L'annonce de l'attaque américaine sur l'Afghanistan y a provoqué un véritable séisme politique Le président pakistanais, le général Pervez Mucharef, a renforcé, hier, son emprise sur le puissant appareil militaire du pays, en procédant à un remaniement à la tête des forces armées et des services secrets. Ainsi, le général Mahmoud Ahmed a été remplacé par le général Ehsanul Haq, à la tête des puissants services de renseignement, le ISI. Avant ce poste, le général Haq, un Patchoune (groupe ethnique présent en Afghanistan et au Pakistan) avait été chef des renseignements militaires. Son prédécesseur a été limogé en raison de ses liens très étroits avec les taliban. Il avait été envoyé à deux reprises en Afghanistan pour tenter de convaincre les taliban de lâcher Ben Laden, en vain. Finalement, le président pakistanais a voulu l'écarter pour mieux contrôler l'effervescence populaire, qui n'a pas cessé de montrer son hostilité à l'égard de la politique de Moucharef, qui s'est rangé aux côtés de Washington dans la guerre internationale contre le terrorisme. Pour les observateurs politiques, ce changement confirme un renforcement de l'emprise du président pakistanais sur l'appareil militaire et le pays. Considéré comme un homme de réforme, cet admirateur de Kamel Ataturk, père de la Turquie moderne, compte lutter contre les islamistes extrémistes en verrouillant l'appareil militaire. Pour cela, il veut faire mieux que Benazir Bhutto. Et ce n'est pas les 1500 manifestants radicaux, qui sont sortis dans les rues de Peshawar pour protester contre les attaques américaines en Afghanistan, qui feront basculer l'armée. Pour le lieutenant général, Talat Massoud, un analyste respecté dans la région, «l'armée est une institution disciplinée et je ne crois pas au risque d'une mutinerie». «Au sein de l'état-major, Moucharef saura faire le consensus autour de sa personne sur une politique pro-occidentale. L'alternative - qui signifierait plus de sanction, un isolement accru, la banqueroute économique et financière - est trop épouvantable pour être sérieusement envisagée», a affirmé le responsable militaire pakistanais. Dans un souci de calmer la rue pakistanaise, qui a commencé à brûler les salles de cinéma qui projetaient des films américains, le président pakistanais a affirmé, dans une conférence de presse, que son pays n'avait pas servi de base arrière aux raids anglo-américains sur l'Afghanistan. Il a, toutefois, reconnu que l'espace aérien pakistanais avait été utilisé pour les attaques anglo-saxonnes. Il a révélé aussi, au cours de ce point de presse, avoir demandé aux Américains de ne pas laisser l'Alliance du Nord tirer profit des frappes, et qu'il a reçu des assurances formelles que cette opération sera de courte durée et ne ciblera que les camps terroristes. Les jours à venir risquent d'être décisifs pour le Pakistan, qui est partagé entre le soutien aux Occidentaux et la volonté de la rue d'aider l'Afghanistan contre ses agresseurs.