Par Zinddine Sekfali Vers la mi-mars de l�ann�e en cours, nous apprenions par la presse, que le MNLA, Ansar Eddine, le Mujao et Aqmi avaient pris et occup�, au terme d�une offensive �clair, lanc�e le 17 janvier 2012, les trois capitales r�gionales du Nord-Mali et d�autres localit�s �vacu�es en catastrophe par l�arm�e et l�administration maliennes. En v�rit�, cette partie du Mali �tait d�j� une r�gion infest�e de terroristes fondamentalistes et de redoutables trafiquants. Mais cette fois-ci, tout le monde r�alisait que les choses �taient autrement plus graves, dans la mesure o� c��tait un territoire d�une superficie de plus de 820 000 kilom�tres-carr�s qui passait sous l�autorit� de quatre bandes arm�es compos�es, il n�y a pas d�autre terme pour les qualifier, de hors-la-loi. De plus, et en d�pit de toutes les lois internationales, le Mali �tait de facto coup� en deux et amput� des deux tiers de son territoire. Si l�on savait depuis une cinquantaine d�ann�es qu�il existait une revendication ind�pendantiste ou autonomiste chez les Touareg du Mali, on d�couvrirait avec cette attaque �clair, que certaines bandes et leurs chefs �taient en train de former dans cette r�gion du Sahel une �entit� de plus en plus ressemblante � celle des nizarites ou �hachachins� qu�Amine Malouf nomme les �assassiyoune ou fondamentalistes� qui vivaient jadis dans la vall�e d�Alamout, ou � celle des taliban d�Afghanistan ou encore � celle des Chebab de la Somalie. Or, l�Alg�rie a, avec le Mali, une fronti�re de 1 376 km, ce qui est consid�rable comparativement � notre c�te qui, elle, s��tend sur 1 200 km ! Nous sommes donc concern�s au plus haut point par cet �tat de fait. Et j�ose affirmer que l�on ne nous apprend rien quand on nous dit que l�Alg�rie est incontournable dans cette affaire qui divise le Mali, et qu�elle a son mot � dire dans la recherche d�une solution pacifique ou arm�e � cette situation� Mais le plus surprenant, c�est que cette affaire, qui �tait, qu�on le veuille ou non, une affaire strictement malo-malienne, s�est au fil du temps, litt�ralement internationalis�e. Les structures des pays les plus voisins � ou pays du champ � comme le Cemoc, ont �t� marginalis�s, voire �zapp�s�. En effet, aux lieu et place des pays du champ qui partagent des fronti�res communes et auxquels on aurait pu adjoindre la Libye et le Maroc, on a pr�f�r� r�unir les quinze pays de la Cedeao ou Ecowas, puis le Conseil de s�curit� de l�ONU lui-m�me pour traiter de la question malienne et des voies et moyens de la solutionner. Et si l�on continue � affirmer qu�il faut encourager le dialogue et privil�gier la solution pacifique � l�intervention militaire, les quinze chefs d��tat-major des pays de la Cedeao ont tout de m�me d�j� �labor� une strat�gie militaire, et d�fini les tactiques ad�quates ; plus clairement dit : ils ont mis au point des plans pour faire la guerre contre ceux qui n�ont pas h�sit� � faire la guerre contre le Mali. Ce que j�appelle dans cet article les bandes arm�es semblent beaucoup craindre cette guerre annonc�e, d�o� leurs soudains revirements id�ologiques et leur course pr�cipit�e vers les �baobabs � palabres� qu�on leur dresse ici et l�. Mais il ne faut en aucune fa�on perdre de vue que si une guerre va tr�s probablement avoir lieu pour lib�rer le Mali, il y en a une qui a d�j� eu lieu contre ce m�me Mali ; elle a �t� initi�e par le MNLA pour des raisons politiques et par le Mujao, Ansar Eddine et Aqmi � des fins terroristes et criminelles. En effet, dans ce cas tr�s pr�cis, il faut bien admettre que les fauteurs de guerre ce sont d�abord et avant tout les bandes arm�es que l�on vient de citer. Elles ont par ailleurs mis par terre un Etat, indirectement �t� la cause d�un coup d�Etat, terroris� les populations, r�veill� les vieux d�mons du fanatisme et du racisme, fait appel aux plus bas instincts, revivifi� le tribalisme au d�triment du sentiment national et de la prise de conscience citoyenne. Ces bandes ont voulu la guerre : elles auront la guerre. Il ne reste plus qu�� esp�rer que celle-ci sera faite dans le strict respect des r�gles du droit humanitaire, du droit de la guerre et de ce qu�on appelle �l�art de la guerre�, tel qu�il a �t� th�oris� par Sun Tzu et Clausewitz dont il est int�ressant de conna�tre au moins quelques id�es, si l�on souhaite utilement parler de la guerre. Sun Tzu est un chef de guerre chinois qui a v�cu � la fin du VIe si�cle et au d�but du Ve si�cle avant J�sus Christ. Il a �crit un trait� intitul� L�art de la guerre qui est probablement le premier ouvrage th�orique sur la question. Ce livre est encore �tudi� dans les grandes �coles de formation des officiers des trois armes et plus sp�cialement dans les �coles d��tat-major, les �coles de guerre, les �coles de renseignement. On continue aussi � se r�f�rer aux enseignements de Sun Tzu dans les �coles de sciences politiques, dans les instituts de relations internationales et d��tudes strat�giques. L�id�e fondamentale qui sous-tend cet important trait� est qu�aucun pays, aucun peuple, aucune arm�e n�a jamais gagn� de guerre par des incantations et pri�res aussi ferventes fussent-elles, ni par quelque intervention divine ou magique que ce soit, ni par des harangues ou des discours. Hier comme aujourd�hui, on ne fait une guerre et on ne la gagne que si l�on dispose d�une strat�gie militaire fond�e sur une planification rigoureuse et la coordination intelligente de l�action de l�ensemble des forces arm�es. Cette strat�gie pour �tre efficiente doit elle-m�me �tre servie par des tactiques clairement d�finies en termes de moyens humains qui doivent �tre � la fois comp�tents et aguerris, comme en termes de moyens logistiques ou mat�riels � mobiliser, lesquels doivent �tre quantitativement et qualitativement suffisants, en vue du succ�s des op�rations et des batailles pr�visibles... C�est ce travail d��tudes et de planification que le Conseil de s�curit� de l�ONU a demand� aux pays de la Cedeao d��laborer et de lui pr�senter, pour pouvoir d�cider s�il y a lieu ou non d�une intervention militaire au Mali contre les bandes arm�es qui occupent le nord. Pour en revenir � Sun Tzu, ce g�n�ral chinois, qui fut sans doute un g�nial strat�ge et tacticien, on notera qu�il n��tait en rien un sanguinaire. C�est lui qui a dit : �Le summum de la guerre c�est de soumettre l�ennemi, sans combat.� C�est � lui par ailleurs qu�on attribue cette remarque selon laquelle : �Toute guerre est fond�e sur la tromperie.� Aujourd�hui, au lieu de ce mot qui a forte connotation p�jorative, on pr�f�re g�n�ralement utiliser celui �d�action psychologique�. Je retiens aussi, tr�s volontiers, cette observation pertinente et qui, � mon avis, sonne comme une mise en garde : �La guerre est semblable au feu, lorsqu�elle se propage, elle met en p�ril tout le monde��, les vaincus comme les vainqueurs et m�me les pays neutres. Bien que cela se soit v�rifi� pendant les deux guerres mondiales, l�extension d�une guerre locale aux pays voisins n�est pas automatique. La guerre en Libye ne s�est �tendue ni � la Tunisie, ni � l�Egypte, ni au Tchad, ni au Niger et certainement pas � l�Alg�rie. On peut dire autant de la guerre qui s�vit actuellement en Syrie : ni la Turquie, ni le Liban, ni m�me Isra�l ne sont en train de flamber, par mim�tisme ou contagion. Mais d�autres id�es d�velopp�es par lui ont re�u application notamment dans les gu�rillas chinoises et vietnamiennes, conduites au si�cle dernier par Mao Ts� Toung, Ho Chi Minh, Giap et dans bien d�autres guerres de lib�ration nationale en Asie, en Afrique et en Am�rique latine� La plupart de ses id�es sont � la base des guerres psychologiques modernes et des guerres �conomiques. L��tude et l�analyse de ces m�mes id�es ont aussi permis aux �tats-majors et aux services sp�ciaux des pays confront�s aux gu�rillas d��laborer des strat�gies et des plans pour pr�cis�ment contrer les gu�rillas et les guerres de lib�ration nationale. Carl Von Clausewitz est, quant � lui, un g�n�ral prussien qui a v�cu entre 1780 et 1831. Il s�est retrouv� au cours de sa carri�re militaire sur de nombreux champs de bataille. Il a combattu les troupes de Napol�on Bonaparte et particip� � la bataille d�cisive de Waterloo. Il est l�auteur d�un trait� constitu� de six tomes et intitul� : De la Guerre, qui a �t� publi� quelques ann�es apr�s sa mort. Il est l�incontournable livre de chevet des hommes politiques et des diplomates de tous les pays ; c�est aussi un ouvrage classique pour les �l�ves officiers et le vade mecum irrempla�able pour les th�oriciens et les praticiens de l�art de la guerre. Clausewitz a dit cette phrase que d�sormais tout le monde conna�t et que l�on cite partout d�s que les bruits de bottes se font assourdissants : �La guerre n�est rien d�autre que la continuation de la politique par d�autres moyens.� Cette phrase qui sonne comme une maxime est surtout, � mon point de vue, une mani�re de dire que la guerre c�est aussi de la politique. En effet, Clausewitz est peut-�tre celui qui a le mieux fait ressortir le lien �troit, voire indissoluble qui existe entre la politique et la guerre. �Politique et Guerre�, tel aurait pu �tre le sous-titre du roman de Tolsto� Guerre et Paix. Pour autant, il serait erron� de penser que Clausewitz a voulu dire par-l� que c�est la guerre qui dicte la politique. Mao Ts� Toung a repris cette id�e de l�interp�n�tration et de l�interactivit� de ces deux concepts de politique et de guerre, en affirmant : �La guerre c�est de la politique avec effusion de sang.� Mais il prend soin de pr�ciser dans une autre citation, comme pour r�affirmer le principe de la primaut� du civil sur le militaire : �C�est le parti (entendre par l� le politique) qui commande les fusils (entendre par l� l�arm�e) et il est inadmissible que les fusils commandent au parti.� Plus tard, le vainqueur de Dien Bien Phu, le g�n�ral Giap, affirmera, r�alisant la synth�se des id�es de Sun Tzu et de Clausewitz : �La guerre est � la fois politique, psychologique et militaire.� N�anmoins, ce serait se tromper lourdement que de croire que Clausewitz est un belliciste dans l��me, une sorte de dieu �Mars� des temps modernes. Il est de ce point de vue extr�mement clair et pr�cis quant � la fin qu�il assigne � la guerre, puisqu�il �crit : �En aucun cas, la guerre n�est un but par elle-m�me. On se bat paradoxalement pour engendrer la paix, une forme de paix.� Il est donc, � sa mani�re, un pacifiste� Mao Ts� Toung, qui �tait tout � la fois, un politique et un militaire du type r�volutionnaire, tr�s diff�rent du type �officier prussien�, a lui aussi tr�s sagement rappel� � ceux auxquels la guerre r�pugne que �pour qu�il y ait moins de fusils, il faut prendre le fusil�. Ni les �crits tr�s anciens du g�nial th�oricien de la guerre Sun Tzu, ni les r�flexions percutantes du g�n�ral prussien Carl Von Clausewitz, ni �les pens�es� du grand Timonier Mao Ts� Toung ne sont en d�finitive en d�saccord avec ce vieil et sage adage romain : �Si vis pacem, para bellum�, qu�on traduit par : �Si tu veux la paix, pr�pare la guerre�� En effet, le pacifiste n�est pas celui qui refuse de faire la guerre �en soi ou en tant que telle�. Le vrai pacifiste, c�est celui pour qui la guerre n�est qu�un moyen de r�tablir la paix, l�ordre et la s�curit� dans les relations internationales et de r�introduire dans tel ou tel pays ravag� par des troubles internes graves la paix publique et la primaut� du droit. On aura sans doute aussi compris que le pacifisme n�a rien de commun avec certains comportements et certaines mani�res de se d�guiser ou de se grimer, pour ressembler aux �mules d�sorient�s et d�sax�s du mouvement �Peace and Love�, que l�on voit parfois sur les places publiques de certaines capitales du monde occidental. En conclusion � ces r�flexions g�n�rales, je dirai qu�� l�instar de beaucoup de mes compatriotes, ma conviction, sinon mon esp�rance, est que la guerre politique et psychologique d�j� en cours � propos du Mali et la guerre militaire qui y sera d�clench�e dans les prochaines semaines ou prochains mois � une fois consacr� le droit des Touareg � l�autonomie interne dans le cadre d�un Mali uni � permettront de lib�rer le Mali, ses Etats voisins et tout le Sahel et le Sahara, de ce chancre qu�est le terrorisme, en les d�barrassant du m�me coup et d�finitivement des narcotrafiquants et autres marchands d�armes, qui n�ont cure du mal qu�ils causent dans les pays o� ils �coulent leurs produits de mort, car seul l�argent les int�resse.