Après plusieurs reports, le procès en appel de Mahieddine Tahkout qui implique deux anciens Premiers ministres, plusieurs anciens membres du gouvernement et d'autres anciens cadres supérieurs s'est finalement ouvert, hier, à la Cour d'Alger. Karim Aimeur - Alger (Le Soir) - Lourdement condamnés en première instance, les accusés devaient répondre de plusieurs chefs d'inculpation liés à la corruption, au blanchiment d'argent, et à l'obtention d'indus privilèges. Alors que le principal accusé, Mahieddine Tahkout, suivait le déroulement de son procès à partir de Babar (Khenchela), où il est détenu, l'ancien Premier ministre Ahmed Ouyahia le suivait à partir de Abadla (Béchar), où il est incarcéré alors que l'autre ancien Premier ministre Abdelmalek Sellal, l'ancien ministre des Transports puis des Travaux publics Amar Ghoul, l'ancien ministre de l'Energie Youcef Yousfi étaient dans le box des accusés, entourés d'une escouade de gendarmes. Le procès en appel a été entamé dans la matinée avec l'audition de témoins, dont un responsable de la société du transport des voyageurs Etusa, à propos d'un contrat de location des bus appartenant à la société de Tahkout pour une somme de plus de 19 000 DA par bus et par jour. Il a affirmé que l'Etusa avait fait appel à la société du principal accusé afin de parer au manque dont souffrait l'entreprise en matière de moyens de transport dans l'objectif d'améliorer le service offert aux usagers. Soutenant que l'affrètement des bus est pratiqué un peu partout dans le monde, il a affirmé que le contrat avec la société Tahkout a généré des bénéfices de plus de 200 milliards de dinars au profit de l'Etusa. À midi, le juge a levé la séance. Le procès a repris vers 14h avec l'audition des accusés. Le premier à être appelé à la barre est l'ancien wali de Skikda Faouzi Belhocine, interrogé sur l'octroi de terrains à l'homme d'affaires pour abriter des projets d'investissement qui n'ont jamais vu le jour. Le juge commence à l'interroger sur un terrain situé dans l'enceinte du port destiné à la réalisation d'un terminal cimentier, et dont le wali avait délivré l'accord. Le projet s'inscrivait dans le cadre d'une convention entre la Direction générale du port de Skikda et la société de Tahkout en 2014. «Je n'étais pas intervenu dans le dossier. Lorsque l'investisseur avait signé la convention, il a déposé son dossier au niveau de la Direction de l'environnement pour obtenir les autorisations nécessaires. Concernant le port pétrolier, je n'ai rien à voir», a-t-il lancé. Le juge le ramène à l'accord qu'il a signé en faveur du projet. Et à l'accusé de répondre : «J'ai donné l'accord préalable pour étudier le dossier. Il s'agit d'une sorte de récépissé. Je n'ai fait qu'exercer mes prérogatives de wali. Ce n'était pas un accord final.» À ce moment, le procureur de la République prend la parole et interroge l'ancien wali. «Il y avait des avis défavorables, mais vous aviez quand même donné votre accord», a demandé le procureur, en citant le témoignage d'un responsable de la Direction de l'énergie. L'accusé insiste : «Il s'agit uniquement d'un accord préalable qui n'était pas définitif. La décision finale est prise au niveau du ministère de l'Environnement et non pas au niveau de la Wilaya.» Le procureur rappelle à l'ancien wali que les autres intervenants et concernés par le projet n'avaient pas été consultés avant de délivrer son accord préalable. Le projet n'a finalement pas été réalisé Le juge interroge ensuite l'accusé sur un terrain de 5 hectares accordé à Tahkout et destiné à la réalisation d'un complexe touristique. «Le projet entre dans le cadre de l'investissement et concerne la construction d'un grand complexe touristique. Nous avons voulu créer des postes d'emploi au profit des Skikdis. Tout a été fait dans le respect de la loi, et le dossier a été envoyé au ministère du Tourisme», a-t-il expliqué. Et la parcelle de plus de 32 000 mètres carrés située en dehors de la zone d'expansion touristique ? «Elle n'existe pas...», a répondu l'ancien wali. Le procès s'est poursuivi avec l'audition des autres accusés. Il se poursuit encore aujourd'hui avec l'audition des autres prévenus. Rappelons que le tribunal de première instance de Sidi-M'hamed avait condamné le principal accusé à une peine de 16 ans de prison ferme et une amende de 8 000 000 DA. Rachid, Hamid et Billal Tahkout ont été, eux, condamnés à 7 ans de prison ferme assortie d'une amende de 8 000 000 DA, tandis que Nacer Tahkout a écopé de 3 ans de prison et 8 000 000 DA d'amende. Le tribunal a également ordonné le gel de tous les comptes bancaires des sociétés de Tahkout, la confiscation des matériels et l'exclusion des marchés publics pendant 5 ans. Dans la même affaire, le tribunal avait condamné les anciens Premiers ministres Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal à une peine de 10 ans de prison ferme et 500 000 DA d'amende chacun, alors que l'ancien ministre de l'Industrie Abdeslam Bouchouareb, en état de fuite, écope d'une peine de 20 ans de prison ferme assortie d'une amende de 2 000 000 DA. L'ancien ministre de l'Industrie Youcef Yousfi et l'ancien wali de Skikda Faouzi Belhocine ont été condamnés à 2 ans d'emprisonnement ferme. L'ancien ministre des Travaux publics Amar Ghoul écope, lui, de 3 ans de prison ferme, tandis que l'ancien ministre des Travaux publics et des Transports Abdelghani Zaâlane a été acquitté des accusations retenues contre lui. Dans la même affaire, le tribunal de Sidi-M'hamed avait également ordonné le versement d'un montant de 309 milliards DA à titre de dommages et intérêts. K. A.