Par Arezki Metref Soit il est inconscient au dernier degr�, soit il est manipul� � l'extr�me. Pourquoi pas, au vu des faits ? Devrait-on le mettre au pluriel ? Devrait-on dire �ils� sont manipul�s ? Car sur un tel coup, un type seul ne peut rien. De qui s'agit-il ? Eh bien de celui ou de ceux � qui l'on doit l'effervescence �meuti�re du monde musulman. Plus exactement des musulmans du monde. A cause de lui � � cause d'eux �, on a flingu� sans quartier Chris Stevens, l'ambassadeur am�ricain � Benghazi, et trois autres de ses compatriotes. A cause de lui � � cause d'eux �, l'�gypte a �t� embras�e par des flamb�es de violence antiam�ricaines que le pr�sident islamiste Mohamed Morsi a condamn�es du bout des l�vres, estimant prioritaire de les justifier en soulignant les �atteintes� au Proph�te dont s'est rendu coupable l'auteur de l'inf�me film Innocence of Muslims. De l'�gypte au Y�men, il n'y a qu'un saut d'allumette qui a vite atteint Sana�, o� la repr�sentation diplomatique am�ricaine a �t� attaqu�e. A Ghaza, des Palestiniens, outr�s, ont d�fil� plusieurs jours de suite, scandant des slogans antiam�ricains, appelant au boycott des produits am�ricains, incendiant les drapeaux de l'Oncle Sam et les photos du pasteur int�griste am�ricain Terry Jones, celui-l� m�me qui avait br�l� le Coran, et qui d�fend le film � l'origine de cette guerre de religion. En Alg�rie, en d�pit des appels au calme lanc�s par les imams officiels, des tentatives de manifestations ont eu lieu, loin cependant d'atteindre les proportions alarmistes pr�vues par le gouvernement am�ricain qui a recommand� � ses ressortissants d'�viter notre pays. En Iran, 500 manifestants se sont agglutin�s devant l'ambassade de Suisse d�positaire des int�r�ts am�ricains dont la l�gation est ferm�e depuis la fameuse affaire des otages en 1979. A Nadjaf, en Irak, ce sont les partisans de l'imam chiite Mortada Al Sadr qui ont r�agi en clamant des slogans hostiles aux Etats- Unis et � Isra�l. On ne compte plus les actes de violences li�s � ce film qui n�en m�rite pas tant. L'Europe, o� la pr�sence musulmane est visible depuis bien longtemps, n'a pas �chapp� � l'�pid�mie r�active. A Paris, en d�pit de l'appel � la mod�ration des autorit�s officielles de l'islam dont le CFCM (Conseil fran�ais du culte musulman), des manifestations avort�es se sont esquiss�es en infraction � l'interdiction prononc�e par les autorit�s pr�fectorales. Respectueux de la loi, le CFCM a exhort� les musulmans � d�fendre l'islam dans la l�galit�. Autre souci du CFCM, les r�percussions sur la communaut� musulmane qu'auront in�vitablement ces flamb�es de violences. Premier effet : la publication par Charlie Hebdo de caricatures iconoclastes rappelant l'affaire des caricatures de 2006. Au nom d'une libert� de la presse � g�om�trie variable, il en remet une louche alimentant ainsi le choc des civilisations d�crit par Samuel Huntington dans lequel on se trouve immerg� jusqu'au cou. En tout cas, depuis un certain temps, cet hebdo s�inscrit, au nom de la libert� d�expression, dans une dynamique de provocation qui, selon l�islamologue Gilles Kepel, �incrimine et d�grade des individus avec un relent de l�imagerie raciste qui rappelle les heures de la colonisation... Il s�agit d�humilier � travers une religion�. Pour nourrir la guerre des religions, il faut deux radicalismes. D'un c�t�, les fondamentalistes islamistes qui exploitent toute atteinte au sacr� pour mobiliser dans la violence contre l'ennemi. De l'autre, les tenants du choc des civilisations qui �uvrent � provoquer l'islam, irascible, ennemi de substitution depuis la chute du communisme. Car en cherchant bien, on d�couvre que l'allumette � l'origine de ce brasier n'est pas le fait d'un fumeur imprudent, mais celle d'un pyromane � la vision g�ostrat�gique. Qui est-il ou qui sont-ils ? Tout cela vient d'un film nullissime et trash intitul� Innocence of Muslimsdont un extrait a �t� post� sur internet il y a plusieurs mois mais qui, m�che lente, vient curieusement juste d�exploser aux alentours du symbolique 11 septembre. Hormis le dessein de d�valoriser l'islam, et donc celui de provoquer in�vitablement les musulmans, on ne sait pas grandchose de ce film. R�alis�, selon le site internet Gawker, par Alan Roberts, 65 ans, auteur de films pornographiques, il est produit par un Isra�lo- Am�ricain du nom de Sam Bacile et un copte interlope, Nakoula Basseley Nakoula, condamn� pour fraude bancaire, en libert� conditionnelle. Dans la fum�e qui entoure cette affaire, on ne saurait affirmer si Bacile et Nakoula sont une seule et m�me personne ou des individus diff�rents, ni s'il s'agit de leurs v�ritables noms. Autre producteur : M�dia for Christ (M�dias pour le Christ), une organisation regroupant des chr�tiens �vang�liques am�ricains de droite ayant en commun l�anti-musulman. C�est � cette organisation qu�appartient Terry Jones. Les acteurs ont �t� tromp�s sur le sujet du film. Une actrice, dup�e, a m�me port� plainte. Dans un premier temps, l��nigmatique Sam Bacile a d�clar� avoir fait �ce film pour aider l�Etat h�breu, consid�rant que l�Islam est un cancer�. M�me si un consultant sur la production du film, Steve Klein, nie l�implication d�Isra�l, ce film vise d'�vidence � d�coupler les Etats-Unis du salafisme musulman dont l'union a �t� scell�e dans les manifestations pompeusement baptis�es �printemps arabe�. Un hasard si les trois pays o� le feu a vite pris soient la Tunisie, l��gypte et la Libye o� l�alliance am�ricanosalafiste a d�gomm� les dictateurs la�cisants ? Les changements de r�gime dans les pays arabes ont permis, en chassant des dictateurs nationalistes plus ou moins la�ques mais en aucun cas les autocrates religieux, le rapprochement entre les Etats-Unis et les islamistes, sur arri�re fond de bataille �nerg�tique. Ces noces contre nature ne sont pas du go�t de tout le monde, et certainement pas d'Isra�l qui a tout int�r�t � ce qu'une brouille d�fasse l'alliance maudite. Rien n'interdit de penser que la r�alisation de ce film, si elle ne s'inscrit pas dans cette strat�gie, la sert n�anmoins. Quant aux int�gristes, ils sont l� avec pour seule et unique vocation d�attendre des coups comme celui-l� : ils leur permettent d�exister et de faire du bruit !