ces manifestations comme un portail pour scander leurs slogans et brandir leurs bannières, et une passerelles pour transmettre certaines revendications irrationnelles, telles que l'exigence du départ collectif des cadres de l'Etat.» Outre le fait que Gaïd Salah signifie, là, qu'il ne reconnaît aucune des « têtes émergentes » dont certaines sont surmédiatisées depuis le début de la révolution populaire, il défend avec force l'actuel chef de l'Etat, Abdelkader Bensalah, ainsi que Noureddine Bedoui et son gouvernement. A ce propos (l'exigence du départ collectif des cadres de l'Etat), il ajoutera même : « Il s'agit d'une revendication non objective et irraisonnable, voire dangereuse et malveillante, qui vise à déposséder les institutions de l'Etat de leurs cadres et les dénigrer. Ces cadres qui ont eu le mérite de servir leur pays à tous les niveaux avec intégrité et dévouement et nul n'a le droit de se substituer à la justice en leur proférant des accusations et en réclamant leur départ .» «L'armée ne prendra pas part au dialogue» La hantise de l'armée responsable reste incontestablement une situation de vide constitutionnel, en même temps qu'elle ne veut nullement apparaître intéressée par la prise du pouvoir. Le chef de l'état-major l'a répété à sa manière, hier lundi : « Le but de ces instigateurs (la revendication du départ collectif des cadres de l'Etat, ndlr ) et ceux qui gravitent autour d'eux est de barrer la route à toutes les solutions possibles et de plonger le pays dans une impasse politique préméditée afin d'atteindre leur objectif d'entraîner le pays vers le vide constitutionnel. Dans ce cas, les manifestations populaires deviennent une monture facile pour ces individus afin de promouvoir des idées qui ne servent pas l'Algérie et qui ne se conforment nullement aux revendications populaires scandées. Aussi, il devient impératif de revoir la manière d'organiser ces manifestations et la nécessité de les encadrer par des personnes ayant un esprit nationaliste responsable, craignant Allah quand il s'agit de leur peuple, leur patrie, et les institutions de leur Etat, en œuvrant à transmettre les revendications populaires dans le cadre d'un dialogue sérieux et constructif avec les institutions de l'Etat, prenant en considération les revendications réalisées jusqu'à présent grâce à l'accompagnement permanent de l'Armée nationale populaire, qui s'est engagée à ne pas être partie prenante à ce dialogue escompté .» L'armée refuse donc officiellement de prendre part au dialogue et maintient que le seul cadre pour tout dialogue reste « les institutions de l'Etat », c'est-à-dire , en l'occurrence, avec le chef de l'Etat, Abdelkader Bensalah. Le chef de l'état-major eut même cette remarque : « Nous nous interrogeons sur l'absence flagrante des personnalités nationales, des élites et des compétences nationales face aux événements et évolutions accélérés que connaît notre pays et qui requièrent des propositions constructives à même de rapprocher les points de vue divergents. En somme, ajoutera Gaïd Salah, «ceux qui veulent maintenir le pays dans l'impasse sont des individus et des entités qui tentent sciemment de nous mener vers le vide constitutionnel avec tous les risques et menaces qu'il peut comporter. L'impasse politique et le vide constitutionnel planifiés de manière délibérée par ces entités est un parcours aux conséquences désastreuses sur les plans économique et social du pays (…) ». Plus que tout, l'armée tient à l'organisation de l'élection présidentielle même si, vraisemblablement, elle sera reportée de quelques semaines. Le patron de l'état-major dira, à cet effet : « Il paraît que certains sont dérangés de voir l'Etat préserver sa notoriété et que ses institutions continuent à s'acquitter de leurs missions, en dépit de cette crise .» Aussi, « dans ce sillage, il y a lieu d'indiquer que la tenue de l'élection présidentielle mettra un terme à tous ceux qui tentent de faire perdurer cette crise. Il est certain que l'étape principale serait d'accélérer la création et l'installation de l'instance indépendante de l'organisation et la supervision des élections. Nous attendons, dans ce cadre, l'accélération de la prise des mesures adéquates pour la mise en œuvre de ce mécanisme constitutionnel .» Autrement dit, l'armée s'oppose de toutes ses forces à une quelconque transition qu'elle considère même comme dangereuse. « La tenue de l'élection présidentielle, ajoutera Gaïd Salah , permettra d'éviter de tomber dans le piège du vide constitutionnel et tout ce qui s'ensuivra comme dangers et dérapages aux conséquences désastreuses, ce qui exige des enfants dévoués de l'Algérie , jaloux de la notoriété de leur patrie et des intérêts de leur pays et sa place parmi les nations, d'adhérer à cette démarche décisive pour l'avenir du pays .» Plus clair que jamais, le patron de l'armée n'a pas manqué de revenir sur l'origine de l'intervention de l'armée, pour exiger l'application de l'article 102 de la Constitution et ce qui s'en est suivi. «Des enquêtes en cours pour dévoiler les autres comploteurs» Gaïd Salah tenait ainsi à rappeler qu'« en cette occasion, je tiens à indiquer que l'article 102 de la Constitution que nous avons proposé d'adopter en toute responsabilité et sincérité et dévouement (…) en ce qu'il constitue une solution constitutionnelle appropriée, je dis, cet article a suscité de nombreuses interprétations erronées et tendancieuses de la part des têtes de la bande qui ont créé autour dudit article une agitation afin d'avorter toute démarche présentée par le Commandement de l'Armée nationale populaire « . Bien sûr, il fait allusion, ici, au général Toufik essentiellement ainsi qu'à Bachir Tartag et Saïd Bouteflika. Surtout lorsqu'il ajoutera : « Ceux-là mêmes qui ont démontré par ces positions qu'ils sont les ennemis de toute démarche salutaire même si elle est en faveur du pays, car leur parcours professionnel témoigne qu'ils n'ont rien donné à cette armée, pour la simple raison qu'ils se sont affairés à réaliser leurs intérêts personnels étroits, loin de ce que leur dicte leur devoir national envers l'Algérie et il semble que leur ressentiment envers l'armée et son Commandement a atteint un tel degré qu'ils sont véritablement contrariés par toutes ces étapes de développement que notre armée a franchies sur plus d'un plan». Le chef de l'état-major laissera entendre que d'autres personnes ou responsables seront traduits devant le tribunal militaire dans cette même affaire qui a déjà vu l'incarcération de Toufik, Tartag, Saïd Bouteflika et Louisa Hanoune. « Nul doute que les têtes de la discorde qui ont été démasquées, ainsi que leurs actes criminels et pernicieux néfastes pour l'Algérie, sont aujourd'hui en train de subir la sanction juste et équitable qu'elles méritent par la force de la loi. Ce sera également le sort de tous ceux qui sont impliqués dans le complot contre l'Armée nationale populaire et l'Algérie, en commettant des actes criminels. Ceux-là mêmes que les enquêtes, persévérantes et approfondies en cours, ne manqueront pas de dévoiler dans l'avenir et seront, eux aussi, sanctionnés de manière juste et équitable par la force de la loi ». Il pourrait s'agir de militaires comme de civils. K. A.