Problème numéro un de l'habitat à Annaba, les bidonvilles sont aujourd'hui une réalité avec laquelle il faut compter. Si la préservation de l'architecture est relativement importante, l'accès à un logement décent est fondamental, ce que tendent beaucoup à occulter. Ces quartiers «pauvres», autrement appelés bidonvilles, que les responsables locaux tentent trop souvent de cacher, faute de ne pouvoir les éradiquer, remontent à la surface comme pour rappeler à ces derniers leur inconséquence… Les rues de la cité haute d'El Bouni semblent vidées de leur effervescence habituelle, en ce jour de fin de semaine. Pourtant, une poignée de représentants d'associations de quartier, des jeunes gens surtout, s'activent dans la rue principale en ce mercredi à midi, jour de marché. Ils invitent les habitants à signer une pétition appelant à se mobiliser pour obtenir les financements nécessaires à la réhabilitation du quartier. En fait, ils demandent que l'on mette à exécution le programme de délogement du bidonville de Bouzaâroura, une hideuse agglomération qui comprend quelque 350 baraquements qui s'agglutinent à leur cité. «Notre action est avant tout humanitaire parce qu'il nous est devenu insupportable de voir ce spectacle de désolation chaque jour. Elle se veut en même temps de salubrité publique, car la santé de nos enfants est en jeu avec la menace que représentent les mares d'eaux usées que vous voyez là-bas sur la gauche.» Notre interlocuteur nous montre du doigt un cloaque où stagnent toutes sortes d'immondices aux relents pestilentiels. Hamid S. est enseignant dans un CEM à Annaba, mais il habite à El Bouni depuis bientôt 10 ans, et il jouit apparemment de la considération des habitants de cette cité reculée de la commune. Cet homme admirable pour son dévouement assure qu'il est convaincu que sa démarche aboutira un jour s'il a le soutien total des autres habitants. Dépositaire, depuis 2002, d'un projet de rénovation urbaine pour ce bidonville situé à la périphérie, à 300 m environ en contrebas de la nouvelle ville, la municipalité d'El Bouni ne se serait plus préoccupée du sort des quelque 15000 âmes qui y survivent. «Le projet de réhabilitation du site de Bouzaâroura a bénéficié d'une enveloppe conséquente, a expliqué Hamid S. Il consiste au relogement des habitants du bidonville dans des logements de type RHP au prolongement de ce même terrain, et l'opération de démolition des baraquements devait suivre au fur et à mesure. On sollicite aujourd'hui la relance des travaux.» Spéculation honteuse Nous apprendrons que plus de la moitié des 100 plates-formes devant recevoir les logements prétendument destinés à la résorption de l'habitat précaire a été revendue en l'état à des particuliers venus de différents horizons. Comble de l'incurie, les bénéficiaires de ce programme auraient réintégré leurs baraques de carton et en tôle, sans que personne s'en émeuve pour autant. La même attitude indifférente des pouvoirs publics est malheureusement observée à l'égard des autres sites bidonvilles disséminés à travers les quartiers périphériques de la ville. On notera que rien n'a changé depuis des dizaines d'années au niveau de l'autre «favela» de Bouhdid, implantée aux portes de la ville et qui compte près de 200 baraques, pas plus qu'à celle implantée à Hadjar Eddis, qui en abrite à peu près un nombre égal ou encore à Boukhadra, où le nombre de baraquements dépasserait de loin, affirme-t-on, les 500. Le phénomène de l'habitat précaire est ainsi vécu avec autant de douleur impuissante par les populations de la cité Bengladesh (Oued Edh'hab, l'ex-cité Ruisseau d'or de la période coloniale) et des vieux quartiers de la ville tels que la Place d'armes, de la Colonne et de Beni M'haffer, pour ne citer que ceux-là…