Titulaire indiscutable au sein d'un Betis Séville qui figure dans le top 10 de la Liga, Aïssa Mandi raconte son aventure loin de la France, sa paternité récente, sa relation avec Ryad Boudebouz, mais aussi le futur d'une sélection d'Algérie qui lui tient tant à cœur. Aïssa, voilà un peu plus d'un an et demi que vous avez quitté Reims et la Ligue 1 pour le Bétis Séville. Quel bilan tirez-vous de cette expérience pour le moment ? J'ai changé de vie, c'est vrai, sur le plan sportif, mais aussi familial, avec la naissance de ma fille. J'ai envie de dire que c'est un bilan positif. Même si ma première saison a été une année d'adaptation, j'ai mis du temps, avec deux ou trois blessures. Ce n'était pas une catastrophe, mais cette saison ne sais pas vraiment passée comme je le voulais. Depuis, avec le changement de coach (NDLR : arrivée de Quique Setien), je me sens plus à l'aise. Même chose au niveau de la langue, c'était un obstacle assez important au début. Maintenant, je maîtrise davantage et je me sens beaucoup mieux dans le vestiaire. Au-delà de la langue, quelles autres difficultés avez-vous rencontré durant ce changement d'environnement ? Ce ne sont pas vraiment des difficultés, mais plutôt un changement de style de vie. Même si celui-ci n'est pas déplaisant, surtout à Séville. Mais c'est vrai que j'ai eu du mal par rapport à la famille. Je suis très, très famille, et c'était la première fois que je quittais ma ville de Reims, mon environnement, ma mère, ma sœur, mon frère. Cela a été très dur pour moi. Je ne m'en rendais pas forcément compte sur le moment, mais avec le recul, les six premiers mois ont été compliqués. Et, en plus, sportivement, on a changé deux fois de coach, le directeur sportif est aussi parti. Mais je pense que tout ça m'a apporté. De là à penser rapidement à un retour lors de vos six premiers mois difficiles ? Non, pas forcément. Je ne suis pas quelqu'un qui lâche. Jouer en Liga était un vrai objectif, c'est un Championnat qui me correspond vraiment. Dans un très bon club d'Espagne, et ça, on ne s'en rend pas forcément compte en France de la ferveur qu'il y a autour du Bétis. J'ai envie de m'installer vraiment et de montrer ma vraie valeur ici. L'été dernier, des rumeurs vous envoyaient à Rennes. C'était vrai ? Oui et non. Il y avait des contacts parce qu'on ne savait pas qui allait entraîner au Bétis, mais aussi parce que j'ai une relation particulière avec le coach (Christian) Gourcuff. J'ai toujours voulu continuer ici. Cela n'a pas été plus loin. Où se situe le déclic au cœur de votre début d'aventure compliquée ? L'arrivée du coach y a fait. J'avais vraiment apprécié le passage de Gustavo Poyet, qui n'est pas resté longtemps. Cette saison, le coach a changé beaucoup de choses au niveau du groupe et je sens sa confiance. Je suis venu en Espagne pour côtoyer ce genre de coaches-là, qui joue au ballon, mais qui tient aussi son vestiaire. Même si je joue énormément, toutes les semaines, tu n'es jamais sûr d'être sur le terrain le week-end qui suit. Vous espériez montrer votre vraie valeur au Bétis. Vous avez disputé vingt-deux matches de Liga sur vingt-cinq possibles, diriez-vous que vous êtes en train d'effectuer une saison pleine ? Je fais de meilleures performances, je suis beaucoup plus régulier. Ma saison est bonne, je joue beaucoup, j'adore ça. Je m'entraîne vraiment dur. Et, collectivement, ça se passe bien, donc c'est top… mais ça n'est pas fini. On joue très bien, on encaisse toujours autant de buts (18e défense de Liga), mais c'est notre jeu qui veut ça. On a beaucoup de possession, on tente de faire du jeu : la philosophie de notre coach est de mettre un but de plus que notre adversaire. Un jeu très, très ouvert, on repart de derrière et on essaie de relancer proprement. L'entraîneur préfère un 5-5 à un 0-0, créer du jeu et donner du spectacle. Bon, on ne va pas mettre de côté le fait qu'on prend trop de buts, ça fait partie des choses à corriger. Vous n'êtes pas très loin de la cinquième place. Quels peuvent être vos objectifs ? On parle beaucoup d'Europe, c'est vrai, mais ce n'était pas l'objectif de départ. On en est là, avec notre qualité de jeu et notre bonne forme du moment. Donc, on se dit pourquoi pas. Mais l'Europe n'est pas une fin en soi. Et pourquoi pas aussi terminer devant le rival… On aimerait bien être classé le plus haut. Mais on ne fait pas une fixette sur le FC Séville. Si on peut finir devant, on ne va pas s'en priver. Au Bétis, vous n'êtes plus le seul Algérien puisque Ryad Boudebouz vous a rejoint. Comment évaluez-vous sa saison ? Je l'ai incité à venir ici. Il m'a demandé comment était le groupe, le club, le coach. Je lui ai dit qu'il allait s'épanouir. Ça ne s'est pas très bien passé au début, il est arrivé blessé et il a eu du mal jusqu'en décembre avec son genou. Il manquait de rythme. Mais là, on voit que c'est un tout autre joueur depuis quelques matches. A 100% de ses moyens, en Espagne, il va faire très mal. On imagine qu'il y a une très bonne complicité entre vous… Il habite à 100 mètres de chez moi, et on a les enfants quasiment du même âge, ça rapproche. Mais déjà avant, en sélection, on s'entendait très bien. L'arrivée de votre nouveau-né a-t-elle aussi changé beaucoup de choses ? Quand tu rentres à la maison, tu sais que tu vas sourire et rigoler avec ta fille dans les bras. En fait, ça apaise. Tu ne penses à rien d'autre. Je suis un compétiteur, je n'aime pas perdre, et maintenant, même après une défaite, quand je rentre, je la vois et j'oublie tout. Tu passes vite à autre chose. C'est une force. Lorsque vous vous voyez tous les deux avec Ryad Boudebouz, on imagine que la discussion porte parfois sur la sélection algérienne… On en parle tout le temps (il sourit). On est vraiment déçus de ne pas aller au Mondial. Il n'y a pas eu de stabilité au niveau de l'entraîneur et du président. Tout le monde a sa part de responsabilité, joueurs compris. On s'est tous remis en cause, et, désormais, on va essayer de changer la donne et de redevenir l'Algérie de 2014 qui triomphait (éliminée en prolongation en huitième de finale du Mondial par l'Allemagne, future championne du monde). Car, là, c'est vrai que ça ne fait pas plaisir. En six matches de qualification pour la Coupe du monde, on a changé trois fois de coach… Croyez-vous à un renouveau de cette sélection ? On a une très bonne génération avec les Brahimi, Mahrez… On a tous à peu près le même âge. Ce serait vraiment un gros échec de passer à travers avec tous ces joueurs. La CAN arrive en 2019, on va tout faire pour se remobiliser et faire quelque chose là-bas. Allez-vous regarder la Coupe du monde depuis votre télévision ? Je ne vous cache pas que ça va être très dur. Après ce qu'on a vécu en 2014, cette Coupe du monde 2018 va être très difficile à supporter. Je ne sais pas si je pourrai la regarder… themesfreedownload