De retour chez eux, des habitants de Syrte, ville natale de Mouammar Kadhafi, accusent les hommes du Conseil national de transition (CNT) au pouvoir en Libye de pillages et de destructions qu'ils disent motivés par la vengeance. «Ils nous envient et nous haïssent parce que Mouammar est d'ici, mais nous ne sommes que des civils. Les révolutionnaires viennent ici pour se venger et détruire. Nous n'avons pas résisté ici. Pourquoi cassent-ils nos maisons ?» s'indigne une femme ayant requis l'anonymat en inspectant son domicile. Les portes ont été brisées, des vêtements sont éparpillés au sol, les meubles retournés. Par un trou dans le mur, on distingue les nuages de fumée des bombardements qui durent depuis des semaines. Après avoir fui les combats, beaucoup d'habitants ont décidé de regagner la ville où les partisans de Mouammar Kadhafi ne tiennent plus qu'une zone réduite. Ils y ont trouvé la plupart des maisons endommagées par les tirs de roquettes ou de mortier, les incendies et les rafales de fusils d'assaut. De l'eau s'est répandue dans les rues et les infrastructures sont en ruine. Syrte est aussi dévastée que d'autres villes de Libye, mais la férocité des bombardements et le traitement réservé aux domiciles des membres et des partisans de l'ancien régime accréditent pour certains la thèse de représailles systématiques. La villa d'Aïcha Kadhafi, fille du guide déchu, a ainsi été incendiée et les murs ont été abattus après avoir été criblés de balles. Une fumée noire s'élève en outre des maisons qui appartenaient aux proches de Kadhafi. «Ce qui se produit à Syrte tient de la vengeance, pas de la libération. Quand quelqu'un vole votre voiture et détruit votre domicile, ce n'est pas de la libération», déplore Abou Anasse, venu récupérer quelques biens. «De quoi nous libèrent-ils ? On veut Kadhafi !», lance une autre habitante rejointe par un groupe d'où fusent les accusations à l'adresse des ex-rebelles. Les hommes du CNT, qui fouillent maison par maison, se disent seulement à la recherche d'armes, mais les correspondants de Reuters sur place en ont vu beaucoup transportant meubles, pneus ou matériel informatique à l'arrière de leurs pick-up. D'autres ont été aperçus au volant de BMW ou de Toyota flambant neuves. Les journalistes ont par ailleurs vu des combattants du CNT tirer sur le rideau de fer d'une boutique d'informatique et envisager de s'y attaquer à la grenade avant de parvenir à l'ouvrir pour découvrir qu'elle était vide. Pour beaucoup de Libyens, les combattants originaires de Misrata, ville bombardée pendant des semaines par les forces gouvernementales, se montrent les plus cruels à l'égard des habitants de Syrte, considérés comme des partisans de Kadhafi. «Les habitants de Syrte sont des bédouins et les bédouins n'oublient jamais de venger une injustice», avertit Abou Fatma. «Nous n'oublierons pas ce qui s'est passé à Syrte. Nous ne pardonnerons pas et n'autoriserons personne de Benghazi ou de Misrata à y pénétrer à nouveau», poursuit-il.