Réda vient de Londres où il vit depuis le début des années 90. «Simple coïncidence de calendrier», précise-t-il, à chaque fois qu'un proche ou une nouvelle connaissance lui donnait l'impression d'insinuer qu'il avait «fui comme tout le monde le terrorisme». A cette époque, il avait déjà ruminé depuis des années son départ, n'importe où sous un autre pan de ciel, et la capitale britannique n'était pas vraiment une destination choisie. Même s'il avait toujours rêvé de vivre un jour les folles nuits de Soho, de s'installer à une tribune de Wembley et de prendre le bus rouge à étages, il a su être réaliste parce que de nature il n'était pas aventurier et Londres n'était pas vraiment ce qu'il y avait de plus recommandable pour lui. Jusqu'au jour où un copain d'enfance dont il avait perdu la trace, revienne, plein aux as, frimer dans le quartier. Réda aimait bien son copain, mais connaissant parfaitement ses limites, il s'est dit que si Hocine avait «réussi là- bas», il pouvait, lui, faire beaucoup mieux. Embarrassé, mais déterminé, il a été le voir et quelques évocations du bon vieux temps après, il lui avait demandé s'il y avait une possibilité de l'aider à s'installer à Londres. Hocine était frimeur, mais savait être généreux. On ne refuse rien aux amis d'enfance. Réda est parti dans l'avion du retour de Hocine. Ce dernier a fait ce qu'il pouvait pour lui, même si la prospérité qu'il avait affichée à Alger était toute relative. Tout juste un petit boulot et un pied, mais ça suffisait à son bonheur, surtout qu'il n'avait jamais oublié d'où il venait. Quelques années après, Réda avait «fait mieux», d'abord parce qu'il avait un niveau d'instruction bien supérieur à celui de son ami, ensuite parce qu'il avait un train de vie plus paisible. Depuis qu'il a eu ses papiers, Réda venait rentrait régulièrement au pays. Comme il tenait à préciser qu'il n'a pas fui le terrorisme, il tenait à préciser qu'il ne venait pas passer des vacances. Juste pour passer quelques jours avec les parents vieux et seuls, puis sentir l'odeur de la mer à partir de la terrasse de leur petite maison de La Pointe. Mais c'est la première fois qu'il vient en plein Ramadhan. Il avait hésité, mais la coïncidence de son congé l'y a contraint. Et puis revivre «l'ambiance de ce mois si particulier au bled» était toujours tentant. En quelques jours, Réda a subi le discours désespérant d'une opératrice de téléphonie mobile chez qui il est allé acheter une clé internet pour son portable, il a été violemment interpellé par un policier qui croyait, en raison de sa voiture au volant à droite qu'il utilisait son téléphone en conduisant alors que c'était son neveu qui le faisait sur le siège avant, il s'est rendu compte que l'ambiance du Ramadhan, il l'avait plutôt dans les quartiers musulmans de Londres et il a appris les émeutes déclenchées à Tottenham pour se répandre au reste de la Perfide Albion. Alors, Réda a promis à ses parents de revenir la veille de l'Aïd. Cet e-mail est protégé contre les robots collecteurs de mails, votre navigateur doit accepter le Javascript pour le voir