Toufik Makhloufi est décidément insatiable. Ce garçon est un athlète hors normes. Ce qu'il a réalisé vendredi dernier au meeting de la Diamond League de l'IAAF de Stockholm est absolument prodigieux même s'il n'a pas gagné la course dans laquelle il était engagé. Imaginez un athlète, Toufik en l'occurrence, qui dispute et gagne une finale olympique du 1500 m le mardi 7 août sur la piste du stade olympique de Londres. La veille, il avait failli être disqualifié des Jeux pour n'avoir pas joué le jeu lors d'une série du 800 m. Disons qu'il avait trop traîné la patte, ce qui n'avait pas manqué de susciter le courroux des responsables de l'IAAF. Mais Toufik était réellement handicapé par une légère douleur à un genou. Bref, tout était rentré dans l'ordre et il avait, finalement, pu courir la finale du 1500 m qui a eu lieu le mardi 7 août, répétons-le. Depuis cette date, Toufik n'a plus couru de course officielle. Il avait continué à s'entraîner sur l'un des stades de Londres jusqu'au lundi 13 août, jour du retour de la délégation algérienne au pays. Demandé de partout Depuis ce jour-là, on peut dire que l'athlète n'a plus foulé une piste durant tout son séjour algérois. Le lundi soir, très tard dans la nuit, il a été happé à l'aéroport d'Alger par une foule compacte, désireuse de le voir en chair et en os. Puis il s'est plié aux exigences d'un défilé à travers les artères de la capitale jusqu'au milieu de la nuit. Le lendemain après une grasse matinée, il devait rester en compagnie des membres de sa famille, ses parents essentiellement, et le soir il avait été l'hôte du MJS pour une réception à l'hôtel El Djazaïr. Le mercredi avait été consacré à la signature d'un contrat de sponsoring avec la firme Mobilis. Le soir du même jour, Toufik retournait à l'hôtel Aurassi pour répondre à une invitation de Sonatrach, la firme qui parraine son club, le GSP. Nous étions ce mercredi-là à cette réception et Toufik est resté très tard en compagnie des journalistes présents. Lorsqu'il avait quitté l'Aurassi, il était plus d'une heure du matin. Et le jeudi, il a pris l'avion pour Stockholm via Francfort. Il faut donc compter avec la longueur du trajet et la fatigue qui va avec pour un athlète qui n'a certainement pas beaucoup dormi durant son séjour algérois. Ajoutez à cela le fait qu'il aurait dû perdre de son influx nerveux et de sa concentration, deux paramètres qui lui avaient énormément servi à Londres. Du reste quand les journalistes lui avaient demandé mercredi s'il comptait participer au meeting de Stockholm le vendredi, la réponse avait été non. «C'est trop court. En plus de cela je ressens toujours une petite douleur au genou. Non, je vais en Suède pour continuer à m'entraîner et sur place je verrai avec mon manager dans quels meetings je m'alignerai. «Eh bien ce garçon, sollicité de partout pendant trois jours, qui a dû faire quelques extras en matière de sucreries et d'alimentation, qui n'a pas beaucoup dormi durant ce temps-là, cachait bien son jeu. Il n'avait pas perdu totalement de cette volonté qui l'animait à Londres. Le vendredi 17 août, 24 heures après avoir quitté Alger, il était au départ du 800 m du meeting de la Diamond League de Stockholm. Et un 800 m relevé puisque y participaient l'Ethiopien Mohamed Aman, le Soudanais Abubaker Kaki et l'Américain Duane Solomon qui avaient participé à la finale du 800 m des Jeux de Londres, qui avait été le plus grand 800 m de l'histoire puisque outre le record du monde établi par le Kenyan David Rudisha ce soir-là, les 7 autres coureurs avaient tous battu leur meilleure performance sur la distance, battant pour certains le record national de leurs pays respectifs. C'est dire que Toufik avait à Stockholm affaire à de très gros clients. En voyant son nom sur la liste des partants de cette course, nous pensions, tout d'abord, que c'était une blague, voire une erreur des organisateurs. Or quand la caméra a balayé le champ montrant tous les coureurs sur la ligne de départ, il n'y avait plus de doute à ce moment-là. Oui, c'était bien Toufik qui était au départ de cette course durant laquelle il a donné lors du premier tour l'impression qu'il avait du mal à suivre le rythme imposé par les autres coureurs. Mais dès la cloche, Toufik s'est mis à remonter le peloton jusqu'à prendre la tête à 150 mètres de l'arrivée. On le voyait gagner cette épreuve mais dans les ultimes 50 mètres il a été débordé par Aman qui a terminé premier et lui second dans l'excellent temps de 1 :43.71, ce qui constitue un nouveau record pour lui, l'ancien datant des Championnats d'Afrique au Bénin, le 29 juin 2012, où Toufik avait gagné en 1 :43.88. Et à Stockholm, Toufik qui nous a paru courir sans forcer a battu les finalistes olympiques du 800 m comme Kaki qui a terminé 5e et Solomon classé en 8e position. Si ce n'est pas là un authentique exploit de sa part, on se demande ce que cela pourrait être parce qu'il convient de garder en mémoire tout ce qu'il a fait à Alger jusqu'à 24 heures avant cette course. * Jusqu'où ira-t-il ? La question qui se pose maintenant est de se demander de quoi il est encore capable. Sur ce qu'il a montré à Stockholm, on peut croire que sans ce qu'il avait vécu à Alger, il est en mesure d'atteindre les 1 : 42 sur 800 m. Cet athlète qui n'arrête pas d'impressionner va maintenant continuer à s'entraîner en Suède en attendant de le voir dans d'autres meetings. Il y en a un le 23 août à Lausanne (Diamond League) avec un 1500 m mais Makhloufi n'est pas inscrit parmi les engagés. Il y a ensuite, toujours dans le cadre de la Diamond League, la réunion de Birmingham en Angleterre, le 26 août avec là aussi un 1500 m, celle de Zurich le 30 août, avec un 800 m au programme, enfin celle de Bruxelles le 7 septembre. Deux jours plus tard aura lieu un meeting très apprécié des Algériens, celui de Rieti en Italie mais cela ne veut pas dire que Makhloufi y participera comme il nous l'a dit mercredi dernier. Mais comme il a pris tout le monde à contre-pied avec sa participation au meeting de Stockholm, allez savoir où se situe la vérité avec lui.