C'est un homme de religion bien inquiet par la dérive extrémiste et djihadiste dans son pays, la Syrie, qui arrive en Algérie pour prêcher la bonne parole de la modération, et conscientiser nos imams sur les dangers de (re) tenter le diable… Cheikh Badreddine Hassoune, grand mufti de Syrie, qui effectue une visite d'une semaine en Algérie, a mis en garde jeudi lors d'un tête-à-tête à la résidence El Mithak, avec le ministre des Affaires religieuses et des Wakfs, Mohamed Aïssa, contre ce qu'il a appelé «la pensée extrémiste». Pour être venu d'un pays ouvert aux quatre vents, où sévissent des bandes de tueurs sans foi ni loi qui se couvrent de l'étendard de l'Islam, Cheikh Badreddine Hassoune mérite bien d'être écouté. En Syrie où des organisations terroristes comme Jabhat al Nosra, Al Qaïda et autres Daech entraînées et financées pour certains par les royaumes et les émirats voisins, comme l'Arabie saoudite, font fureur, il y a certainement une expérience et des conseils à en tirer. L'Algérie dispose certes d'une solide expertise en la matière, notamment dans la lutte contre le terrorisme, mais il lui reste du travail à faire en termes de déradicalisation. Ce nouveau concept qui a fait irruption dans le jargon thérapeutique du contre- terrorisme s'impose aujourd'hui comme un moyen très efficace pour lutter en amont contre la pensée djihadiste. Le grand mufti de Syrie a bien pesé ses mots jeudi en invitant les imams à «immuniser l'Algérie contre la pensée extrémiste qui se nourrit de l'ignorance». C'est en effet dans ces lieux de culte théoriquement dédiés à la piété que se fabriquent les bombes humaines qui explosent un peu partout dans la sphère arabo-musulmane, dont la dernière jeudi en Arabie saoudite (tiens, tiens !)… D'où l'importance d'écouter le sermon du Cheikh Badreddine Hassoune mettant en garde contre ces imams de l'épouvante et de l'apocalypse qui écument les minbars de son pays. L'Algérie, qui a eu à subir ce discours extrémiste et qui en a payé un lourd tribut, doit être forcément mieux inspirée pour examiner le (mauvais) exemple syrien et faire en sorte de l'éviter. «La visite du grand mufti de Syrie en Algérie permettra aux deux parties d'analyser la situation et d'échanger leurs expériences en vue de trouver une issue à la crise mondiale du néo-radicalisme religieux», a confirmé à juste titre le ministre des Affaires religieuses et des Wakfs, Mohamed Aïssa. Le ministre a précisé que cette visite du Cheikh Badreddine Hassoune va servir à «échanger les expériences sur le rôle joué par les imams dans l'expurgation du discours religieux de toute forme d'extrémisme et la préservation des mosquées de toute dérive». Tueurs en Syrie… Et pour cause, le grand mufti de Syrie témoigne à Alger que «les extrémistes qui se prévalent de l'Islam sont en réalité étrangers à cette religion de paix». Il ajoute que «ceux qui se sont autoproclamés révolutionnaires viennent en réalité en Syrie d'une centaine de pays pour tuer et semer le chaos». Abstraction faite de la nature foncièrement dictatoriale du régime de Damas, on doit reconnaître qu'il n'a pas eu tort de mettre en garde contre une internationale terroriste dûment stipendiée. Sous couvert de faire chuter Al Assad, ces bandes de tueurs en série (et en Syrie) ont entrepris insidieusement d'appliquer un agenda diplomatique concocté dans les officines de l'Occident pour provoquer des bouleversements géopolitiques dans la région, favorables aux intérêts vitaux de l'Occident et d'Israël. D'où l'intérêt pour les responsables algériens, notamment le ministre des Affaires religieuses, d'intérioriser et suivre le mode opératoire des imams aux accents radicaux pour éviter leur passage à l'acte et à la parole. Ce qui se fait en Syrie pourrait en effet bien se reproduire chez nous en Algérie dans les mêmes conditions si les pouvoirs publics hésitent à brandir le Seif Al Hadjadj. La bonne parole du grand mufti de Syrie ne pouvait tomber mieux alors que l'Algérie connaît un regain d'agressivité dans les mosquées et sur les plateaux télé où officient des apprentis prédicateurs qui tirent sur tous ceux qui ne sont pas en odeur de sainteté à leurs yeux. Ultime prière : que les pouvoirs publics reprennent les choses en main avant que les choses ne deviennent, à Dieu ne plaise, incontrôlables.