L'activité théâtrale semble confirmer le constat fait par Mohammed Kali dans son livre Théâtre algérien, la fin d'un malentendu paru il y a quelques années. Dans son livre, le journaliste, romancier et essayiste est allé aux sources des problèmes du théâtre algérien qui a, rappelons-le, été le premier à subir la décision et les conséquences de la nationalisation. L'auteur a tenu à rappeler pratiquement toutes les étapes, bonnes ou mauvaises, de l'histoire du théâtre algérien d' après l'indépendance avant d'entamer la période du terrorisme. Mohammed Kali a rappelé d'abord les coups durs qui ont touché la vie artistique et culturelle en Algérie en citant plusieurs cas tels que celui de cet intégriste qui a brûlé vive sa sœur comédienne et cet autre qui a obligé la sienne à mettre fin à sa carrière en la mariant de force à un de ses amis. L'essayiste revient sur les mésententes entre Mustapha Kateb d'une part et Alloula et Kaki de l'autre. Le directeur refusait la décentralisation du théâtre et les deux artistes tenaient à la création des théâtres régionaux. Le refus de Kateb était motivé par le manque de compétence et cet homme était connu pour avoir toujours donné une grande importance à la formation. L'avenir allait donner quelque peu raison à Kateb car dès la création du théâtre d'Oran, on allait être obligé de recruter parmi les amateurs pour ne pas dire parmi les chômeurs de tous bords. L'amateurisme comme école Il faut se demander s'il y'avait des professionnels en Algérie mis à part quelques-uns tels que Hadj Omar, diplômé de la Sorbonne et Allel El Mouhib qui avait fait 16 stages de formation théâtrale à l'étranger. Concernant le théâtre amateur, l'auteur a bien fait de citer l'universitaire Hadj Miliani qui a touché le point sensible en notant que «d'une part, le théâtre amateur a fonctionné comme réservoir pour le théâtre professionnel qui en a repris à la fois les formes et les déformations dans les années 1970». Cela veut dire qu'au lieu de compter sur une véritable formation, le théâtre professionnel a choisi l'amateurisme comme école. Encore, cet amateurisme n'était pas le vrai. Hadj Miliani note que «le théâtre amateur est devenu une tribune au moment où l'on avait besoin qu'il le soit avant d'ajouter qu'«il est devenu un système d'embrigadement et de rassemblement des jeunes quand les organisations de masse du parti unique étaient incapables de pouvoir les organiser». Le Pr Ahmed Cheniki avait déjà relevé que le théâtre amateur des années 1970 était utilisé comme tribune pour les discours politiques de l'époque. Après cette longue période qui a vu le théâtre devenir un outil du parti et de l'Etat, on devait remettre les choses en place mais malgré cela la mauvaise stratégie était bien ancrée. Après avoir bien effleuré les différentes péripéties du théâtre algérien, Kali entre dans le vif de sa thèse. Et pour commencer, l'auteur répond à ceux qui ont dit que le théâtre est mort en 1990 à cause du terrorisme. «Rien de plus faux car avec ou sans elle (tragédie nationale ndlr) la situation de ce théâtre n'aurait été guère reluisante» souligne Kali. Le théâtre indépendant Après avoir noté l'effet de l' école d'art dramatique (projet initié par Kateb mais tardivement concrétisé) qui a formé de vrais artistes, Kali passe à la nouvelle étape qui a vu l'émergence d'un théâtre indépendant et diversifié. Les premières tentatives de création de spectacles venaient d'artistes qui exerçaient au Tna avant que n'arrive la vraie ouverture avec la création de troupes telles que El Qelâa avec feu Medjoubi, Benguettaf, Sonia et Ziani Cherif Ayad. L'auteur s'étale par la suite sur la longue liste de pièces jouées à travers différentes villes durant toute la période de la décennie noire malgré les attentats et toutes les menaces subies par les artistes. On parle alors de critique, d'esthétique, de scénographie et la concurrence entre les troupes qui a fait le reste. Par le biais de cet ouvrage édité par le ministère de la culture, Mohammed Kali a pu cibler les vrais blocages du théâtre algérien. Après avoir relu ce livre et après une longue réflexion, on pourrait déduire qu'en créant la TTP, Hassan El Hassani et ses amis comédiens qui avaient quitté avec lui le TNA, étaient en avance de deux ou trois longueurs.