«Le colonialisme, c´est maintenir quelqu´un en vie, pour boire son sang goutte à goutte.» Massa Makan Diabaté "Extrait de Le Coiffeur de Kouta" Après un silence trompeur, France 2 a décidé de mettre le paquet sur la révolution de Jasmin en Tunisie, en présentant les journaux de 20h de France 2 et de Europe 1 en direct de Tunis. Nicolas Demorand animera une «émission spéciale» de deux heures, de 18h00 à 20h00 sur Europe 1 en direct de la capitale tunisienne, alors que sur France 2, David Pujadas proposera une édition spéciale consacrée à l´avenir de la Tunisie après le départ du président tunisien déchu, Zine El Abidine Ben Ali. Nicolas Demorand recevra «des personnalités tunisiennes et des représentants de la communauté française» pour cette «émission spéciale». Alors que la télévision publique francaise était restée bien silencieuse, le soir du vendredi 14 janvier, l´édition du Journal télévisé présenté par Laurent Delahousse, était déjà très spéciale, puisque un parterre d´invités de marque très liés à la Tunisie était sur le plateau du Journal télévisé de France 2, pour commenter dans la joie ce changement de régime. Ainsi, Serge Moati, originaire de Tunis, mais aussi Samah Soula, journaliste-reporter d´origine tunisienne et surtout une étoile montante Marwen Ben Yahmed, fils du fondateur de Jeune Afrique Béchir Ben Yahmed et héritier méritant de l´organe de politique France-Afrique dans la région. France 2 avait, à l´occasion de la chute de Ben Ali, bouleversé son programme et consacré son Journal télévisé à la Révolution tunisienne. Mais pourquoi ce changement de ligne éditoriale maintenant, alors que la contestation durait en Tunisie depuis plus d´un mois et que seule Al Jazeera couvrait quotidiennement l´actualité de la région? Comme pour Nessma TV et les autres télévisions tunisiennes, France 2 s´était autocensurée en évitant de critiquer la dictature de Ben Ali, en évitant surtout de focaliser l´opinion sur ce pays qui gardait encore des liens très étroits avec l´Elysée. Mais le roi est mort vive le roi! Il a fallu attendre que Sarkozy lâche Ben Ali pour que la télévision francaise (d´Etat de surcroît), se réveille et soit touchée par ce vent de liberté pour commencer à en parler...sérieusement. Ce qui démontre si besoin est que France 2 et même France 3 et TF1, n´avaient pas l´intention de suivre le mouvement de la contestation tant que le régime n´avait pas changé. Le plus grave est que France télévisions a plus parlé de la contestation populaire en Algérie entre le 6 et le 7 janvier que de la contestation en Tunisie. Dans l´émission Ce soir ou jamais de Frédéric Taddéï, sur France 3, la télévision française a voulu faire la corrélation entre ce qui s´est passé en Algérie et ce qui se passait en Tunisie. Le débat a malheureusement déraillé quand Dafri Abdel Raouf, (qui a ouvertement précisé qu´il était Français et pas Algérien) a déclaré, en réponse à un débat avec la nièce de Bourguiba, Hélé Béji, que l´Algérie n´avait pas gagné la guerre mais que de Gaule lui avait offert l´indépendance. Dafri Abdel Raouf, a été ensuite corrigé par Lahouari Addi, qui lui expliqua que l´Algérie avait gagné la guerre d´Algérie politiquement. C´est cette image encore une fois, sur la Guerre d´Algérie, que les téléspectateurs ont gardé et qui a provoqué un tollé chez les Algériens. En tout cas, les télévisions françaises réagissent à cette actualité comme une puissance coloniale qui a toujours son mot à dire dans la révolte des peuples opprimés. [email protected]