Il n'y aura pas de contrôle positif cette année à Roland-Garros. Parce que le tennis est propre, disent les joueurs et ses dirigeants. Parce que le programme de lutte antidopage est conçu pour ne trouver aucun tricheur, disent les chiffres. Si l'on excepte le cas de Richard Gasquet, suspendu deux mois et demi pour la forme mais dont la fédération internationale (ITF) avait validé la thèse du baiser à la cocaïne, la dernière suspension d'un joueur du top 50 remonte à 2005, avec le Tchèque Karol Beck. La dernière grande joueuse contrôlée positive est Martina Hingis, à la cocaïne, à la fin de sa seconde carrière (2007). Aucun scandale impliquant un grand joueur : voilà pourquoi le tennis conserve l'image d'un sport aussi pur qu'une tenue de Federer à Wimbledon. Lorsqu'une star du tennis aurait pu être impliquée dans une affaire de dopage, l'ATP, qui organise les grands tournois masculins, l'a étouffée : c'est André Agassi, le joueur en question, qui l'a raconté dans son autobiographie. Le premier ayant porté des accusations de dopage sur le milieu du tennis était Yannick Noah, en 1980, dans une interview à Rock and Folk. A l'époque, on appelait ça «le doping», Rock and Folk était un mensuel de jeunes et Thierry Ardisson, plus flegmatique que jamais, authentifiait l'interview sur la chaîne de télévision française Antenne 2. «Des mecs chargés, j'en vois dans tous les tournois. Et de plus en plus ! La coke, les amphés et le hasch sont les drogues les plus prisées par les tennismen.» John McEnroe, Chris Evert et Steffi Graf l'imitaient en 1992. L'Américain lâchait en plein Roland-Garros : «Si les gens pensent qu'il n'y a pas de stéroïdes dans le tennis, ils se trompent lourdement. Ça se voit quand quelqu'un a pris des stéroïdes. Le mec gonfle, il a un corps tout neuf et n'est jamais fatigué.» Nadal en colère Depuis la fin 2005, la fédération internationale a pris en charge la lutte antidopage aux dépens de l'ATP et de la WTA, jugées trop partisanes. L'Agence mondiale antidopage (AMA) s'attendait à voir le nombre de contrôles positifs augmenter. Ce fut l'inverse. Comme dans tous les autres sports, l'ITF décide qui elle contrôle, les substances qu'elle recherche, le type de prélèvement - urinaire ou sanguin. En 2009, certains joueurs, Rafael Nadal notamment, avaient été scandalisés de voir des préleveurs débarquer à leur hôtel au petit matin. L'Espagnol avait été contrôlé la veille de sa seule défaite à Roland, face au Suédois Robin Söderling. Seule une quinzaine de joueurs, hommes et femmes confondus, avaient été contrôlés par l'AFLD. Mais cela a suffi pour créer un scandale : l'agence française ne met plus les pieds à Roland-Garros. Jusqu'en 2009 au moins, la stratégie de tests de l'ITF lors des tournois du Grand Chelem était claire - mais étrange : le perdant de chaque match était contrôlé. Le vainqueur du tournoi était donc testé une seule fois en quinze jours, après la finale. Avec une chance absolument nulle que son contrôle soit positif. Cela explique la surprise de Nadal, contrôlé tôt dans le tournoi 2009 par l'AFLD. Depuis plusieurs années, l'AMA demande aux fédérations de renforcer trois aspects de leur lutte antidopage : les contrôles hors compétition, aux dépens des tests attendus pendant les tournois, les contrôles sanguins et les tests de détection de l'EPO. L'ITF est en retard partout et, loin d'accélérer le rythme, suit la tendance inverse de celle recommandée par l'agence mondiale antidopage. L'ITF a réalisé l'an passé, hommes et femmes confondus, 216 contrôles hors compétition, dont 21 sanguins. Un chiffre en baisse par rapport à 2010 (229 contrôles dont 10 sanguins) et qui devient ridicule si on le compare au cyclisme. L'EPO toujours là En 2011, l'Union cycliste internationale a réalisé 5650 contrôles hors compétition, dont plus de la moitié étaient des contrôles sanguins. Il y a donc eu l'an passé 26 fois plus de contrôles hors compétition pour les cyclistes que pour les joueurs de tennis. Les contrôles hors compétition et contrôles sanguins – eux aussi en baisse – sont également très rares comparés à l'athlétisme ou à la natation. Rafael Nadal par exemple a subi en 2011 et en 2010 «entre un et trois» contrôles hors compétition. En 2009, les chiffres sont plus précis : on sait qu'il a été contrôlé une fois hors compétition, avant Roland-Garros. Il n'a pas été contrôlé durant sa longue période d'inactivité entre Roland et le tournoi de Montréal, en août. La star du tennis féminin, Serena Williams, n'a subi aucun contrôle hors compétition en 2011, pas plus que la dernière gagnante de Roland-Garros, Li Na. Il y a enfin le cas de l'EPO et ses semblables, utilisé sur le circuit depuis les années 1990 selon Jim Courier, interviewé en 1999 par Newsweek. Aucun joueur de tennis n'a jamais été contrôlé positif à l'EPO. Pour une bonne raison : ce produit est peu recherché, et de moins en moins. De 114 contrôles en 2006 à 21 en 2009. Depuis, l'ITF ne communique plus à ce sujet. L'EPO n'est pourtant pas passée de mode. Elle reste terriblement efficace dans tous les sports et est utilisée sous des formes et à des doses variables malgré son défaut majeur : elle est détectable. Le meilleur moyen de la repérer est de contrôler un même athlète plusieurs fois sur une courte période.