Au moins 40 personnes sont mortes en 24 heures dans les combats opposant les séparatistes du Nagorny Karabakh, soutenus par l'Arménie, avec l'Azerbaïdjan, selon des bilans annoncés hier lundi, des affrontements laissant craindre une guerre ouverte entre Bakou et Erevan. Toutes les puissances régionales et mondiales — Russie, Etats-Unis, France, Iran, UE —, exceptée la Turquie, alliée de Bakou, ont appelé à une cessation immédiate des hostilités, les plus graves depuis 2016. Le ministère de la Défense du Karabakh a reconnu la mort de 32 militaires depuis dimanche matin et le début des affrontements dans la région séparatiste azerbaïdjanaise du Nagorny Karabakh, peuplée majoritairement d'Arméniens. Ce territoire échappe au contrôle de Bakou depuis une guerre au début des années 1990 qui avait fait 30 000 morts. Six civils azerbaïdjanais, un de plus que dimanche, et deux civils arméniens du Nagorny Karabakh ont également succombé. L'Azerbaïdjan n'a pas annoncé de pertes militaires. Le bilan pourrait être bien plus lourd, les deux camps affirmant avoir infligé des centaines de pertes à l'adversaire et diffusant des images de combats. Bakou affirme avoir tué 550 soldats ennemis, et Erevan plus de 200. Le ministère de la Défense du Nagorny Karabakh a indiqué avoir regagné des positions perdues la veille, mais l'Azerbaïdjan a affirmé avoir fait des gains territoriaux, usant de «roquettes, de l'artillerie et l'aviation». Ce pays du Caucase a dépensé sans compter en armement ces dernières années grâce à sa manne pétrolière. Le général azerbaïdjanais Maïs Barkhoudarov a proclamé que ses troupes sont «prêtes à se battre jusqu'à la dernière goutte de sang pour anéantir l'ennemi». Après des semaines de rhétorique guerrière, l'Azerbaïdjan a dit avoir lancé dimanche une «contre-offensive» après une «agression» arménienne, usant de son artillerie, de blindés et de bombardements aériens sur la province sécessionniste. Ces combats, les plus meurtriers depuis 2016, ont provoqué l'inquiétude internationale, la Russie, la France et les Etats-Unis — les trois médiateurs du conflit au sein du Groupe de Minsk — appelant à un cessez-le-feu et à des négociations. Le Premier ministre arménien Nikol Pachinian a accusé son ennemi historique d'avoir «déclaré la guerre au peuple arménien». Le Président azerbaïdjanais Ilham Aliev a, lui, promis de «vaincre». Les combats ont alimenté une ferveur patriotique dans les rues arméniennes et azerbaïdjanaises. «Les affrontements doivent continuer tant que nous n'aurons pas reconquis nos terres. Je suis prêt à aller au champ de bataille», lance Vidadi Alekperov, un garçon de café de 39 ans à Bakou. «Nous allons nous battre jusqu'à la mort et régler le problème une fois pour toutes», proclame de son côté Artak Bagdassarian, un habitant de Erevan de 36 ans qui attend sa conscription militaire. La Turquie a signifié son soutien total à l'Azerbaïdjan. Erevan et les séparatistes ont accusé Ankara d'ingérence politique et militaire. «La Turquie combat contre le Nagorny Karabakh, pas que l'Azerbaïdjan. Il y a des hélicoptères turcs, des F-16 et des troupes et mercenaires de différents pays», a affirmé le président de cette république autoproclamée, Araïk Haroutiounian, dimanche soir. «Aucune ingérence n'est acceptable» dans ce conflit dont l'escalade est «très préoccupante», a déclaré un porte-parole du chef de la diplomatie européenne Josep Borrell. Moscou entretient des relations cordiales avec les deux belligérants et représente le grand arbitre régional, et le Président russe Vladimir Poutine a appelé à une cessation immédiate des hostilités. Son porte-parole a répété ce message lundi. «Les combats doivent cesser sans tarder», a déclaré à la presse Dmitri Peskov. La Russie reste plus proche de l'Arménie, les deux pays appartenant à la même alliance militaire dominée par Moscou. Tous les efforts de médiation du Groupe de Minsk ont échoué à résoudre ce conflit et des flambées de violences interviennent régulièrement au Nagorny Karabakh, comme en 2016. Plus rare, en juillet 2020, Arméniens et Azerbaïdjanais se sont affrontés pendant plusieurs jours à leur frontière nord. Ces évènements témoignent de tensions grandissantes depuis des mois. Les deux Etats ont aussi décrété la loi martiale et l'Arménie la mobilisation générale. L'Azerbaïdjan impose un couvre-feu dans une partie du pays, notamment sa capitale. Une guerre ouverte entre les deux pays laisse craindre une déstabilisation du Caucase du Sud, en particulier si la Turquie et la Russie, qui ont des intérêts divergents, interviennent dans le conflit.