Pendant que les médecins continuent d'alerter sur le risque de la propagation du virus du Covid-19 à l'occasion du sacrifice du mouton de l'Aïd el-Adha, l'incertitude règne pour le moment sur l'organisation pratique de ce rite. Nombre d'Algériens ont déjà acheté leur mouton, gardant ainsi espoir de célébrer cette fête comme à l'accoutumée. Le dernier mot revient toutefois à la commission de la fatwa. Rym Nasri – Alger (Le Soir) – L'Aïd-el-Adha approche à grands pas. Intervenant en pleine pandémie de Covid-19, la fête de cette année sera célébrée de manière différente. Outre les embrassades bannies, le rituel abattage du mouton qui, en temps normal, a lieu après la prière de l'Aïd, sera, fort possible , interdit. L'Association des oulémas musulmans avait proposé d'annuler le sacrifice pour cette fois-ci, afin d'éviter la propagation du nouveau coronavirus. Un son de cloche plus ferme dans son intonation. Les médecins sont convaincus que la pratique de ce rite ne fera qu'empirer la situation épidémiologique en Algérie. Mais le dernier mot revient à la commission de la fatwa relevant du ministère des Affaires religieuses. En attendant, beaucoup d'Algériens continuent à nourrir l'espoir d'égorger un mouton le jour de cette fête religieuse, prévue fin juillet. Même si le sacrifice de l'Aïd-el-Adha répond non pas à une obligation religieuse (fardh), mais seulement à une recommandation (sunna), l'entêtement de certains reflète largement sa dimension sociale. En effet, ils sont nombreux à adopter cette tradition uniquement pour exhiber leur «aisance financière», frimer devant la famille, ou carrément attiser la jalousie du voisin ou du cousin. Un comportement qui est en contradiction totale avec les recommandations religieuses de cet acte. Campés sur leur position, ces «fous» du mouton de l'Aïd recourent à moult arguments pour légitimer leur obsession. Ils sont convaincus que ce sacrifice n'a rien à voir avec la propagation du virus Sars-CoV-2, responsable du Covid-19. Pis encore, ils s'entêtent et refusent de délaisser ce rite ne serait-ce qu'une seule fois. D'ailleurs, certains d'entre eux n'ont pas attendu le verdict de la commission de la fatwa et ont déjà acheté leur mouton. Les animaux choisis sont pour l'instant gardés dans les fermes des éleveurs ou dans les hangars des vendeurs de bétail de seconde main. Le danger que représente le mouton de l'Aïd-el-Adha, précise le docteur Mohamed Tahar Zerouala, omnipraticien diplômé en hématologie de la faculté de Paris, est dans le déroulement du rite. Il fait remarquer que l'abattage de l'animal se déroule généralement dans les espaces communs des quartiers et cités ou sur la voie publique, engendrant ainsi des regroupements avant, pendant et après cette opération. «Ce n'est pas le mouton en lui-même qui pose problème. Le danger est dans le regroupement des personnes autour de l'animal, surtout si elles ne respectent pas la distanciation physique et le port du masque», explique-t-il. Et de rappeler que les enfants sont eux aussi souvent attirés par le mouton et ne cessent de roder autour, alors qu'ils sont aujourd'hui des vecteurs du coronavirus et peuvent le transmettre aux autres. Il évoque également le risque de transmission du virus par le toucher. «Les gens touchent la laine, la peau et la viande de l'animal. Les mains peuvent justement être contaminées et donc transmettre le virus du Covid-19 aux autres personnes en contact avec le mouton ou bien entre elles», ajoute-t-il. Le Dr Zerouala estime qu'il faut faire preuve de sagesse. «Les citoyens devraient éviter le sacrifice du mouton de l'Aïd cette année. Les circonstances sont assez exceptionnelles, d'autant plus que la joie n'y est pas. Beaucoup de familles ont perdu des proches lors de cette pandémie et nous devons respecter leur deuil et la mémoire de leurs regrettés», conclut-il. Ry. N.