Le procès en appel de Mahieddine Tahkout s'est poursuivi, hier mardi, à la cour d'Alger. Les auditions des personnes concernées, notamment des responsables locaux, ont mis la lumière sur l'empire que l'homme d'affaires allait bâtir et qui s'est effondré dans le sillage du mouvement populaire du 22 février 2019. Karim Aimeur - Alger (Le Soir) - Les tentacules de cet empire s'étendent sur plusieurs wilayas du pays où des concessions de foncier agricole et industriel de plusieurs hectares ont été accordées au patron du TMC Tahkout. La matinée d'hier était consacrée par le juge à l'audition de plusieurs anciens responsables locaux dont des directeurs de l'industrie des wilayas où Tahkout avait bénéficié de terrains pour ses projets dans les domaines touristique, agricole et industriel. Il s'agit d'accusés acquittés en première instance par le tribunal de Sidi-M'hamed et qui ont comparu au procès en appel. Ces auditions ont démontré toute l'étendue de l'empire que le principal accusé allait construire, en bénéficiant des largesses du régime de Bouteflika. Tour à tour, les anciens directeurs de l'industrie des wilayas de Constantine, Tizi Ouzou, Saïda, Skikda, El-Bayadh, le directeur des domaines de Sétif et plusieurs autres anciens responsables locaux des œuvres universitaires ont été interrogés à propos du foncier accordé en concession aux entreprises de Tahkout, ainsi que sur la légalité des procédures pour en bénéficier, pour des projets qui n'ont que rarement abouti. La majorité des projets étant annulés en effet, selon leurs témoignages. Ces derniers ont tous démenti avoir agi dans l'illégalité, affirmant qu'ils n'avaient fait qu'appliquer la réglementation et les dispositions contenues dans les cahiers des charges. Comme ils ont nié avoir subi des pressions pour accorder des privilèges à Tahkout. Les opérations d'investissement ont été également entachées d'irrégularités. Ainsi, à Saïda, l'entreprise a commencé la construction avant d'obtenir le permis de construire. À un ancien responsable qui a affirmé n'avoir subi aucune pression ni intervention en faveur de Tahkout, le procureur de la République a précisé qu'il y avait des pressions sur le wali pour l'octroi du contrat de concession. Dans le box des accusés, l'ancien Premier ministre Abdelmalek Sellal donnait l'impression d'un homme perdu. Ahmed Ouyahia suivait le procès à partir de Abadla (Béchar), où il est incarcéré. À un moment, le juge interpelle Ouyahia pour lui demander s'il entendait les propos des accusés. L'ancien Premier ministre se lève alors et lève la main en guise de confirmation. La décadence de ces hommes est terrible. Les accusés lourdement condamnés en première instance sont poursuivis pour plusieurs chefs d'inculpation liés à la corruption, au blanchiment d'argent et à l'obtention d'indus privilèges. En fin de la journée d'avant-hier, le juge avait auditionné les deux anciens ministres, Abdelghani Zaâlane et Amar Ghoul. Interrogé sur les accusations portées contre lui, dont le conflit d'intérêt et corruption lors de l'octroi de marchés, Zaâlane a nié tout lien avec la convention signée entre l'Entreprise publique du transport urbain et suburbain d'Oran (ETO), et l'Entreprise de Tahkout, concernant la location de bus de cette dernière, affirmant qu'en sa qualité de wali d'Oran, il avait donné son accord pour trouver des solutions pratiques aux habitants des nouvelles cités qui venaient d'être relogés. Il ajoutera que l'ETO a fait un appel d'offres en coordination avec la commission des marchés publics, et l'entreprise de Tahkout n'avait bénéficié d'aucun traitement de faveur. Pour sa part, Amar Ghoul avait nié avoir octroyé à Tahkout un contrat de concession portuaire et un terrain au sein même du port de Skikda, soulignant que les activités de Tahkout s'exerçaient en dehors de cette structure. Le procès se poursuivra aujourd'hui avec l'audition des autres prévenus. K. A.