On ne sait pas s'il y a des «consommateurs maghrébins» ni ce qui reste encore à consommer en Afrique du Nord mais, on a appris avant-hier qu'une «union maghrébine de protection des consommateurs» vient d'être créée à Tunis au terme d'un congrès constitutif qui a tenu ses travaux dans la même ville. Comme il fallait s'y attendre, le «protocole d'accord» par lequel cette union a été constituée n'a dérogé à aucune des règles traditionnelles qui ont présidé à la création de ce type d'organisation auquel nous sommes désormais habitués. A commencer par l'emphase : «Ce cadre juridique et civil maghrébin est le résultat des défis économique, social et culturel qui se présentent au consommateur dans les pays du Maghreb arabe, notamment dans le contexte de la mondialisation et de ce qu'elle charrie comme nouveaux modes de consommation.» Il n'y a qu'à voir avec quelle efficacité ces démembrements officiels, ou officieux, de l'UMA ont agi sur leur terrain de prédilection et les résultats obtenus en l'occurrence pour s'en «rassurer». Mais on n'a peut-être même pas besoin d'en arriver là. On ferait bien d'aller vérifier ça auprès de la «maison mère» en jetant simplement un regard sur son bilan et sur ses perspectives. Vraiment pas brillant. Et il ne pouvait pas en être autrement, pour beaucoup de raisons, dont la plus fondamentale est celle-ci : à notre époque, pour qu'un rassemblement régional se construise, il faut qu'il soit l'émanation d'Etats démocratiques. Ou il ne se construira pas. Politiquement réduit aux échanges protocolaires, économiquement au niveau zéro d'intégration et culturellement velléitaire, l'Union maghrébine est un fantôme qui ne peut enfanter que des satellites fantomatiques. Il a bien pu y avoir parfois des volontés d'autonomie dans la création de certaines organisations mais pour les mêmes raisons, elles ne pouvaient se traduire ni dans la structure ni dans le discours de ces organisations. Encore moins dans l'action. Les sociétés marquées par le déficit démocratique de leurs gouvernants ont souvent tendance à reproduire les mêmes mécanismes qui sont à l'origine de leurs malheurs. Par réflexe, par paresse intellectuelle ou par peur des représailles. Ceci quand il y a un minimum de volonté d'autonomie. Pour le reste, c'est-a-dire l'essentiel de ce qui a été «entrepris» jusque-là par la «société civile» des pays nord-africains, nul n'est besoin de piocher pour se rendre compte que la configuration de l'espace maghrébin telle que voulue par ses dirigeants y est reproduite jusque dans ses pires caricatures. Et pour cause, les organisations en question sont soit des démembrements «spécialisés» de l'Union, soit de son inspiration collective ou individuelle. Et ça donne ce que ça donne : une… union de parlementaires mal, ou pas du tout, élus, une confédération de syndicats à la solde des gouvernements, une organisation de «jeunes» clients des régimes, un rassemblement de magistrats sévissant dans des justices aux ordres… Et pour nous convaincre qu'on peut faire comme dans les pays les plus développés et les plus démocratiques, on va jusqu'à nous concocter une organisation de… consommateurs ! Il ne reste finalement qu'une union… d'Etats démocratiques et modernes à construire et le tour est joué !