Depuis le début de la guerre française au Mali, François Hollande et Jean-Yves le Drian (Défense), liés par une amitié ancienne et forte, affichent une synchronisation sans faille sur le dossier, tandis que Laurent Fabius (Affaires étrangères) semble chercher ses marques. Omniprésent dans les médias, le chef de la diplomatie s'est livré depuis le 11 janvier à quelques approximations, voire a fait des erreurs diplomatiques. Cette semaine, Laurent Fabius a brûlé la politesse au chef de l'Etat et au ministre de la Défense en annonçant dans une interview accordée à un quotidien que la France commencerait à retirer ses troupes du Mali "à partir de mars". Le lendemain, la porte-parole du gouvernement, Najet Vallaud-Belkacem, a déclaré que M. Hollande confirmait cette échéance. Un chef de l'Etat, chef des Armées, qui confirme une information de son ministre sur un sujet hautement présidentiel... L'exercice est peu courant. Dans la sphère internationale, Laurent Fabius a commis quelques impairs. Personne ne lui a reproché l'absence d'une participation européenne ou américaine forte à l'opération "Serval". Mais son annonce intempestive le 13 janvier d'une autorisation de l'Algérie de survol de son espace aérien par les avions de chasse français lui a valu des critiques, obligeant Paris à calmer le jeu auprès d'Alger, selon un responsable français ayant requis l'anonymat. Lorsque Laurent Fabius affirme le 20 janvier que la Russie a proposé d'acheminer des troupes ou du matériel français au Mali, il s'attire une sévère mise au point de son homologue russe, Sergueï Lavrov. "Quand cette information est sortie, nos collègues français ont présenté leurs excuses et ont dit qu'il s'agissait d'une déformation de nos propos", a indiqué sans ambages M. Lavrov. Au gouvernement, le chef de la diplomatie partage le discours sur la guerre avec son "collègue et ami" de la Défense, Jean-Yves Le Drian. Les deux responsables sont toutefois loin d'avoir les mêmes liens avec François Hollande. Officiellement, pas d'irritation Trente ans de compagnonnage ont fait du ministre de la Défense l'un des hommes de confiance du président. Longtemps adversaire de François Hollande au parti socialiste, Laurent Fabius ne peut se targuer d'une même proximité, lui qui avait persiflé en 2011 en déclarant : "Franchement, vous imaginez Hollande président de la République ? On rêve". Mais depuis, les relations entre les deux hommes se sont pacifiées. Au quotidien, Jean-Yves Le Drian et Laurent Fabius sont très présents dans les médias. Mais le bon déroulement des opérations jusqu'à présent est mis par la presse au crédit du ministre de la Défense, fonctions obligent. "C'est une Rolls", dit-on dans les milieux militaires où certains sont dithyrambiques à son sujet. Laurent Fabius parle lui aussi de sujets militaires. "Beaucoup trop", se plaignent en privé ses détracteurs. Sa sortie sur la façon de compter les pertes ennemies - "Nous comptons le nombre de pick-up détruits et nous multiplions par le nombre de combattants qui s'y trouvaient probablement pour avoir une estimation à peu près crédible" - a fait gloser dans les milieux de la Défense. Officiellement, rien ne transparaît chez le président qui témoignerait d'une éventuelle irritation. François Hollande "respecte" l'ex-Premier ministre de François Mitterrand, qu'il préfère avoir au sein de l'exécutif plutôt qu'adversaire à l'extérieur, explique une source proche du chef de l'Etat. Pour sa visite au Mali du 2 février, François Hollande a mis dans son avion ses deux ministres, de la Défense et des Affaires étrangères, y ajoutant un troisième, Pascal Canfin (Développement), écologiste au profil plutôt discret. Mais pour une visite sensible ce week-end au Qatar, qui a douté de l'efficacité de l'opération française au Mali, le président français a choisi d'y envoyer Jean-Yves Le Drian qui avait déjà été fin janvier en Arabie saoudite.